Raphaël Didier, Chargé de mission au Hub HealthTech, a échangé avec Thibaut Roulon, Directeur d’investissements chez Bpifrance afin d’obtenir son éclairage sur le secteur français des sociétés innovantes en immuno-oncologie. L’occasion de refaire le point sur ce qu’est l’immuno-oncologie et quelle place occupe la France dans ce domaine.
Raphaël Didier : Pourquoi l’immuno-oncologie est-elle aujourd’hui considérée comme une révolution dans la lutte contre le cancer ?
Thibaut Roulon : Le concept d’immunothérapie du cancer, c’est-à-dire l’utilisation de la réponse immunitaire pour traiter un cancer, est très ancien. Pendant longtemps, on a cherché à stimuler directement le système immunitaire, sans grand succès.
Depuis quelques années, de nouveaux traitements, appelés « inhibiteurs de points de contrôle » (« checkpoint Inhibitors ») ont été mis sur le marché. Les tumeurs induisent une inhibition du système immunitaire pour se développer. En supprimant cette inhibition, ces traitements induisent une réponse immunitaire efficace contre les tumeurs. Ils apportent un bénéfice thérapeutique majeur. C’est par exemple le cas du mélanome ou du cancer du poumon, dont la prise en charge s’est transformée en quelques années. Des rémissions durables sont observées, chez des patients pour lesquels il n’y avait auparavant pas de réelle solution thérapeutique.
D’autres types de traitements ont également fait leur apparition au cours des dernières années, comme les CAR-T cells, qui sont des thérapies cellulaires à base de lymphocytes T modifiés, reconnaissant spécifiquement les cellules tumorales. Ces thérapies ont démontré des effets impressionnants dans certaines formes de leucémies avancées.
Avec ces nouvelles thérapies, on ouvre des perspectives de guérison pour des cancers diagnostiqués à un stade avancé. Toutefois de nombreux challenges demeurent : tous les types de tumeurs ne répondent pas à ces traitements, et il faut augmenter la fréquence des réponses. Le développement de combinaisons d’immunothérapies est un moyen d’y arriver.
R.D. : Quelle est la place de la France dans le domaine de l’immuno-oncologie ?
T.R : La France dispose d’atouts certains dans ce domaine. Historiquement, elle dispose d’une recherche académique de très haut niveau dans le domaine de l’immunologie.Elle dispose également d’une très bonne recherche translationnelle en oncologie, notamment à Paris (Gustave Roussy, Institut Curie, AP-HP), Lyon (Centre Léon Bérard), Marseille, Toulouse … Le DITEP (Département d’Innovation Thérapeutique et d’Essais Précoces) de Gustave Roussy est un des plus importants centres au monde pour les essais cliniques précoces en oncologie ; il est très actif dans le domaine des immunothérapies. Toutes ces équipes, internationalement reconnues, collaborent avec des sociétés biotech et pharma pour le développement de nouveaux traitements en immuno-oncologie.
La France dispose d’atouts certains dans ce domaine. Historiquement, elle dispose d’une recherche académique de très haut niveau dans le domaine de l’immunologie.
Thibaut Roulon, Directeur d’investissements chez Bpifrance
De nombreuses sociétés de biotechnologies françaises développent des traitements innovants en immuno-oncologie. Bpifrance en a identifié dans son mapping une trentaine : une dizaine développe des anticorps monoclonaux, une dizaine des vaccins thérapeutiques, et le reste des thérapies cellulaires, des petites molécules innovantes ou d’autres types de produits (virus oncolytiques…). Certaines de ces sociétés ont été pionnières dans leur domaine, comme Innate Pharma, Cellectis ou bien Transgene. Plusieurs sociétés créées au cours des dernières années, qu’elles soient issues de la recherche académique ou privée, ont également des approches très prometteuses.
R.D. : Quel rôle joue Bpifrance dans le développement de ce secteur ?
T.R. : Bpifrance participe activement au développement du secteur, et ce à plusieurs niveaux. Bpifrance finance les sociétés du secteur via son activité de capital-risque. Les fonds InnoBio et Large Venture, ont par exemple investi chez Cellectis, GamaMabs ou Innate Pharma. Bpifrance finance aussi des projets collaboratifs à l’instar du projet de financement d’OSE Immunotherapeutics de 9,2M€ en 2017, pour le développement d’une nouvelle génération d’inhibiteur de point de contrôle.
Bpifrance a aussi lancé fin 2017 un accélérateur HealthTech au sein du Hub, qui accompagne les dirigeants de participations de Bpifrance, notamment GamaMabs.
Plus largement, Bpifrance contribue au rayonnement et à la visibilité du secteur en France et à l’international via notamment la co-organisation avec le LEEM des Rencontres Internationales du Biotechnologies ou la co-organisation avec l’association WITH et Sanofi de la soirée Vive la Biotech en marge de la JP Morgan Conférence à San Francisco.
Thibaut Roulon a réalisé une thèse au Laboratoire de Biophysique du Muséum National d’Histoire Naturelle, dirigée par le Pr Claude Hélène. De 2002 à 2004, il a occupé des fonctions opérationnelles dans la société de biotechnologie Anosys Inc. (Menlo Park, CA, USA), contribuant notamment au lancement d’un essai clinique de phase II ainsi qu’au développement d’une plate-forme technologique. En 2005, il rejoint Bioam Gestion, une société de gestion spécialisée dans le financement des entreprises innovantes du domaine des sciences de la vie, puis CDC Entreprises en 2010, dans le cadre du rapprochement de Bioam Gestion et de CDC Entreprises. Il est aujourd’hui Directeur d’investissements chez Bpifrance.
Chargé de projet de l’accélérateur Bpifrance Hub HealthTech, Raphaël Dider est notamment spécialiste des marchés innovants de la santé : healthtech, medtech, biotech.