Blockchain et données de santé : quels cas d’usage et applications concrètes en France ?

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Plusieurs actualités sont venues préciser ces derniers mois la structuration de cas d’usage autour de la blockchain et des données de santé en France. De la même façon, il a été possible d’observer des marques d’intérêts et d’engagement d’acteurs établis vers les solutions innovantes construites dans ce domaine. 

Le 5 octobre 2018, la société Owkin annonçait la création du consortium Substra, regroupant 9 structures que sont l’Ecole Polytechnique, le Centre Léon Bérard, l’Institut Curie, Apricity, Owkin, Dreem, l’AP-HP, le CHU de Nantes ainsi que l’Université Paris Descartes.

Le 7 novembre 2018, se déroulait la conférence « Blockchain et Données Patients » organisée par Hello Tomorrow au Hub de Bpifrance. Cet événement concrétisait la restitution du livre blanc (disponible ici) auquel des partenaires industriels (Roche, MSD), institutionnels (ARIIS, Bpifrance) et plusieurs experts et startups ont contribué. L’exploration avait pour but de rassembler ces différents acteurs afin de donner une vision commune sur le potentiel concret de la blockchain dans le secteur de la santé.

Enfin, le 7 janvier 2019, Pharmagest Interactive annonçait être entré au capital de la société Embleema et avoir également acquis 30 millions de tokens émis par l’entreprise dans le cadre de son offre débutée en octobre 2018.

Nous allons donc, au fil de cet article, mettre en avant les principaux cas d’usage et applications concrètes de la blockchain dans le secteur de la santé. Ceux-ci vont notamment découler de l’utilisation qui peut être faite de la donnée de santé par le biais de cet outil.

Cette donnée de santé peut notamment être massifiée dans un but statistique, par exemple dans le cas d’essais cliniques, ou bien directement liée à l’individu, avec pour finalité de pouvoir exploiter les possibilités d’adaptation de traitement.

Avoir une traçabilité d’utilisation de l’Intelligence Artificielle vis-à-vis de données de santé et opérer un modèle de rétribution

Du côté des applications concrètes en France, on compte notamment l’initiative du consortium Substra, financé par Bpifrance.

Les structures impliquées dans le consortium contribuent de différentes façons :

  • L’Institut Curie et le Centre Léon Bérard fournissent des données d’anatomopathologie.
  • Le CHU de Nantes et l’AP-HP, des données de fertilité.
  • Les sociétés Owkin et Apricity fournissent des algorithmes prédictifs respectivement sur l’oncologie et la fertilité.
  • Dreem fournit notamment un outil de visualisation concernant des données de sommeil récoltées chez des patients/utilisateurs.
  • Des laboratoires de recherche de l’Ecole Polytechnique et de l’Université Paris Descartes évaluent les algorithmes dans un cadre scientifique et méthodologique.

Ces variétés de contributions ont pour but d’aboutir à une plateforme open-source d’apprentissage fédéré, utilisable sur différents segments thérapeutiques.

L’apprentissage fédéré est une approche permettant aux données de santé de rester au sein des établissements qui les détiennent. L’algorithme est l’élément mouvant dans ce schéma et se déplace de jeu de données en jeu de données sans que ces mêmes données, sensibles par essences, n’aient à être déplacées et centralisées. De cette façon, les établissements n’ont pas à sortir les données en les transmettant à un tiers.

L’intérêt de la blockchain dans ce cadre est dans un premier temps de pouvoir apporter une traçabilité des opérations effectuées. Il est ainsi possible d’objectiver toute opération de calcul, l’entrainement d’un algorithme sur un jeu de données, le niveau de performance obtenu, avec pour finalité d’en faire découler un modèle économique cohérent et juste par rapport à la contribution de chaque partie prenante.

Cette rétribution peut s’opérer par le biais de smart contracts, qui régissent l’exécution vis-à-vis de règles préalablement définies. Celle-ci s’avère ainsi clé afin d’inciter les différents acteurs à collaborer au sein de ce modèle.

Régir l’accès aux données de santé entre plusieurs structures

Dans le cas de la société Dreem, la blockchain intervient comme structure de contrôle d’accès aux données relatives au sommeil de patients, collectées par divers biais vis-à-vis d’autres parties prenantes tels que des chercheurs souhaitant contribuer à la construction de l’algorithme prédictif.

