Dans le secteur public, les achats hospitaliers sont parmi les plus avancés en matière d’organisation. La fonction achat au sein de l’hôpital public s’est largement structurée, organisée, professionnalisée ces dernières années, elle a gagné en efficacité mais reste encore assez discrète dans l’environnement hospitalier. Pourtant elle a un rôle central et est au cœur de l’activité des établissements. Aujourd’hui, l’innovation a du mal à franchir les portes de l’hôpital public alors même qu’elle s’intègre de plus en plus au sein des cliniques privées qui n’ont pas la même logique d’optimisation des coûts. Cependant, le budget n’est pas le seul obstacle à l’implémentation de solutions innovantes au sein des établissements publics, alors-même qu’elle représentent pourtant un véritable moteur de croissance pour les hôpitaux.
C’est sur ce sujet que s’est penché le Fonds FHF, dont le rôle est de fédérer l’ensemble des acteurs innovants en santé. Il publie aujourd’hui le guide Hospi’Up, un guide complet issu de deux années de travail auprès d’établissements de santé, de startups et d’autres acteurs de l’innovation. Destiné à la fois aux hospitaliers et aux entrepreneurs, chacun ayant une version dédiée du guide, il permet à ces acteurs de mieux se comprendre pour mieux travailler ensemble. Basé sur de nombreux retours d’expérience, le guide a été créé pour répondre aux demandes d’accompagnement et de conseil sur lesquels le fonds FHF est sollicité. Il se veut être utile à ces deux typologies d’acteurs majeurs de l’innovation en santé.
C’est toujours sur cette thématique de la vente de produits innovants à l’hôpital public que le pôle Healthtech du Hub de Bpifrance a organisé un atelier de co développement, réunissant plusieurs startups. Leurs représentants ont pu partager les obstacles auxquels ils étaient confrontés et les solutions qui ont été trouvées. Les mêmes problèmes reviennent souvent : identifier les bons interlocuteurs, réussir à parler le même langage, s’adapter aux différences de temporalités, pour n’en citer que quelques-uns.
1. EMBARQUER LES UTILISATEURS & LEADERS D’OPINION
Qu’il s’agisse d’associations de patients, des patients eux-mêmes ou encore des médecins, il est essentiel d’engager ces acteurs à ses côtés. En tant que premiers bénéficiaires de la solution innovante, leurs retours et leur avis peuvent avoir un impact important dans la prise de décision de l’acheteur.
Exemple : une solution d’aide au diagnostic peut parfois être mal perçue par un médecin. Lui démontrer que l’outil apporté facilite son travail mais ne le remplace pas, peut faire pencher la balance.
Les leaders d’opinion du domaine auquel s’applique la technologie sont également des acteurs importants à embarquer. Cibler quelques personnes d’intérêt et faire en sorte qu’ils parlent de la technologie peut s’avérer très bénéfique et pallier le manque de notoriété.
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2. ADAPTER SON LANGAGE ET SA POSTURE
Pour espérer vendre à l’hôpital public , il est crucial de prendre en compte l’aspect relationnel. Pour cela, il est important d’avoir le bon discours avec le bon interlocuteur et d’adapter sa posture, de se présenter en tant que partenaire avec lequel l’hôpital pourra travailler sur la durée, plutôt que comme un commercial.
3. PROPOSER UNE PHASE DE TEST
A l’image d’un client qui aime avoir un échantillon avant d’acheter un produit, le fait de prêter sa solution à l’hôpital, lorsque la technologie le permet (logiciel, robot, etc.), peut être très bénéfique pour les deux partis.
Il existe alors deux possibilités :
- Le prêt gratuit : la technologie est à disposition dans le service concerné où les utilisateurs peuvent l’utiliser, le tester sur une période de temps définie ;
- Le leasing : solution qui permet à l’hôpital de bénéficier d’un produit sans paiement comptant. L’hôpital achète le produit pour le compte des patients, qui peuvent l’utiliser contre un loyer.
