Santé Académie lève 12 millions d’euros pour améliorer la formation des soignants via le numérique

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Créée il y a un peu plus de 3 ans pour répondre au fort besoin en formation digitale des professionnels de santé, Santé Académie vient de lever 12 millions d’Euros pour poursuivre sa croissance. D’abord destinée aux généralistes, infirmiers et pharmaciens, la startup souhaite désormais se développer au sein des établissements de santé, publics comme privés, mais pas seulement. Stanislas de Zutter, un des 3 cofondateurs de Santé Académie et CEO, nous raconte comment Santé Académie a internalisé l’ensemble des process de formation et sa volonté de devenir une entreprise à mission.

 

Bpifrance Le Hub : D’où est parti l’idée d’un organisme de formation à destination des professionnels de santé ? Quels pain points avez-vous observé pour démarrer Santé Académie ?

 

Stanislas de Zutter, CEO de Santé Académie : « L’idée de Santé Académie est partie d’un constat de départ : il y a, en France, deux millions de soignants dont le métier évolue en permanence et qui doivent se maintenir à jour pour continuer à assurer les meilleurs soins possibles pour leurs patients.

 

Le métier d’infirmier, il y a 10, 15 ou 20 ans était surtout axé autour du soin des plaies, des cicatrisations ou des pansements. Aujourd’hui, les missions ont évolué : les infirmiers font beaucoup de suivi de maladies chroniques au domicile des patients, ou de suivi post-opératoire. Un médecin généraliste va, quant à lui, devoir faire du suivi de grossesse ou dépister l’endométriose Car de nombreux patients se retrouvent en zone de déserts gynécologiques. Enfin, les pharmaciens n’avaient pas le droit de vacciner jusqu’à il y a 3-4 ans, or aujourd’hui, ils représentent 90% des vaccinations Covid. Ce sont des changements assez forts ! Notre métier est d’aider ces professionnels de santé à se former le plus régulièrement possible pour rester à jour de toutes ces évolutions.

 

De plus, ces populations ont de plus en plus de mal à partir en formation. Traditionnellement, le médecin se forme dans un congrès et l’infirmier ou l’infirmière suit des formations en présentiel, ce qui est devenu quasi-impossible pour eux. Cela signifie souvent fermer leur cabinet ou quitter leur service hospitalier pendant un ou plusieurs jours, alors que la tension sur le secteur du soin n’a jamais été aussi forte. Notre enjeu, c’est de réussir à leur amener de la formation très qualitative directement.

 

Nous sommes 3 fondateurs plutôt issus du monde de l’EdTech mais nous avons tous baigné dans le monde médical de par notre environnement familial. Nous partions avec une expertise autour de l’utilisation du digital et des nouvelles technologies pour favoriser l’apprentissage. C’est cette approche qui nous a conduit à penser nos formations sur des temps « courts », afin de permettre aux soignants de se former plus facilement, quand ils le souhaitent. D’autant que nous avions constaté une vraie difficulté des soignants, notamment en zone rurale, à avoir accès aux mêmes savoirs que les soignants habitants près de pôles urbains ou de grands établissements hospitaliers.

 

Nous avons créé Santé Académie il y a un peu plus de 3 ans maintenant avec l’objectif d’accompagner les deux millions de soignants français dans une meilleure prise en charge de leurs patients, plus sereine et partout sur le territoire. »

 

Stanislas de Zutter, Felix Levious et Jessym Reziga, co-fondateurs de Santé Académie

 

Qu’est-ce qui fait la différence et la valeur dans la proposition de Santé Académie ? Combien comptez-vous d’utilisateurs à l’heure actuelle ?

 

« Nous proposons une plateforme 100% digitale avec des formations en vidéo. Ces formations sont réalisées avec les plus grands experts médicaux sur chaque pathologie ou chaque type de soins pour lesquelles nous voulons créer une formation. Elles sont découpées en épisodes optimisés de 5 à 15 min qui s’adaptent aux contraintes du soignant, dans un format de qualité cinématographique. On peut voir ça un peu comme un Netflix de la formation pour les professionnels de santé, qu’ils peuvent consommer sur des temps courts, par exemple lorsque le médecin a une annulation de rendez-vous ou sur sa pause déjeuner. L’idée est d’aider les professionnels de santé à s’embarquer dans cette logique de formation le plus souvent possible.

 

Nous avons internalisé toutes les expertises, de l’équipe pédagogique qui va concevoir la formation avec les experts à l’équipe de production qui va les tourner et les monter. Cette dernière est composée de gens issus du monde de la fiction et du documentaire, qui ont d’ailleurs travaillé sur certaines productions pour Netflix. En interne, nous avons également toute l’équipe technique qui conçoit la plateforme et l’application sur lesquelles les formations sont hébergées. Ces 3 briques-là permettent d’avoir une expérience d’apprentissage maximale et d’accompagner le mieux possible les professionnels en leur donnant envie de se former.

 

Nous avons formé 20 000 professionnels de santé à date et nous couvrons 3 métiers aujourd’hui : les infirmiers, les généralistes et les pharmaciens. Nous observons par ailleurs beaucoup de gens qui se forment dans les zones rurales. Dans la Creuse, par exemple, nous avons déjà formé 50% des infirmiers. Il y a quelques départements assez isolés où nous avons un taux de pénétration assez fort car une grosse demande pour le digital existe. Or nous leur proposons du digital de qualité ! Nous touchons toutes les tranches d’âge malgré les idées reçues sur les tranches d’âges les plus avancées et leur utilisation du digital.

