Photo par Gautier Pfeiffer via Unsplash
En tant qu’opérateur du plan de relance et du programme des investissements d’avenir pour le compte de l’Etat, Bpifrance soutient les projets d’innovation de rupture et d’industrialisation visant la relocalisation industrielle et la souveraineté alimentaire de la France. Cette revue des projets financés entre 2018 et 2020 met en exergue les grandes tendances de l’innovation agro-alimentaire, qui contribue à relever les défis de demain, liés à la transition écologique et à l’accès à une alimentation saine pour le plus grand nombre.
Les nouvelles technologies au service de l’agroécologie
Le biocontrôle (protection biologique des plantes) suscite de nombreuses créations de startups mais également de projets collaboratifs ou encore des investissements de production. Micropep, ElicitPlant, Kapsera, Mycea, Biointrant et Mycophyto sont quelques-unes des startups soutenues par les aides deeptech (Aide à l’innovation de rupture). En outre, Axioma a bénéficié d’un financement du plan de relance pour construire une usine de production et répondre à la demande croissante du marché. Autour de Belchim Crop Protection France, le projet SOLSTICE réunit six partenaires publics et privés français pour développer des substances naturelles de protection de la vigne, des plantes ornementales et des cultures légumières.
Marché de niche comparé aux pesticides chimiques, l’utilisation de produits de biocontrôle progresse régulièrement et devrait représenter 15% du marché français en 2022, bénéficiant de politiques publiques très incitatives, en particulier le plan ECOPHYTO. Le biocontrôle ne se limite pas aux plantes et concerne également les animaux d’élevage comme en témoigne l’activité de la start-up Pertinent Santé Animale, dans un objectif de réduire l’usage des antibiotiques et de manière générale l’antibiorésistance.
Les technologies numériques contribuent également à réduire les intrants chimiques, mais aussi l’eau d’irrigation ou encore la pénibilité du travail. Le fonds Ecotechnologie de Bpifrance a ainsi investi dans les outils de décision de Sencrop et le robot électrique de désherbage Naïo-Technologies (en alternative au glyphosate). Le projet collaboratif Naturellement popcorn, porté par Nataïs, leader européen sur son marché, illustre bien l’apport du numérique pour développer une filière durable du maïs popcorn, en développant notamment un outil de mesure du stockage de carbone dans les sols permettant ainsi de rémunérer les producteurs en fonction de leur impact positif sur le climat. De même, l’association Pour Une Agriculture du Vivant a été soutenue pour le développement d’une base de données informatique des pratiques agroécologiques, en vue de les valoriser et d’assurer une meilleure rémunération des agriculteurs par les acteurs avals de la filière.
Le développement de l’agriculture biologique, qui représente désormais 9,5% de la surface agricole française (source: Agence Bio), s’accompagne d’exigences de traçabilité et d’authenticité, auxquelles répond le projet collaboratif TOFoo, piloté par Eurofins, via la constitution et l’exploitation de bases de données de plusieurs milliers d’échantillons à la croisée du big data et de l’intelligence artificielle.
Par ailleurs, la filière des produits de la mer est très peu digitalisée, ce qui grève sa traçabilité, sa durabilité (gaspillage, logistique non optimisée) et la rentabilité de ses acteurs. La société Procsea a été soutenue pour développer la première place de marché européenne en ligne, spécialisée dans les produits de la mer et dédiée aux professionnels.
Pour rapprocher les lieux de production des consommateurs, Né d’une seule ferme propose aux agriculteurs des petites unités de transformation à la ferme, qui permettent de mieux valoriser les productions fermières auprès des circuits de distribution locaux. Dans le même objectif, Agricool bénéficie du soutien du fonds Large Venture de Bpifrance pour produire des fraises, salades et herbes aromatiques en ville, sans produits chimiques, grâce à des énergies renouvelables et en en limitant la consommation d’eau.
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La souveraineté des données
Les acteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont été pionniers dans la réappropriation de leurs données, en structurant au sein de deux plateformes la mise en commun et le partage consenti de leurs données, respectivement Agdatahub et Numalim. Bénéficiant d’un fort soutien de l’Etat, ces projets stratégiques visent la souveraineté des données pour leur meilleure valorisation par les acteurs de la filière agro-alimentaire, via des services et des produits innovants (applications nutritionnelles, traçabilité, étiquetage des bonnes pratiques…).
L’autonomie protéique
L’Europe importe 65% des protéines qu’elle consomme, principalement du soja pour l’alimentation animale, lequel contribue à la déforestation des forêts tropicales. Considérant ce double impératif de souveraineté alimentaire et de protection de l’environnement, le soutien des filières des protéines végétales ou alternatives (insectes, algues,…) a représenté une priorité des interventions de soutien en innovation et de relance.
Ainsi, Ynsect, Innovafeed et Agronutris font figure de fers de lance de la filière française des insectes, leader dans le monde, pour nourrir les animaux d’élevage et demain les êtres humains. Autre source durable de protéines et d’ingrédients nutritionnels, la filière des micro-algues se structure également avec par exemple Inalve, startup lauréate du Concours Mondial de l’Innovation et Microphyt, startup soutenue par le fonds « Sociétés de Projets Industriels » de Bpifrance.
NxtFood et Kokiriki développeront leur capacité industrielle de production de substituts végétaux de viande grâce au plan de relance. De même, Les Etablissements Sirugue ont été lauréats du plan de relance pour développer les filières locales d’aliments végétaux pour le bétail.
