L’agence de notation pour les startups Early Metrics présente, dans une série d’articles, certains des principaux enseignements que l’on peut tirer de la collaboration entre les grands groupes et les startups, peut-être l’une des relations économiques majeures du 21e siècle.
Collaboration Corporate / startups : Le guide
Après une introduction dans laquelle j’ai évoqué les nouvelles formes d’innovation, et avant de nous intéresser au Corporate venturing (Part 3) et au Co-développement (Part 4), voyons quels sont les impératifs pour une collaboration fructueuse entre les startups et les grands groupes.
Règle n° 1 : Définir les critères de succès et faire converger les attentes
Lorsque startups et grands groupes s’engagent sur la voie de la collaboration, il est absolument essentiel de s’interroger sur les motivations sous-jacentes des deux parties. Ce devrait être le cas dans tous les échanges commerciaux, mais étant donné les différences en termes de taille et la variété des types de collaboration possibles, c’est d’autant plus important dans le cas des startups et des grands groupes.
Lorsque l’on interroge des PDG de startups à propos de leur collaboration avec de grands groupes, la crainte du « hold-up des droits de propriété intellectuelle » est évoquée au bout de quelques minutes à peine. Lorsque l’on discute avec des responsables de l’innovation de grands groupes, l’une des préoccupations qui reviennent le plus souvent est la suivante : « les startups nous voient comme des sociétés avec un portefeuille bien garni et un accès direct au marché, mais elles ne comprennent pas comment nous sommes organisés et comment notre processus de prise de décisions fonctionne réellement ».
Des deux côtés, des idées fausses peuvent subsister : pour éviter les malentendus dès le départ, la meilleure solution est donc, et sera toujours, de définir avec précision les objectifs de la collaboration.
Voici ce que nous recommandons : après deux ou trois réunions (car il n’en faut généralement pas moins avant d’entrer dans le vif du sujet), chaque partie doit avoir clairement identifié ses attentes et les avoir communiquées à l’autre.
Pour la startup, les objectifs à moyen terme d’une collaboration avec un grand groupe pourraient être les suivants :
- S’attacher le grand groupe en tant que client ou en tant que…
- …client clé, avec un chiffre d’affaires visé de X ;
- … partenaire technologique ;
- … fournisseur de technologies ;
- … partenaire de distribution ;
- … source de données ;
- … partenaire en matière de conformité, etc.
Il est important de noter que s’attacher le grand groupe en tant qu’actionnaire (minoritaire ou majoritaire) ne figure pas dans la liste. En matière de prise de participation, il faut bien comprendre que, tout comme le mariage est la conséquence d’une rencontre déterminante et d’une relation épanouie, l’investissement ou l’acquisition est la conséquence d’un partenariat fructueux impliquant l’un des points cités plus haut (et généralement plusieurs).
Pour le grand groupe, les raisons principales d’une collaboration avec une startup pourraient être les suivantes :
- S’attacher la startup en tant que simple fournisseur de technologies ou en tant que…
- … représentant d’un nouveau service potentiel ;
- … représentant d’un nouveau segment de marché potentiel ;
- … partenaire de distribution pour un segment/produit spécifique ;
- … argument de communication ;
- … partenaire technologique, etc.
Vous voyez l’idée : aucun objectif n’est bon ni mauvais en tant que tel. L’important, c’est la transparence des deux parties sur la véritable nature de leurs objectifs et la convergence entre ceux-ci.
Chaque partie doit pouvoir formaliser ses ambitions et connaître celles de l’autre. Du côté du grand groupe, étant donné que de nombreuses parties prenantes sont généralement impliquées, le responsable du projet doit également assurer une harmonisation interne.
Règle n° 2 : Mesurer le succès (ce qui n’est pas si simple dans le domaine de l’innovation)
Quand il s’agit de mesurer le succès d’une campagne sur les réseaux sociaux ou du lancement d’un nouveau produit, les deux parties sont en terrain connu. Les choses se compliquent quand il s’agit de mesurer le succès d’une preuve de concept (POC) entre une jeune pousse Fintech et une banque Tier 1. Comment procéder, et quelles questions se poser ?
