Du POC à l’industrialisation, 3 collaborations exemplaires

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Bpifrance Inno Génération 2019 est derrière nous, l’occasion de revenir sur les interventions que nous avons eu le plaisir d’animer. On commence avec une question qui taraude bon nombre d’entrepreneurs : mais comment passer d’un proof of concept (POC) concluant à une industrialisation des process opérationnels, synonyme de plus de vente et de plus d’économies d’échelle ?

Pour discuter de ce sujet majeur qui concerne presque chaque jeune startup, nous avons voulu présenter trois cas de collaborations réussies entre un grand groupe et une startup encore en phase de développement précoce à l’époque du deal. Une telle collaboration représente un contrat important pour la startup qui va lui permettre d’alimenter sa fragile trésorerie tout en testant « en conditions réelles » la pertinence de son offre et sa capacité à la délivrer.

Maéva Tordo, Directrice de la Blue Factory et membre fondateur de La Boussole a fait parler trois duos startup/grand groupe capables de nous éclairer sur les conditions de succès d’un POC. Mais d’ailleurs, est-ce vraiment le terme le plus approprié ? Nos intervenants ouvrent le débat !

ANDJARO ET ENGIE, UNE PREUVE DE VALEUR AU CŒUR DU PROJET PILOTE

Andjaro propose une plateforme digitale à l’interface intuitive pour aider les entreprises à optimiser leurs besoins en personnel, notamment en identifiant des ressources disponibles en interne. Son cofondateur et CEO Quentin Guilluy était au côté de Lara Berger, Responsable de projet transformation digitale de ENGIE, pour refaire l’historique d’un partenariat débuté en 2017.

Avec 12 collaborateurs à l’époque, la startup n’en est encore qu’à ses débuts quand elle fait l’objet d’une recommandation auprès de l’énergéticien par l’intermédiaire d’une autre startup. Les premiers pas se déroulent sans friction, notamment, souligne Quentin Guilluy, parce qu’ENGIE avait parfaitement identifié son besoin, le périmètre test ainsi que les facteurs clés de succès associés. Une aubaine pour Andjaro qui a permis, malgré un cycle de vente complexe :

  • de se concentrer sur l’excellence opérationnelle
  • de préparer très en amont le post-POC

Résultat, 4 mois après le début projet pilote Rhône-Alpe/PACA, la collaboration passait à l’échelle nationale au sein d’ENGIE Ineo.

Pour Lara Berger, c’est la réussite sur le terrain qui a favorisé cette évolution rapide puisque, arrivée en cours de projet, ce sont les opérationnels régionaux qui lui ont fait part de retours positifs. C’est à elle qu’est ensuite revenu la mission d’évangéliser jusqu’au CODIR. Une véritable logique bottom-up !

Après Ineo à l’échelle nationale c’est finalement à l’ensemble du groupe ENGIE que le déploiement de la solution proposée par Andjaro a été envisagé. Une étape avec des challenges distincts pour les deux partenaires :

  • Côté Andjaro, Quentin insiste sur le fait qu’avec de tels déploiements en cascade, la vente n’est jamais vraiment terminée car il y a toujours des nouvelles personnes à projeter dans le ROI du produit, cela afin que toutes les personnes impliquées voit un intérêt personnel à l’utiliser au quotidien.
  • Pour Lara Berger, passer à l’échelle du groupe implique de mettre en place un système transversal dans des entités qui n’ont pas les mêmes process ; face à cette complexité, la fabrication du consensus est un défi permanent.

Les deux partenaires convergent pour dire que la réussite tient alors à une certaine lucidité quant à la responsabilité de chacun :

  • Pour la startup, cette responsabilité passe par une posture de maturité. Selon Quentin, loin de la caricature d’une startup, il faut se poser en pro de l’innovation et de son cœur de métier, en l’occurrence le logiciel.
  • Pour le grand groupe, il faut faire preuve de pédagogie pour faire comprendre certaines règles qui peuvent être perçues initialement comme des freins par la startup. Mais, précise Lara Berger, il est également important d’accepter les enjeux propres à un partenaire de petite taille pour ne pas enrayer son agilité qui fait partie intégrante de la proposition de valeur.

La Valeur justement, c’est le maître-mot pour Quentin. Plus que « proof of concept« , il préfère ainsi parler de « proof of value« , terme qui invite davantage à se mettre en mode projet avec un partenaire qui est lui aussi acteur du succès. C’est la meilleure façon de tisser une relation de confiance qui va s’inscrire dans le temps long et favoriser un déploiement à grande échelle. D’ici juin 2020, ce sont 50.000 salariés d’ENGIE qui seront connectés sur la plateforme Andjaro, dans une logique d’optimisation entre les différentes Business Units. Un contrat majeur pour la startup, levier de croissance mais également un projet favorable à sa structuration de ses équipes et à l’amélioration constante de son offre.

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CYBELANGEL ET SANOFI, QUAND L’ÉCLAIREUR A TROUVÉ SA BOUSSOLE

CybelAngel s’est imposé sur le marché de la cybersécurité grâce à sa capacité à scanner Internet pour aller y identifier des documents qui ont fuité et qui représentent dès lors un risque pour les entreprises à l’origine de ces données « en liberté ». Comme le note Jean-Yves Poichotte, Global Head of ITS Cyber Security chez Sanofi, dans la cybersécurité « on doit savoir et on doit voir ». Et il n’a pas de mal à l’admettre, Sanofi restait « aveugle » sur certains risques associés à la fuite de données critiques.

Erwan Keraudy, Co-fondateur et CEO de CybelAngel, annonce : une technique d’approche de sa société consiste à présenter à des prospects des évidences « business critical » ; une démarche « par la preuve » qui démontre instantanément la valeur du service qu’il propose, l’idée étant d’identifier ces fuites avant tout le monde pour les colmater et en empêcher la diffusion.

