Ostrea, pionnière du terrazzo marin, lève 5 M€ pour industrialiser sa production
Ostrea révolutionne l’industrie des matériaux écoresponsables avec une levée de fonds stratégique pour industrialiser sa production. Découvrez leur ambition.

Avec sa seconde levée de fonds, la startup bretonne Ostrea franchit un cap décisif dans le design écoresponsable. Son ambition ? Créer des matériaux écoresponsables, esthétiques et performants à partir de coquillages revalorisés, pour le secteur du bâtiment et du design. Son CEO, Camille Callennec, nous éclaire sur cette nouvelle étape stratégique.
Pouvez-vous nous raconter la genèse d’Ostrea et ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure ?
Camille Callennec : Tout est parti d’une prise de conscience collective. Avec mes cofondateurs, nous avons grandi en Bretagne, au contact de l’environnement marin. Nous pratiquions le surf, la voile, la plongée… La mer faisait partie de notre quotidien. En parallèle, nous avons suivi des parcours divers : art et design, logistique dans le luxe, tech et entrepreneuriat.
Le déclic est venu de Tanguy, l’un des cofondateurs, dont le frère ostréiculteur rencontrait d’énormes difficultés pour gérer ses déchets conchylicoles. Or, cette problématique est commune à toute la filière : chaque année, la France produit environ 250 000 tonnes de coquillages, dont une grande partie finit en décharge faute de solution de recyclage viable.
Nous avons donc eu l’idée de transformer ces déchets en un matériau innovant et durable. Après deux ans de recherches, nous avons mis au point un matériau breveté, capable de remplacer des matériaux traditionnels dans le bâtiment et le design. Cette innovation nous a rapidement permis de capter l’attention d’acteurs majeurs du secteur.

Exemple de réalisation – ©Artmeta
Quels ont été les grands jalons du développement d’Ostrea ?
Camille Callennec : Nous avons officiellement fondé Ostrea en 2022, mais le projet était en gestation depuis 2021. Cette première année a été consacrée à la R&D, afin de valider notre matériau et de tester différentes applications.
Dès 2023, nous avons levé nos premiers fonds auprès de BA, corporates et proches, ce qui nous a permis de créer notre atelier de fabrication de 900 m². Grâce à cette infrastructure, nous avons pu débuter la production et collaborer avec des clients prestigieux comme VINCI, Louboutin et même l’Élysée.
Mais le succès a aussi généré des défis : la demande a rapidement dépassé notre capacité de production. En peu de temps, nous avons constaté que notre atelier ne pouvait pas suivre le rythme. C’est pourquoi nous avons lancé une seconde levée de fonds en 2024, notamment avec le soutien de Bpifrance, afin d’industrialiser notre production et structurer notre croissance.
Que va permettre cette nouvelle levée de fonds ?
Camille Callennec : Elle va nous permettre d’accélérer sur trois axes clés :
- L’augmentation de notre capacité de production: nous allons multiplier nos volumes par 40 grâce à une nouvelle unité de fabrication qui verra le jour dans deux mois.
- L’innovation: nous investissons massivement en R&D pour développer de nouvelles applications, notamment dans les revêtements de sol à base de coquillages.
- L’expansion en France et à l’international : nous allons recruter pour renforcer l’équipe commerciale.
Notre objectif est de structurer une chaîne de récupération et de valorisation des déchets conchylicoles et d’étendre notre modèle au-delà du marché français.

© Ostrea
Pourquoi avoir choisi Bpifrance comme investisseur ?
Camille Callennec : Nous avons eu la chance d’avoir plusieurs options pour notre tour de financement et plusieurs soutiens : Bpifrance avec le fonds Bpifrance Amorçage Industriel, BNP Paribas Développement, des investisseurs privés et des partenaires bancaires. L’ADEME nous a par exemple soutenu dans la recherche de financement de nos machines industrielles, une étape clé pour accélérer notre mission de revalorisation des déchets coquilliers. La région Bretagne et Rennes Métropole nous aident à financer notre programme R&D pour proposer des matériaux innovants et de nouvelles applications, notamment dans les revêtements de sol à base de coquillages.
Parmi eux, Bpifrance était un choix évident pour nous. En tant qu’acteur majeur du financement de l’industrie et de l’innovation en France, Bpifrance partage notre vision d’une industrie verte et circulaire. Leur soutien nous permet non seulement de sécuriser nos investissements industriels, mais aussi de renforcer nos liens avec les collectivités locales, qui jouent un rôle clé dans la gestion des déchets conchylicoles.
Un autre aspect important est l’accompagnement de Bpifrance, qui ne se limite pas au financement : ils nous apportent aussi des conseils stratégiques et un réseau clé pour accélérer notre développement.
Vous parliez d’expansion internationale. Quels sont vos projets à ce sujet ?
Camille Callennec : Nous recevons déjà de nombreuses sollicitations de l’étranger, notamment de la Belgique, la Suisse, le Royaume-Uni, le Canada ou encore les États-Unis. Ces pays sont à la pointe des tendances en matière d’architecture durable et de design écoresponsable. La demande y est forte pour des matériaux à faible empreinte carbone, et le recyclage des coquillages y est encore peu exploité.
Notre objectif est de tester ces marchés progressivement en développant des partenariats stratégiques. Nous voulons également commencer à imaginer des solutions de recyclage aux environnements locaux. Certains pays ont des réglementations spécifiques sur la gestion des déchets.
Nous allons par ailleurs travailler sur la logistique et la distribution, afin de garantir que nos matériaux puissent être accessibles à l’échelle internationale tout en restant compétitifs.

© Ostrea
Quel impact environnemental générez-vous aujourd’hui ?
Camille Callennec : Notre impact est double :
- Réduction des déchets : nous détournons chaque année des centaines de tonnes de coquillages de l’enfouissement.
- Réduction du carbone : notre procédé de fabrication est bas carbone, car il ne nécessite ni four, ni cuisson. Il constitue également une alternative durable à l’extraction de ressources non renouvelables. Enfin, notre matériau est Made in France, de l’approvisionnement des matières premières à la fabrication dans notre usine à Rennes, réduisant ainsi les émissions liées au transport et favorisant un circuit court et responsable.
Aujourd’hui, le secteur du BTP représente une part importante des émissions de CO₂. En proposant une alternative plus respectueuse de l’environnement, nous contribuons à réduire l’empreinte écologique des matériaux utilisés dans la construction et l’aménagement.
Nous avons également un objectif à long terme : améliorer le taux de recyclabilité de nos matériaux et explorer de nouvelles pistes pour optimiser leur impact écologique.
Un dernier mot pour les entrepreneurs qui hésitent à se lancer ?
Camille Callennec : Se lancer, c’est essentiel, mais bien s’entourer est encore plus important. L’un des secrets de notre réussite a été de solliciter très tôt des experts, des mentors et des partenaires.
Obtenir des retours extérieurs nous a aussi permis d’accélérer notre développement et d’éviter de nombreuses erreurs. L’entrepreneuriat est une aventure exigeante, et il est crucial de s’appuyer sur des personnes d’expérience pour avancer plus efficacement.
Alors, osez, mais ne restez pas seuls !
Avec cette seconde levée de fonds, OSTREA s’impose comme un acteur clé du recyclage conchylicole et de l’innovation durable. En transformant un déchet en ressource précieuse, la startup bretonne prouve que l’économie circulaire a de beaux jours devant elle.
Antoine Sternchuss