4. NEUTRALISER LES PERTURBATEURS
Lors d’un rendez-vous où le panel est très large, allant du directeur du CH à la secrétaire médicale en passant par le médecin, il y n’est pas rare d’être confronté à un « opposant », impossible à satisfaire. Ces personnalités auront tendance à freiner les discussions, il faut faire en sorte de les écarter du cœur du processus.
5. SE SERVIR DES LIENS ENTRE LES EQUIPES
Que ces liens soient intra ou inter hôpitaux, ils sont très précieux. Les équipes communiquent énormément et cela peut servir d’effet vitrine pour une technologie qu’ils ont apprécié utiliser. Pour cela, pourquoi ne pas organiser des visites de l’hôpital où la solution est déja implantée et bien utilisée afin d’en démontrer les bénéfices retirés par l’hôpital et ses équipes ?
Attention : il est important de s’assurer des bons rapports entre les équipes avant de chercher à diffuser les informations par ce biais.
Il faut penser long terme : toute solution est confrontée à une résistance naturelle au changement, il est nécessaire d’accompagner son déploiement et de conduire le changement. Dans ce cas, constituer une équipe forte autour de la solution qui lui donnera du sens et un but sera un réel atout.
En tant que fournisseur de la solution, vous pouvez les accompagner dans cette démarche d’acculturation en fixant des objectifs qui permettent de démontrer des résultats positifs à court terme.
6. PARTICIPER AUX CONGRÈS ET SALONS
Pour accroître sa visibilité, la participation aux événements où les potentiels clients sont présents est clé. Mettre en place une veille en interne sur les événements du secteur médical, ou plus largement de la santé, peut s’avérer pertinent pour y accroître sa présence. Ce sont des outils également au service de l’image de marque.
Lorsqu’il s’agit de vendre un produit à l’hôpital public, qu’il soit innovant ou non, le processus est long et compliqué, du fait du cadre juridique contraignant autour de ces transactions. Répondre à un appel d’offre, passer un marché, tout cela prend du temps et la temporalité n’est pas la même entre un acteur public et une structure agile comme une startup, dont la solution peut évoluer rapidement. Pourtant de plus en plus de dispositifs sont mis en place par des entités extérieures (pouvoirs législateurs, incubateurs de startup, etc.) pour faciliter le travail entre ces deux acteurs différents, qui ont besoin l’un de l’autre pour apprendre, évoluer, en gardant à l’esprit que le patient est au cœur de tout.
Malgré cela, la difficulté pour l’innovation de prendre la place qu’elle mérite au sein des établissements de santé pèse encore. Nous avons pu le voir, la responsabilité est partagée et des changements doivent s’opérer de la part de tous les acteurs pour améliorer cette situation : les hôpitaux en adaptant leur organisation, les startups en accompagnant davantage le changement et les transformations (organisationnelles, de pratique…) qu’elles suscitent. L’apparition progressive de ces changements est encourageante et laisse entrevoir une meilleure diffusion de l’innovation.
Par ailleurs, la crise de la Covid-19 a permis le développement de la santé numérique et l’adoption plus rapide de solutions innovantes. Dans des conditions loin d’être normales, cela prouve qu’un changement est possible mais surtout qu’il est nécessaire pour répondre aux enjeux de la santé de demain d’amélioration du parcours patients et de mieux guérir.
On peut s’interroger sur le potentiel catalyseur que représentent les instances publiques telle que la Caisse National d’Assurance Maladie et la Sécurité Sociale dans la facilitation du changement de paradigme. Ils pourraient avoir un poids important qui permettrait de faire basculer les normes en matière d’achat innovant, comme ils l’ont fait pour la tarification à l’activité.
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Ingénieure en biotechnologie, Tamara s’est spécialisée dans la management de l’innovation dans le secteur de la santé. Elle travaille avec des startups du portefeuille de Bpifrance des 3 grands domaines : santé numérique, medtech et biotech.