Comment bien préparer son internationalisation aux US ?

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Pour ce dixième Tech Away qui réunissait CEOs et fondateurs de startups accélérées par Bpifrance Le Hub Healthtech autour d’un petit déjeuner, Charles Ruban, COO de DBV Technologies depuis 2012, a partagé avec nous son expérience d’internationalisation aux Etats-Unis.

Installé depuis début 2016 à New-York, Charles Ruban a créé un cercle de partage entre entrepreneurs français de la healthtech aux US, Le French Healthtech. Il a accepté de partager avec nous quelques points clés, qui selon lui, ont fait la réussite de l’internationalisation de DBV aux Etats-Unis.

On le remercie pour son précieux retour d’expérience ! Voici quelques « Tech away » de notre échange.

#1 : « americaniser » son comité scientifique

Pour s’assurer une bonne implantation aux US, un conseil serait de faire entrer à son comité des scientifiques et cliniciens américains de haut niveau. C’est l’assurance d’avoir des conseils avisés sur le business et le marché et un accès aux grands fonds d’investissements américains.

Comment ? En les abordant dans les congrès, en y mettant les moyens financiers requis, les leaders américains ont un prix de marché qu’il faut respecter pour s’assurer une adhérence complète des membres et en cultivant ses « atouts charmes France ».

Quand ? L’américanisation du comité scientifique peut être faite en parallèle du recrutement des centres pour les essais cliniques aux US. Ces comités peuvent être organisés deux fois par an.

#2 : LES ETATS-UNIS, accessibleS par les essais cliniques

« Les essais cliniques sont une voie d’entrée du marché américain, mais pas à n’importe quel prix, il faut garder le contrôle de vos essais cliniques ».

Diversifier les partenaires et ne pas avoir recours de façon systématique aux études à caractère académique.

Egalement, si la pathologie le permet, vous pouvez commencer par un nombre réduit de centre.

Par exemple, en mettant en place une équipe de suivi des essais cliniques, « oversight project manager ». Même pour les CRO (contract research organization) reconnues, cette équipe est en charge d’assurer le suivi et la qualité de ce qui se passe sur le terrain et contrôlent les venues des ARC (attaché de recherche clinique).

DBV technologies ont, eux, fait le choix de lancer directement leur phase I aux US. Choix qui s’explique également par la pathologie visée et qui doit être réfléchi en fonction de votre proposition de valeur.

#3 : S’entourer de fonds américains

Une fois les phases cliniques entamées, il est impératif de consacrer beaucoup de temps aux rencontres avec des fonds d’investissement américains. Ne pas hésiter à impliquer l’ensemble du top management pour pitcher lors de ces rencontres. L’important est d’avoir un comité scientifique de qualité, une équipe managériale engagée, une technologie protégée, un business case solide, et de faire preuve de fiabilité sur ses objectifs annoncés.

Il peut être intéressant de contractualiser avec une agence locale américaine qui aide les entreprises à s’implanter sur le marché US et permet d’organiser les premières rencontres avec les investisseurs. Ensuite le premier salarié américain peut être un « responsable relation investisseur » pour prendre en charge ses démarches.

Les fonds américains reconnus vous aident pour une introduction en bourse NASDAQ, qui sera à préparer au moins 3-4 mois avant le lancement a minima. Une base d’investisseurs solide est nécessaire car ils capturent souvent la majeure partie de l’IPO.

#4 : « Atteindre le marché américain a un coût »

Il est essentiel de savoir que la pénétration du marché américain a un coût.

D’une part, la recherche et les essais cliniques sont soutenus par l’économie, « beaucoup plus qu’en Europe et le coût d’un patient américain est très élevé ». Les frais d’investigation clinique sont un levier important et ne sont pas à négliger.

D’autre part, il est difficile de percer le marché à distance ! et « les américains peuvent coûter plus cher que le CEO ». Pour DBV, il a été essentiel d’attirer une équipe expérimentée et de les fidéliser en les rémunérant au prix du marché.

PAS ENCORE INSCRIT SUR LA PLATEFORME DU HUB ?

#5 : PRÉSENCE LOCALE OBLIGATOIRE, QUI ?

Il est utile qu’un fondateur ou une personne très engagée et informée (COO) soit sur place pour le lancement, ou même s’installe de manière durable. Si ce n’est pas le cas il/elle devra revenir régulièrement pour comprendre les spécificités de marché, s’assurer du respect des objectifs, motiver les équipes, garder le lien/créer un esprit d’entreprise, etc.

Les 3-4 premiers recrutements sont déterminants. Préférez des profils locaux qui connaissent le marché, sa culture et ses habitudes business, à un expatrié français :

  • Comme dit plus haut, il peut être stratégique de recruter avant tout un(e) responsable relations investisseurs.
  • Recruter tôt dans le développement, le directeur/trice commercial américain(e) afin d’assurer une compréhension du marché dont l’accès est très différent par rapport à l’Europe, notamment du fait du prix libre des médicaments. Une étude de positionnement et de proposition de valeur (sévérité, âge des patients,…) doit être faite au moins 3 ans avant la commercialisation !
  • Eventuellement, un(e) directeur/trice ressources humaines qui saura faire le plan de recrutement sur les prochaines années et recruter de bons profils « doers ».
  • Un(e) directeur/trice des affaires médicales. Son rôle n’est pas de gérer les essais cliniques ! Il est introduit dans le milieu, construit l’histoire du produit, manage le market access (prix / remboursement), il travaille avec le directeur commercial en amont de la commercialisation. Il gère les problématiques de compliance, qui est un sujet essentiel de la réglementation américaine, y compris en pré-commercialisation.

#6 : COMMENT RECRUTER ses talents et les garder ?

ATTENTION, le marché de l’emploi aux US est très volatile et plus compétitif qu’en France. Les salaires des profils seniors sont très élevés et il est facile de perdre ses talents.

Il est souvent indispensable de faire appel à un cabinet de chasse et d’y mettre le prix. Les postes à haut potentiel sont souvent deux fois plus cher qu’en France. A savoir que les profils US sont rarement polyvalent, d’où l’importance de la « job description », et du référencement fait par le cabinet de chasse.

Pour les attirer et les garder, les pistes possibles sont de :

  • Proposer un salaire attractif avec un package comprenant des stock-options (préférées par rapport à la fiscalité), mais également une bonne couverture sociale ! Cela fait la différence.
  • Réfléchir à la localisation. Les Etats-Unis ont un taux de chômage très bas, il est donc important de se placer « dans des bassins de l’emploi ». Par exemple, « Les cadres supérieurs préfèrent habiter dans le New Jersey qu’à New-York. Il est difficile de faire venir un directeur commercial ou un médecin à Manhattan ».
  • Soigner les titres de poste. Les titres doivent être bien calibrés, et sont très codifiés aux US (manager, director, senior director, vice president, senior vice president, executive).

#7 : FULLY US OR NOT ?

Il n’y a pas de bonne réponse, mais nul besoin du « tout américain ». L’important est d’avoir le « Customer facing » aux US. C’est-à-dire, l’accès au marché, le directeur médical, le commercial, etc…

Il est tout à fait possible de garder le développement produit et la fabrication en France dans des sites CMO FDA-compliant. Gérer des sites délocalisés aux US est souvent plus compliqué (décalage horaire, langue, etc) et très cher.

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