Callyope lève 2,2M€ pour développer des solutions de suivi pour les maladies du cerveau

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La startup, co-fondée par Martin Denais (CEO), Xuan-Nga Cao (COO) et Rachid Riadh (CSO/CTO), pionnière dans le suivi des troubles en santé mentale basé sur l’IA, rejoint la famille Bpifrance. Les trois cofondateurs, convaincus que la technologie tournée autour de l’humain peut améliorer des millions de vies, ont fondé Callyope dans le but de rendre le suivi des maladies du cerveau plus objectif et réactif. En proposant des outils de télésurveillance, Callyope veut aider les soignants à détecter les prémices de rechutes et trouver la stratégie de traitement optimale. Avec ce premier tour de table et après avoir remporté le ‘Prix des Psychiatres’ lors de l’Encéphale 2023, la startup va pouvoir poursuivre son accélération et devenir un acteur majeur dans la personnalisation des soins en santé mentale. Son CEO, Martin Denais, nous en parle.

 

Bpifrance Le Hub : À partir de quel constat as-tu décidé de créer Callyope ?

Martin Denais : Le constat est simple – la santé mentale est le plus gros problème de santé publique de notre époque.
D’une part, ce problème concerne énormément de personnes. 600 000 personnes en France vivent avec une schizophrénie, plus d’un million avec un trouble bipolaire et près de 10% de la population traverse un épisode dépressif chaque année (25% dans une vie).
D’autre part, les parcours de soin pourraient largement être améliorés. Près de la moitié des patients hospitalisés rechute dans les 12 mois. Et chaque rechute participe à la désinsertion sociale du patient. Un patient vivant avec une schizophrénie a 10x plus de chance d’être au chômage après 3 rechutes, par exemple.

Tout ceci participe au coût total de la santé mentale dans l’Union Européenne – plus de 4% du PIB, ou 607 Md€ chaque année ! Notre objectif en créant Callyope est de permettre à chaque personne vivant avec un trouble de santé mentale de bénéficier de la bonne stratégie thérapeutique et d’un suivi suffisamment continu afin d’éviter les rechutes.
Par ailleurs, l’accès aux soins peut s’avérer compliqué, avec des temps d’attente atteignant 1 an dans certaines régions pour obtenir un rendez-vous en CMP. Une problématique d’autant plus important qu’elle concerne potentiellement chaque année 2 millions de Français consultant un psychiatre chaque année, dont 400 000 hospitalisations.

 

Comment répondre à cette problématique ?

Pour améliorer la qualité des soins, nous proposons de rendre le suivi des symptômes à la fois plus objectif et plus fréquent, sans que le patient n’ait à remplir d’auto-questionnaires quotidiennement.
Nous développons pour cela des biomarqueurs digitaux qui permettent d’estimer la sévérité des symptômes dans la dépression sévère, les troubles bipolaires et la schizophrénie. Nous avons des premières preuves scientifiques pour des biomarqueurs vocaux, et nous allons nous étendre prochainement à d’autres modalités issues du smartphone.

 

© Callyope


En quoi la voix permet-elle d’analyser précisément la santé mentale des patients ? Quels résultats observes-tu ?

N’avez-vous jamais remarqué qu’en échangeant quelques phrases avec vos proches, vous pouvez ‘jauger’ leur état émotionnel, ou encore leur fatigue ? C’est ce que la technologie de Callyope permet de répliquer et objectiviser.

Le langage du patient fait aussi partie des critères diagnostiqués pour les troubles de santé mentale. Par exemple, la désorganisation du discours est l’un des symptômes de la schizophrénie, et l’accélération du débit de parole est un symptôme dans les phases maniaques du trouble bipolaire. En échangeant avec des médecins et des proches, nous nous sommes rendu compte qu’ils étaient capables, à la simple écoute de leur patient, de savoir si l’état du patient était amélioré ou s’il était sur le point de faire une rechute.

