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Alors que l’acte d’achat se simplifie par la digitalisation et que le marché de la seconde main croît à grande vitesse, les entreprises du e-commerce les plus vertueuses séduisent de plus en plus des cyberconsommateurs. Peut-on allier e-commerce et Responsabilité Sociétale des Entreprises ? C’était le thème de la conférence TOTEM de Bpifrance de juin 2021. Synthèse.
Le traditionnel schéma de l’achat impulsif « moteur de recherche, mot clef, scrolling, clic », qui régissait autrefois le processus de transaction sur Internet, semble avoir pris la poussière. Bien qu’il ne sollicite pas directement les conseils d’un professionnel ou d’un vendeur comme il le ferait en boutique, le e-consommateur moderne n’en reste pas moins impliqué. Il est désormais soucieux de la qualité de l’article qu’il acquiert, mais aussi de la provenance et de l’impact sociétal de celui-ci.
Si les fermetures successives des commerces non essentiels résultant des mesures sanitaires ont poussé la population à se tourner de plus en plus vers la vente en ligne, engendrant par là un boom notable du e-commerce (86% des personnes ont augmenté leurs achats en ligne durant la pandémie, d’après l’étude Global Consumer Survey 2020 de PwC), il semblerait que le Covid-19 ait également réveillé les consciences. Simplifié, systématisé, fluidifié, l’acte d’achat est paradoxalement devenu de plus en plus réfléchi.
Une dynamique partagée entre vendeurs et acheteurs
« D’un côté, vous avez des marques qui se sont adaptées et ont misé sur le digital, ont développé du click & collect pour pallier le manque d’activité de leurs points de vente physiques. On a par exemple vu des chaînes se lancer sur le marché de la seconde main, comme Auchan avec le textile, Décathlon propose désormais des vélos en leasing, et même des enseignes de bricolage se lancent… Je sais qu’il y a notamment une réflexion menée sur l’occasion du côté de Leroy Merlin, énumère Cyril Besse, CEO d’Univers Retail, cabinet de conseil en stratégie opérationnelle spécialisé pour les acteurs du Retail. De l’autre côté, vous avez des acheteurs dont la sensibilité à propos de la nécessité de consommer de manière durable et écoresponsable s’est exacerbée depuis la crise sanitaire. »
Selon les chiffres issus du baromètre LSA sur les marques responsables, il apparaît ainsi que plus de 80 % des consommateurs prétendent aujourd’hui être très attentifs à la responsabilité des marques lors de l’acte d’achat. Selon une autre enquête – menée conjointement par KPMG et la FEVAD – 53% des cyberacheteurs déclarent tenir compte d’éléments environnementaux, responsables ou éthiques dans leurs habitudes de consommation en ligne. Ils sont même 70% à privilégier les sites faisant la promotion d’une démarche responsable. « Ces vertus font office de vecteur d’achat et de fidélisation de la clientèle pour les marques », appuie Cyril Besse.
Hier l’apanage des grandes locomotives de l’énergie ou du BTP, à la fois pour des questions d’image et de communication interne (implication et engagement des RH), la RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) concerne désormais toute société souhaitant commercialiser son service ou son produit sur Internet, et ce dès sa création et peu importe sa taille. Dès lors, comment concilier les enjeux de RSE des entreprises avec les problématiques de commerce en ligne ? Quels sont les critères RSE applicables au e-commerce ? Et comment les startups peuvent s’improviser catalyseur de ces nouvelles préoccupations ? Autant de questions dont s’emparent des pionniers d’une nouvelle forme, plus responsable, de e-commerce.
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Des exemples pionniers inspirants
Première bonne nouvelle : selon Cyril Besse, il ne paraît pas plus compliqué pour un site de e-commerce ou un pure-player d’embrasser le référentiel RSE. « J’ai presque envie de dire que potentiellement, ça peut être plus simple, affirme-il. Parce que les contraintes ne sont pas les mêmes qu’un distributeur classique, qui doit notamment se focaliser sur les flux de transport entre ses entrepôts ». La vraie problématique réside dans l’acquisition de l’information produite (notamment au niveau des fournisseurs et fabricants) pour pouvoir la restituer in fine au consommateur et s’inscrire par la même occasion dans une démarche de transparence. « Nous avons bouclé le premier calcul de notre empreinte carbone », évoque ainsi Camille Richard, responsable RSE pour BackMarket, la célèbre marketplace de l’équipement électronique reconditionné, qui a fait face à une explosion de la demande ces derniers mois avec la démocratisation du télétravail – et le prix parfois exorbitant du neuf. Pour y parvenir, l’enseigne a à la fois regardé ses émissions directes – émanant de son marketing, son portail, ses bureaux… -, ainsi que ses émissions indirectes.
