Poppins boucle une deuxième levée de fonds de 5 M€ pour améliorer l’accessibilité au soin des enfants Dys

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Face à des délais d’attente extrêmement longs pour consulter un orthophoniste, le repérage et la prise en charge des troubles Dys (comme la dyslexie, la dyscalculie ou la dysorthographie) sont trop souvent retardés. La startup Poppins (ex-Mila Learn) fait entrer l’accompagnement dans le quotidien des enfants dys grâce à une application de rééducation innovante basée sur la musique. Une solution précieuse pour agir en amont du premier rendez-vous et maintenir les progrès entre deux séances.

Francois Vonthron 2021

18 mois après un premier tour de table de 8 M€, la startup – soutenue par Bpifrance – vient de finaliser une levée de fonds de 5 M€. Rencontre avec François Vonthron, co-fondateur et CEO de Poppins.

Nous vous avions quitté il y a 18 mois avec une levée de 8 M€ et un changement de nom (Mila devenait alors Poppins) : que s’est-il passé pour la startup pendant ce laps de temps ? Est-ce que vos objectifs ont été atteints ?

François Vonthron : Le premier focus important de cette levée était le déploiement de notre solution en tant que dispositif médical numérique. Poppins avait déjà fait l’objet de plusieurs financements au cours de son développement. Ce lancement est l’aboutissement de sept années d’études cliniques. 

Aujourd’hui, ce sont plus de 15 000 familles que nous avons accompagnées . Au cours des 18 derniers mois, nous avons mis Poppins à la disposition de milliers de familles ; c’est à partir de là que notre impact s’est véritablement concrétisé sur le terrain. À ce jour, 4000 familles utilisent l’application au quotidien dans l’attente d’un rendez-vous avec un orthophoniste ou en complément entre deux sessions.

Le deuxième sujet était celui de l’accès au remboursement. Actuellement, notre dispositif n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Toutefois, malgré des délais qui restent relativement longs, jamais nous n’avons été aussi proches du but. Le dépôt de notre dossier est prévu d’ici la fin de l’année.

En parallèle, nous poursuivons l’élargissement de notre réseau de partenaires parmi les complémentaires santé. Au fil des mois, plusieurs nouvelles mutuelles se sont jointes à l’aventure Poppins, renforçant ainsi progressivement la couverture proposée aux bénéficiaires.

Notre troisième objectif était le développement à l’international. Mon associé a déménagé aux États-Unis et nous sommes en train de nous implanter là-bas. Nous disposons d’une technologie facilement exportable. Une belle opportunité s’offre à nous, d’autant plus que l’ensemble de nos travaux de recherche a été publié dans des revues scientifiques américaines. 

Aujourd’hui, avec le soutien de notre conseil scientifique — dont certains membres sont basés aux États-Unis — nous travaillons à rendre notre dispositif médical accessible aux enfants américains. 

C’est sur la base de ces trois beaux succès que nous faisons un nouveau tour de table, pour aller un peu plus loin dans le déploiement du dispositif médical et dans son intégration dans les parcours de soins. Nous souhaitons trouver une place pérenne pour venir en aide à ces enfants atteints de dyslexie.

 

L’équipe Poppins

En effet, Poppins lève de nouveau des fonds cette année, avec 5 M€. À quels axes de développement cette nouvelle levée va-t-elle répondre ? 

FV : Nous nous inscrivons dans la continuité de la première levée, notamment en poursuivant ces deux axes majeurs : l’intégration dans le parcours de soin et le développement à l’international.

Au-delà du remboursement, nous visons l’intégration de Poppins au parcours de soin. Nous voulons produire de nouvelles preuves, appuyées par des données cliniques, sur les bénéfices des dispositifs médicaux numériques dans les parcours de soin.

Nous sommes dans un contexte où les enfants ont des durées d’attente très longues. Les professionnels de santé font un travail extraordinaire, mais le nombre de soignants disponibles est largement insuffisant face à l’ampleur des besoins. Les dispositifs médicaux numériques permettent d’assurer la continuité des soins à la maison. C’est tout notre sujet, avec l’objectif de pousser plus loin l’intégration.

Nous souhaitons mener de nouvelles études, trouver de nouveaux endpoints, arriver à comprendre, au-delà de l’impact purement clinique, comment Poppins peut bénéficier aux professionnels de la santé, aux aidants familiaux, aux enfants atteints de troubles tels que la dyslexie, et ainsi avoir une place stable dans le parcours de soin. Notre ambition première est de continuer à apporter de la valeur aux patients.