Nous utilisons les dernières technologies de machine learning en traitement du langage naturel et en traitement du signal afin de déceler ces symptômes cliniques dans la voix d’un patient.
Nous avons montré que notre technologie permettait d’estimer la sévérité de symptômes anxio-dépressifs légers (nous ferons une publication scientifique prochainement), et nous lançons actuellement des partenariats de recherche clinique afin de valider notre technologie pour le suivi longitudinal de la dépression sévère et la schizophrénie.

 

A qui s’adresse la solution que vous proposez et comment est-elle « distribuée » ?

Notre plateforme a vocation à compléter le suivi d’un professionnel de santé auprès d’un patient déjà diagnostiqué. Celle-ci permettra d’une part, de valider l’efficacité de la stratégie thérapeutique et d’autre part, de détecter des signes avant-coureurs de rechute.
Une fois le marquage CE obtenu, notre dispositif médical pourra être prescrit par un professionnel de santé pour des patients suivis dans des Centres Médico-Psychologiques, des cliniques psychiatriques mais aussi dans la médecine de ville.

 

©Unsplash

Quid de la partie cybersécurité et éthique ? Comment gérez-vous cela ?

La sécurité des données et de la vie privée est bien entendu notre priorité, et nous ambitionnons d’aller bien au-delà des réglementations actuelles comme RGPD ou HDS.
Nous travaillons notamment sur des technologies de cryptographie permettant à nos algorithmes de fonctionner sans nécessiter un accès au contenu de la conversation des patients.

Enfin, je précise que la récolte de données vocales ne se fait jamais sans le consentement du patient, et c’est ce dernier qui choisit quelles données Callyope peut analyser.

 

Aujourd’hui, Callyope lève 2,2M€ auprès de 3 partenaires. Pourquoi avoir choisi, notamment, Bpifrance Digital Venture ?

Nous sommes ravis d’accueillir 360 Capital et Bpifrance, via son fonds Digital Venture et No Label Ventures à notre capital.
360 Capital a une forte expérience dans l’accompagnement des sociétés deeptech en Europe, tandis que Bpifrance Digital Venture a une expertise particulière dans la santé digitale. Nous bénéficions également du réseau institutionnel de Bpifrance. Enfin, nous sommes très heureux de collaborer avec No Label Ventures, qui accompagne des équipes de fondateurs aux backgrounds diversifiés. La diversité est quelque chose qui nous tient particulièrement à cœur chez Callyope.

 

Quels sont les axes de développement de la startup auxquels vont être consacrés ces fonds ?

Ce tour de financement va nous permettre d’étoffer notre équipe Tech, afin de développer notre plateforme et d’améliorer les performances de nos algorithmes.
Le financement nous permettra également d’avancer notre feuille de route clinique et réglementaire. En effet, notre solution sera considérée comme un dispositif médical, et devra donc être marquée CE. Nous devrons ainsi mettre en place un système de qualité et réaliser des essais cliniques afin de démontrer l’efficacité et la sécurité de nos solutions.

 

©Unsplash

Quel avenir vois-tu, de façon globale, à la lutte contre les troubles psychiatriques ?

La relation humaine entre un patient et les soignants doit garder une place centrale dans les parcours de soin. Cependant, l’offre de soin pourra difficilement absorber la forte augmentation des troubles de santé mentale chez les jeunes alors que près de 25% des psychiatres en France ont plus de 65 ans.

Je pense donc que nous devons ‘augmenter’ nos professionnels de santé avec des outils digitaux qui leur permettront de compléter leur jugement clinique lors de la consultation, et de mieux suivre l’évolution de leurs patients lorsqu’ils sont à domicile.

Selon moi, la santé mentale du futur comprendra d’une part, une relation interpersonnel forte entre le patient et le clinicien et d’autre part, un ensemble de solutions technologiques permettant de valider de manière objective l’efficacité des stratégies thérapeutiques, gérer le dosage des traitements dans le temps et ou encore détecter précocement les rechutes.

 

Sources :
https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-090r.pdf 
https://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/4416/atih_chiffres_cles_h_2021.pdf

 

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