Étape 1 – Demandez-vous si le succès d’une collaboration peut facilement se quantifier, ou s’il se mesure uniquement en des termes du type « ça fonctionne/ça ne fonctionne pas ».
Étape 2 – Si le succès peut être quantifié, déterminez les indicateurs clés de performance (KPI) à surveiller. Ne vous contentez pas des statistiques bonnes pour l’égo (« vanity metrics ») comme le nombre de pages vues ou de « j’aime » : optez pour des mesures qualitatives, comme le taux de conversion, de fidélisation, etc.
Étape 3 – Si le succès ne peut pas être quantifié, déterminez avec soin les cibles associées aux KPI sélectionnés, sans oublier de tenir compte des ordres de grandeur et de la faisabilité globale.
Étape 4 – Si le succès ne peut pas être quantifié facilement, déterminez les caractéristiques des résultats qui vous permettront de vous faire une idée claire et objective de la réussite ou de l’échec de la collaboration.
Dernier point, mais pas le moindre, n’oubliez pas que pour les deux parties, l’échec doit être une possibilité, car l’innovation passe aussi par là.
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Règle n° 3 : Désigner un interlocuteur unique
Décideur, détenteur du budget, utilisateur… Pour une startup, il est important de se familiariser avec ces termes et de comprendre les rôles qu’ils désignent. Dans les grandes organisations, trois personnes ou plus peuvent se partager ces responsabilités, et elles ont toutes leur mot à dire dans le OUI final.
Pour faciliter la collaboration, il est essentiel de désigner un responsable interne assumant un maximum de ces rôles, ou ayant au moins un accès direct à la plupart d’entre eux. Il doit s’agir au minimum d’un utilisateur du service, car il est plus compliqué d’être managé par quelqu’un qui n’est pas familier des défis que la solution/le service doit résoudre.
Les startups ont la responsabilité d’identifier et de convaincre ce responsable interne, mais l’inverse est vrai (et souvent plus naturel) également : le responsable doit établir le dialogue avec la startup. La transparence dans les communications entre le responsable interne et l’entrepreneur est cruciale, notamment sur des sujets complexes comme les caractéristiques techniques ou les délais de paiement.
Règle n° 4 : Commencer petit et viser grand
Du point de vue de la startup, il est assez fréquent de considérer le grand groupe comme une société au portefeuille bien garni, prête à payer pour le moindre truc sortant de l’ordinaire, et c’est une grave erreur. Les grands groupes ont une approche extrêmement rationnelle des dépenses, et cherchent généralement à réduire les coûts à tous les niveaux, y compris dans les domaines du numérique et de l’innovation.
Plus le montant est élevé, plus les parties impliquées dans la prise de décisions sont nombreuses, et plus il y a de risques que rien ne se fasse. C’est pourquoi la meilleure approche à adopter est celle du projet pilote/déploiement.
Phase 1 : Projet pilote – Aboutir au premier succès L’objectif pour les deux parties est de définir le premier cas d’application de la collaboration.
Voici les points clés à retenir :
- Sa taille doit être aussi limitée que possible, afin de réduire le nombre de décideurs impliqués. Il est recommandé de cibler un champ d’application (c’est-à-dire un montant en euros, dollars ou livres) qui évite d’avoir à passer par un appel d’offres, une étape de validation de la conformité ou une procédure de validation par la direction.
- Ses chances de succès doivent être aussi élevées que possible. Dans le cas d’un projet pilote, il est également recommandé d’éviter tout changement au niveau de la conception, de l’intégration ou de la marque.
Phase 2 : Déploiement – Procéder progressivement à un déploiement à plus grande échelle, en tirant les enseignements d’un ou plusieurs projets pilotes Les données et les informations collectées via les projets pilotes permettent de convaincre les collègues sceptiques et de rassurer les équipes chargées des achats. Parvenir à cette phase est une expérience très gratifiante pour les deux parties, et c’est peut-être là que la collaboration entre un grand groupe et une startup peut vraiment porter ses fruits.
Pour conclure, l’un des principaux facteurs de succès consiste à établir une relation aussi normalisée que possible, sans trop solliciter le pouvoir de négociation de chaque partie et en ayant des conversations franches quand cela est nécessaire.
English version available here :
Antoine Baschiera est cofondateur de l’agence de notation de startup Early Metrics.