Depuis près de 30 ans, la PME Valorex développe un savoir-faire dans la technologie de cuisson des graines oléo-protéagineuses (lin, féverole, pois, et lupin) pour le marché de l’alimentation animale (en alternative au soja d’importation) et plus récemment pour le marché de l’alimentation humaine, à l’origine de la gamme de produits Bleu-Blanc-Cœur. Elle a été soutenue pour réaliser une étude clinique chez des seniors, visant à démontrer les intérêts d’une stratégie nutritionnelle préventive d’apport de ces farines riches et équilibrées en acides gras oméga 3.
L’Europe est également très dépendante des importations de produits de la mer à 72%. Les startups Agriloops et Lisaqua ont développé des fermes aquacoles de production de gambas en France, en circuit fermé, sans antibiotiques et sans rejets chimiques. La startup Bioceanor propose des outils prédictifs et connectés pour favoriser une aquaculture durable. La startup Huddle Corp améliore la productivité et la santé des poissons et crevettes d’élevage grâce à sa technologie de microencapsulation des aliments aquacoles.
Enfin, Vitalmeat et Gourmey s’illustrent par des innovations de rupture liées à la culture in vitro pour produire respectivement des substituts de poulet et de foie gras, dans le respect du bien-être animal, sans gavage et/ou sans abattage.
La compétitivité de l’industrie alimentaire
L’usine alimentaire du futur se construit avec l’apport de startup comme celles réunies au sein du projet collaboratif Atl-en-tic pour réduire la consommation énergétique, grâce notamment à des capteurs, des objets connectés et de l’intelligence artificielle. Grâce au plan de relance, Lyophytec mettra en production une nouvelle technologie brevetée qui permet de sécher par lyophilisation des ingrédients de l’industrie alimentaire avec un temps de traitement et une consommation énergétique réduits, rendant compétitif le procédé par rapport aux concurrents asiatiques, dans un objectif de relocaliser cette activité des entreprises en Europe.
La startup Dry4good a été soutenue également pour développer une technologie de déshydratation des aliments dans un objectif d’éco-efficience et de naturalité des recettes. Enfin, la startup Zymoptiq a bénéficié d’une aide deeptech pour développer un outil très compétitif de la mesure d’activité enzymatique, utilisée dans de nombreuses industries, grâce à une mise en œuvre simple, rapide et sans équipement coûteux.
La santé par l’alimentation
La France dispose d’une longue tradition culinaire des produits fermentés (fromage, pain, vin, bière, salaisons de viande ou de poisson, choucroute,…), qui présentent un double avantage nutritionnel (en augmentant la diversité du microbiote intestinal et favorisant ainsi notre bien-être et notre santé) et environnemental (plus longue conservation des produits avec un procédé naturel, non energivore). Le projet collaboratif Metapath vise à mieux comprendre le fonctionnement des mécanismes biologiques et des réactions biochimiques qui interviennent au cours de la fermentation, via le développement d’un ensemble d’outils dont des méthodes analytiques de haute résolution et un logiciel de modélisation, afin de concevoir de nouveaux produits plus naturels (sans additifs), sains, savoureux et éco-responsables. Le plan de relance a pour ambition d’augmenter les capacités de production de ferments en France, avec le soutien d’entreprises comme Lesaffre et Philibert Savours. De même, c’est une priorité thématique du concours i-nov, avec le projet de Biodis pour le développement de ferments lactiques à partir d’agrumes et celui d’Integrative Phenomics visant à prédire la réponse individualisée aux aliments grâce à des analyses de données du microbiome intestinal, par l’intelligence artificielle. Enfin, la startup Green Spot Technologies développe un procédé de fermentation transformant les coproduits de fruits et légumes en des farines hautement nutritives.
Par ailleurs, la PME Activ’Inside est à l’origine du projet collaboratif Silver Brain Food, qui vise à développer des solutions, des produits et des services de proximité, personnalisés, pour accompagner les séniors dans la prévention du déclin cognitif via une alimentation riche en neurophytonutriments, obtenus par un éco-procédé industriel. En effet, le déclin cognitif lié à l’âge peut évoluer vers des troubles plus importants voire pathologiques, tels que la maladie d’Alzheimer, pour laquelle aucun traitement curatif n’est aujourd’hui disponible.
Durant la pandémie de la covid-19, 37% des Français (Source : Santé publique France) ont cuisiné plus à la maison, avec une envolée des ventes d’électroménager. Pour faciliter le fait maison, l’assistant culinaire de Popotte Duck, projet retenu par le concours i-Nov, proposera des recettes personnalisées, au niveau du goût, tout en garantissant un respect des apports nutritionnels et une réduction du gaspillage alimentaire.
En définitive, les financements à l’innovation et en fonds propres alloués au secteur agroalimentaire sont passés de 80 M€ par an en 2018 à 135 M€ en 2020, témoignant du dynamisme du secteur et du rôle de soutien contracyclique de Bpifrance, dans le contexte de crise sanitaire liée à la covid-19. Les technologies du vivant et du numérique convergent vers une production agroalimentaire plus verte, plus productive pour répondre aux enjeux de la souveraineté alimentaire et de la santé des consommateurs.
Responsable du secteur agro-alimentaire à la Direction de l’Innovation de Bpifrance, Ariane Voyatzakis est en charge d’animer l’ensemble des actions conduites par Bpifrance en matière d’innovation sur ce secteur. Elle instruit des projets dans le cadre de France 2030 et est responsable des relations avec l’écosystème dans son domaine.