 

La satisfaction est un des KPI-clés que l’on va suivre, notamment le NPS – Net Promoteur Score – qui est la propension qu’a un soignant formé chez nous à nous recommander à un collègue. Ce chiffre est très élevé chez nous, puisqu’il est à plus de 70, ce qui est même très rare. »

 

« Travailler avec des experts de référence en France pour construire avec eux des formations de pointe »

 

Vous venez de lever 12 Millions d’Euros. À quels axes de développement vont servir ces fonds ?

 

« Tout d’abord, nous avons levé ces fonds auprès de fonds à impact, qui sont suffisamment établis pour nous accompagner dans la durée sur nos ambitions qui sont assez fortes mais, en même temps, qui ont à cœur de financer des sujets autour de l’éducation, de la santé et plus généralement autour des sujets ESG. Il était très important pour nous d’avoir des fonds qui collaient à notre philosophie et notre manière de nous développer, car la qualité, à tous les niveaux, est l’un de nos critères principaux en interne.

 

Cette levée va nous servir à créer de nouvelles formations, pour un public existant et pour les futurs publics auxquels nous serons amenés à nous adresser, ainsi qu’à poursuivre le développement du produit. Cela signifie recruter, puisque nous développons tout en interne – et ce dans tous nos départements : pédagogie, production, tech, marketing, etc.

 

En termes de public, nous nous étions consacrés durant nos 3 premières années d’existence aux soignants de ville (médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens). Aujourd’hui, nous souhaitons étendre notre offre et répondre à une demande grandissante, celle des établissements de santé (donc les hôpitaux et centres hospitaliers, les cliniques, les Ehpad, etc.). Ces établissements de santé, publics ou privés, dans lesquels travaillent 1,5 million de professionnels de santé ont aussi besoin d’aide pour continuer à se former tout au long de leur carrière. »

 

Stanislas de Zutter, CEO et cofondateur de Santé Académie

Quelle importance accordez-vous à être investi par des fonds à impact ?

 

« Nous sommes en train de devenir une entreprise à mission, une démarche que l’on espère concrétiser rapidement. Santé Académie est une société à mission d’intérêt général car notre but est de placer la formation au cœur du quotidien des soignants, les aider à se former et faire en sorte que, partout sur le territoire, les gens aient accès à la formation d’un même niveau de qualité pour améliorer la qualité des soins partout et pour tous les patients.

 

Le fait que ce sujet soit poussé par nos investisseurs et qu’ils ne se préoccupent pas seulement de la croissance ou de la rentabilité nous pousse et nous encourage dans cette démarche. Nous mettons en place des métriques de suivi de cet impact, ce qui est assez révélateur de la dynamique dans laquelle nous nous plaçons.

 

C’est d’ailleurs l’un de nos meilleurs arguments de recrutement. Se dire que notre mission est d’aider les quasi deux millions de professionnels de santé qui nous soignent, qui soignent nos parents ou nos grands-parents est précieux. Nous serons tous malades à un moment donné et tout le monde a envie d’être entre les mains de quelqu’un qui est serein, confiant, qui a été formé et maîtrise ce qu’il fait.

 

On voit tous les professionnels de santé comme des super héros capables de nous soigner et de nous accompagner dans les périodes difficiles. Le fait d’être capable de les aider en créant de la super formation, cela motive énormément les gens et c’est un des moteurs de Santé Académie aujourd’hui. »

 

Améliorer la qualité des soins, une mission d’intérêt général

 

Quelle est votre vision du monde médical de demain ? Quelles tendances vont rythmer ces évolutions ?

 

« De manière très large, de gros changements vont impacter l’ensemble de la société, et le monde médical n’y échappera pas. Face à ces évolutions, ces mutations, il faudra être capable de rester à jour, développer des compétences et se former en permanence, ce qui est notre mission.

 

Commençons par parler de l’enjeu des soins à distance. Cela change énormément la nature de la relation entre personnel de santé et patient et il s’agit d’une tendance qui se développe. Et qui ne va que s’accentuer dans les prochaines années. L’intelligence artificielle va de pair avec ce sujet : elle apporte de plus en plus d’aide aux médecins sur les diagnostics, pour prévenir les évolutions de maladies chez les patients ou pour faire de la médecine de précision. Elle peut potentiellement être un danger sous certains aspects mais illustre bien la façon dont on se doit d’appréhender un peu tous les enjeux qui vont graviter autour de ces technologies et à de s’y former comme on s’est formé à l’informatique il y a 20 ou 30 ans.

 

A côté de cela, il y a des enjeux plus structurels. La population vieillit, on a donc de plus en plus de soins à réaliser, qui sont de plus en plus complexes et que l’on essaie de réaliser davantage à domicile. Ce sont des évolutions que l’on voit déjà mais qui vont se renforcer et qui rendent les métiers du médical plus compliqués. Parallèlement, les gens vivent de plus en plus en ville et c’est vrai aussi pour les soignants. La question de savoir comment assurer le soin pour les gens habitant en zones rurales continue à être importante : il y a toujours un vrai enjeu autour des déserts médicaux.

 

Il faut donc réussir à proposer des alternatives et à faire évoluer les process de santé tout au long de la carrière des professionnels de santé, pour les amener vers de nouveaux sujets, pour qu’ils en aient la maîtrise et qu’ils puissent suivre l’évolution des traitements des pathologies dans ce contexte difficile pour eux. »

 

 

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