Le second enjeu a une portée financière, il s’agit de la croissance à l’international. Le sujet reste très nouveau, en particulier celui des dispositifs médico-numériques appliqués aux troubles du neurodéveloppement tels que la dyslexie. Aujourd’hui, les seules véritables alternatives sont des jeux à visée éducative, mais qui ne disposent ni de preuves cliniques solides, ni de marquage CE, ni d’un environnement réglementaire certifiant leur sûreté et leur efficacité pour l’enfant.

Que signifie pour vous devenir entreprise à mission ?

FV : Devenir une entreprise à mission est la continuité naturelle de notre démarche. D’une part, en raison de l’objet même de notre société, centré sur la dyslexie. D’autre part, parce que, depuis le tout début de l’aventure, nous avons impliqué l’ensemble des parties prenantes. Je pense notamment à la Fédération Française des Dys, l’association de patients représentative, les laboratoires, les chercheurs, les cliniciens, les orthophonistes, etc. Nous les avons associés afin d’assurer un pilotage au plus près de la vie de toutes les parties du projet.

Le pilotage implique toutes les parties prenantes, avec des objectifs en matière d’impact sociétal. C’est l’essence même de la startup et la suite logique de tout ce que l’on a construit : permettre aux familles les plus démunies de bénéficier gracieusement de Poppins et continuer à produire des publications scientifiques pour avoir un impact dans la recherche académique. Devenir une entreprise à mission nous ancre dans cette direction.

En inscrivant cette mission dans nos statuts, nous garantissons que la société ne s’en détourne pas et que notre ADN, très fort en interne, se reflète également sur le plan légal et juridique.

Antoine Yuen et François Vonthron co-fondateurs de Poppins

Pouvez-vous nous en dire plus sur la Nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023-2027 ?

FV : Au sein du gouvernement, une délégation interministérielle s’attache à faire en sorte que les personnes qui ont des troubles du neurodéveloppement, comme la dyslexie, aient un accompagnement adapté. Elle fixe la ligne d’horizon pour les prochaines années, en termes d’amélioration de parcours de soins

Nous voulons vraiment nous inscrire dans le cadre de cette stratégie nationale, car elle prend en compte toutes les parties prenantes, depuis les associations de patients jusqu’aux professionnels de santé.

Quels ont été et seront vos feedbacks de réussite ?

FV : Les feedbacks sont importants pour nous. Nous en avons reçu des milliers : de nombreuses familles prennent le temps de nous faire des retours extrêmement qualitatifs. Ces échanges nous ont permis d’améliorer l’application. Nous sommes reconnaissants aux familles qui sont au cœur de ce processus.

Il y a un état d’esprit de solidarité très fort dans cet écosystème : les retours transmis par les anciens utilisateurs bénéficient aux familles suivantes. Nous espérons continuer à en recevoir.

Y a-t-il un retour en particulier qui vous a marqué ?

FV : Un dimanche matin, nous avons reçu le feedback de la maman d’un enfant dys. C’était notre première utilisatrice. Ce qui est merveilleux, c’est qu’au fil du temps, c’est finalement elle qui nous a accompagnés. Et, elle continue de le faire, même si son enfant a grandi et qu’elle n’utilise plus l’outil. L’entreprise Poppins doit beaucoup à ces parents qui ont participé à sa construction.

Selon vous, quels sont les éléments clés qui ont contribué à la réussite de la startup ? 

FV : Notre priorité est d’améliorer l’accessibilité aux soins pour les enfants touchés par la dyslexie, en veillant à le faire avec la plus grande rigueur. Nous avons la réputation d’être fédérateurs, car nous réussissons à rassembler des profils issus d’univers très différents : ingénieurs, professionnels du monde mutualiste, orthophonistes, experts en réglementation des dispositifs médicaux, etc. 

Cette diversité de profils se reflète dans la startup, où il n’y a, a priori, pas deux personnes avec le même rôle ou la même expérience. Ce mélange de compétences crée une émulsion vraiment forte, et c’est précisément cet ADN que nous voulons préserver.

Et qu’aimeriez-vous que les gens retiennent ou disent de Poppins ?

FV : Poppins, à notre sens, pourrait faire partie de l’arsenal thérapeutique des orthophonistes. Dans les années à venir, nous serons particulièrement attentifs à ce que l’application soit recommandée comme un dispositif médical offrant un accès aux soins aux enfants dys sur liste d’attente. L’orthophoniste n’est en aucun cas remplacé, il s’agit d’un dispositif de première intention, en complément de la prise en charge thérapeutique.

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