Il est par ailleurs intéressant de noter que, de façon générale, les données de santé ne sont la plupart du temps pas vouées à figurer directement sur une blockchain, pour des questions d’immutabilité de la structure et de respect des réglementations permettant au patient de souhaiter leur retrait. Des preuves de l’existence de ces données et des liens renvoyant vers ces dernières peuvent en revanche y figurer, permettant ainsi d’y assurer un accès contrôlé et une édition.

Permettre au patient de contrôler l’accès à ses données de santé et contribuer à l’accélération de la recherche médicamenteuse

 L’entreprise Embleema a récemment annoncé des collaborations avec Pierre Fabre et Servier. Celles-ci visent notamment à permettre l’accès à un ensemble de serveurs au sein de ces deux entreprises pour participer à la construction du réseau décentralisé de la start-up.

Via sa plateforme Patient Truth, Embleema vise à permettre au patient d’y centraliser l’ensemble de ses données médicales, notamment celles collectées en vie réelle, par exemple par le biais d’objets connectés, et d’en contrôler l’accès par des tiers.

De la même façon, il est ainsi possible à ces mêmes tiers (laboratoires pharmaceutiques, établissements de recherche) d’accéder à ces données, moyennant rétribution prévue par le biais d’un token.

De la même façon, la startup MYPL, vise à agréger, sur un dashboard, les données cliniques concernant un patient. L’accès à ces données est contrôlé par le patient et objectivé via la blockchain déployée.

Innov’health, qui commercialise à destination des patients, des professionnels de santé et des entreprises le PassCare, carnet de santé numérique universel, a également récemment indiqué avoir lancé une blockchain privée pour régir l’accès aux dossiers des patients entre les différents acteurs.

Les données de vie réelle (hors du cadre d’essais cliniques encadrés par un protocole), sont aujourd’hui plébiscitées par les régulateurs européens[1] (EMA) et américains[2] (FDA) afin de complémenter les données issues des essais cliniques dans des cas précis.

Celles-ci s’avèrent donc importantes pour les entreprises impliquées dans le développement de médicaments dans un effort d’accélération de la mise sur le marché de nouvelles alternatives thérapeutiques.

Participer à l’effort de pharmacovigilance

 Notamment dans le cadre de la collaboration d’Embleema avec Pierre Fabre, il est également intéressant de noter que cet effort de collecte de données de santé en vie réelle des patients pourra permettre de participer à l’effort de pharmacovigilance du laboratoire faisant suite à la mise sur le marché du médicament.

Cet aspect de suivi du médicament est obligatoire et pourrait bénéficier de la collecte de ces données, mises à disposition par le biais de la plateforme.

Traçabilité du consentement du patient et optimisation du déroulement des essais cliniques.

 Alors que plusieurs études pointent la non-reproductibilité massive des études cliniques[3], la blockchain peut s’avérer être un outil intéressant dans différentes dimensions afin d’améliorer la qualité et la simplification du processus de collecte de données lors d’essais cliniques.

La société Sunny Lake propose, par exemple, la traçabilité et la transparence de la collecte d’informations de questionnaires médicaux, réalisée lors d’études cliniques.

De la même façon, la blockchain peut, dans ce cas, être utilisée afin de s’assurer d’avoir une preuve du consentement du patient et de sa participation à ladite étude clinique.

Stratumn a, de son côté, d’ores et déjà réalisé une preuve de concept sur l’aspect du consentement avec le laboratoire d’épidémiologie de l’Hôtel-Dieu et 50 patients fictifs.

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Facilitation et transparence de la relation donneurs-receveurs dans le cadre de transplantations d’organes

La difficulté d’obtention d’une greffe de rein et la croissance de la pratique de donation de son vivant concernant cet organe a permis à Kidner d’imaginer et de développer une solution permettant le matching entre deux individus. Le premier souhaitant donner un organe et le second en attente de greffe.

Cette décentralisation des profils de donneurs et de receveurs permet de faciliter des connexions qui ne se seraient peut-être jamais faites autrement.

Les données de santé ne sont, ici, pas non plus stockées sur la blockchain. Cette dernière servant à assurer une transparence et une traçabilité de la relation donneur-receveur.

Au cours de cet article, nous avons balayé différents cas d’usages et applications concrètes, en France, qui permettent à la blockchain de s’inscrire comme un outil cohérent au service de l’utilisation de la donnée de santé.

Il conviendra notamment d’observer l’adoption de ces cas d’usages dans la pratique et d’être attentif aux différentes vitesses d’adoption et à l’émergence d’autres utilisations à l’international. Ceci, notamment du fait de réglementations plus ou moins permissives selon les pays et de perceptions sociétales variées concernant la donnée de santé et sa valeur perçue.

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