« La petite difficulté, reprend Camille Richard, c’est qu’en tant que marketplace, nous n’avons pas la main sur la logistique et la politique RSE de nos intermédiaires. Toutefois, ces livraisons n’existeraient peut-être pas sans nous, donc nous nous sentons investis d’une responsabilité. Nous souhaiterions agir sur des sujets sur lesquels nous n’avons pas à l’heure actuelle de levier direct. C’est pourquoi nous sommes en train de dialoguer avec les transporteurs et les reconditionneurs pour réduire notre impact ». En interne, les problématiques d’inclusion et d’ouverture des métiers de la Tech (traditionnellement très masculins) aux femmes sont au cœur de la politique de recrutement de BackMarket, révèle enfin la responsable RSE.
Proposer une véritable transparence
La transparence vis-à-vis du consommateur final, c’est également le leitmotiv de Choose, application qui se propose de mettre en avant les marques porteuses de sens en accord avec les valeurs du cyberacheteur. « Nous ne sommes pas des moralisateurs », précise d’emblée Timothée Richard, cofondateur de la start-up. Seulement, dans un univers comme la mode, qui est passé d’un écosystème d’une cinquantaine de maisons connues mondialement à un océan ou plusieurs centaines de marques se montent chaque jour sur Shopify ou Instagram, le client qui veut consommer mieux a besoin d’être aiguillé. « Notre métier, c’est de faire ce premier filtre. En un clic, nos utilisateurs sont capables de voir si tel article est fabriqué en France, si le manufacturier est écoresponsable etc. »
Si on peut se féliciter de ce nouveau paradigme chez l’acheteur 3.0, il y a un revers à la médaille : cet acheteur d’un nouveau genre, ne risque-t-il pas d’attirer des acteurs pour qui le marketing RSE n’est qu’une façade ? Pas de panique, promet Cyril Besse, le green marketing non tangible, qui peut être une réalité, traduit en fait une vision très court-termiste. « Si je mets en avant des aspects RSE sans actes effectivement éthiques sur le terrain, simplement comme argument de vente, le client va s’en apercevoir, il finira par partir et ne reviendra jamais, estime le consultant. Le coût d’acquisition du client est bien plus important que le bénéfice que j’en tire. Ne sous-estimez pas le pouvoir des réseaux sociaux, où tout se répand extrêmement vite, notamment sur ces sujets-là. »
Reste enfin à convaincre le cyberacheteur de dépenser plus pour un produit plus vertueux. « Il y a souvent un décalage entre ceux qui se disent prêts à payer plus cher et ceux qui vont réellement payer plus cher. On doit aider les gens à développer des usages qui vont réellement impacter leurs comportements d’achat » explique Aymeric Déchin. Avec la société Faume qu’il a fondée, il accompagne les marques de mode dans la mise en place de leur offre de seconde main. Selon lui, plutôt que de miser sur la création d’un énième label environnemental abstrait, les e-commerçants ont intérêt à mettre clairement en avant les caractéristiques responsables concrètes de leurs produits pour provoquer un déclic chez leurs clients. « Quand on achète un produit de seconde main, c’est un produit qui a déjà vécu, il n’y a pas de matière vierge qui a été prélevée pour le fabriquer. Il est donc par nature éco-responsable. Il n’y a pas de débat. » Acteurs mobilisés, exemples inspirants, acheteurs sensibilisés et attentifs : aucun doute, un autre e-commerce semble désormais possible.
Conquise par la mise en récit et la tech complexe, Claire met aujourd’hui sa détermination, ses bons mots et son expérience en com au service des startups investies par Bpifrance.