Quand CybelAngel arrive à convaincre Sanofi, c’est seulement le deuxième client pour la startup. Une expérience commerciale limitée mais qui n’a pas fait reculer Jean-Yves qui s’en tient à un mantra : pour travailler avec une startup il faut « oser s’engager », oser faire confiance en somme en mettant sur la table un investissement en temps et en argent qui restera de toute façon minime à l’échelle d’un groupe international. « Peu à perdre, beaucoup à gagner ! », ajoute le patron de la cybersécurité de Sanofi.

En écho à la notion de responsabilité évoquée par Lara Berger, il souligne que cet engagement c’est faire le choix de travailler avec une startup que l’on souhaite voir croître et dont le grand groupe veut voir le modèle pérennisé.

Cette philosophie a été très bien ressentie chez CybelAngel : un client à la fois innovateur et qui cherche à être acteur de votre réussite est le meilleur moyen de démarrer le reconnaît Erwan. Il insiste sur l’importance de ces profils d’innovateurs au sein des groupes car c’est grâce à leur feedback qu’il est possible de prototyper, tester, améliorer et, de façon itérative, arriver à un produit qui répond parfaitement aux besoins clients. Il propose ainsi d’envisager ses clients comme des « beta testeurs » en les impliquant efficacement dans le développement des produits.

Là encore, Erwan invite à reconsidérer cette notion de POC pour privilégier celle de « proof of value », arguant que lorsque l’on ramène de la valeur au client la pédagogie d’une solution technologique s’en trouve grandement simplifiée. La relation qui est née autour de cette « core value » entre Sanofi et CybelAngel s’est installée dans le temps, Jean-Yves rencontrant régulièrement les équipes de son partenaire. Soucieux de la qualité du partenariat, il a conclu l’échange en indiquant qu’il ne s’agissait pas seulement d’acheter une prestation mais aussi de « considérer » une structure en plein développement, notamment en répondant systématiquement aux demandes de mises en relation. Un mode de collaboration qui réussit assurément à CybelAngel puisque la startup travaille aujourd’hui avec plus de la moitié des sociétés du CAC40 et se lance dans une aventure commerciale outre-atlantique !

STARTUP FLOW ET SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, LA RENCONTRE ENTRE UNE EXPERTISE EXTERNE ET UNE TENTATIVE INTERNE

Structurer, manager et monitorer un écosystème d’innovation, c’est ce que permet Startup Flow depuis 2016. Une solution qui n’a pas échappé à l’attention de Guillaume Cabrère, Directeur Groupe Open Innovation Société Générale, pour la bonne raison que le groupe bancaire a d’abord tenté de développer en interne l’outil adéquate. Quand il découvre l’existence de Startup Flow, il estime que le produit répond à 80% de son besoin et initie une première phase de partenariat, décidant dans le même temps de mettre fin à l’initiative en interne. Une démarche compliquée mais nécessaire pour démontrer à la startup que le groupe ne cherchait pas à s’approprier la solution proposée pour alimenter ses équipes mais bien à s’appuyer sur un partenaire. Un choix qui a permis à Gaétan Bolloré, co-fondateur Startup Flow, de se trouver dans une relation de confiance malgré l’asymétrie de taille entre les deux entreprises.

Commence alors une phase fructueuse de co-innovation où il va s’agir d’aboutir aux « 20 derniers % » du produit afin qu’il colle parfaitement aux attentes de Société Générale. Aucune crainte de se faire piquer l’idée pour Gaétan, Guillaume s’avouant soulagé de céder le lead sur un projet très éloigné du cœur de métier du groupe bancaire.

Comme pour les collaborations précédentes, la notion d’évangélisation est primordiale. Guillaume a notamment du convaincre de nombreuses DSI au sein du groupe, une démarche facilité par le positionnement de Startup Flow qui consiste non pas à imposer une solution technique unique mais plutôt à s’adapter aux contraintes de l’architecture informatique de ses clients. Gaétan en est convaincu : il ne faut pas arriver avec une image préconçue du groupe avec lequel la startup collabore mais au contraire poser des questions sans relâche, saisir l’identité du partenaire et tenir compte de ses remarques. Exit l’attitude arrogante qui considérerait que le grand groupe est dépassé alors que le startuper sait tout ; Gaétan préfère positionner sa société comme une PME innovante qui a conscience que le groupe fait des choix technologiques stratégiques, qui impacteront le quotidien de ses collaborateurs sur le temps long.

Startup Flow et Société Générale sont à présent dans une relation mature où, note Guillaume Cabrère, chacun doit rester néanmoins respectueux du périmètre de l’autre. Pour le grand groupe, cela veux dire ne pas chercher à influencer la roadmap de la startup. En retour, celle-ci doit toutefois rester à l’écoute de son client historique, c’est-à-dire favoriser l’échange pour qu’il contribue à l’optimisation du produit.

Guillaume et Gaétan ont souligné pour conclure qu’il est impératif d’établir une relation de transparence et de rester synchrone pour que la collaboration continue de porter ses fruits. C’est dans cette optique qu’ils ont décidé de mettre sur pied un club utilisateurs, intégrant d’autres clients de Startup Flow, cela afin de systématiser l’échange et multiplier le feedback.

Ces derniers mots nous font une nouvelle fois comprendre que le succès d’une collaboration startup / grand groupe repose en grande partie sur la qualité des relations humaines. Car réussir à faire comprendre les contraintes et spécificités de chaque entité, c’est peut-être l’un des secrets pour bien exprimer la proposition de valeur d’un POC, et aller ainsi organiquement vers l’étape de l’industrialisation.

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