Préparer une introduction en bourse aux USA est une démarche évidemment complexe et qui demande de s’adapter aux standards américains. Pour bien comprendre ce contexte, nous avons demandé à Thomas Kuhn, CEO de Poxel, Cédric Moreau, Partner chez Sofinnova Partners (ex Oddo BHF et Bryan, Garnier & Co) et David Schilansky, ex-Deputy CEO de DBV Technologies, de partager leurs retours d’expérience.
1. AVOIR LE SENS DU MOMENTUM
Pour envisager une IPO aux Etats-Unis, il faut avant tout en avoir envie : le dirigeant ne doit pas « faire semblant ».
L’entreprise doit être dans une phase qui permette à cette introduction en bourse de résonner avec le marché américain. Sous-entendu, ne pas y aller uniquement pour améliorer sa valorisation, mais aussi pour être en parfaite cohérence avec l’equity story de l’entreprise.
Il faut par ailleurs viser gros, on dit qu’une IPO doit coïncider avec un besoin de lever plus de 100 millions de dollars US pour le développement de l’entreprise.
2. ETRE LUCIDE ET PRAGMATIQUE SUR LE CHEMIN A PARCOURIR … ET LE COÛT
Le parcours sera long ; il demande de la patience et de la maturité afin de parvenir à construire des relations de confiance sur le long terme avec les investisseurs. Prévoir donc de rencontrer régulièrement les investisseurs, très en amont de l’IPO, cela pour tester et comprendre l’appétit que votre projet suscite.
Par ailleurs, ayez en tête dès le départ le coût très important de la cotation : en plus d’environ 10% du montant de la levée, il faut ajouter des frais de fonctionnement annuels significatifs qui se chiffrent en millions d’euros.
3. SE METTRE AUX STANDARDS AMÉRICAINS ET SORTIR DU LOT
Il s’avère capital de bénéficier de l’expérience et des recommandations de personnes avec une sensibilité américaine au niveau du board et du management. Idéalement, entourez-vous de collaborateurs qui ont déjà réalisé une IPO aux Etats-Unis.
En interne, il est nécessaire d’anticiper le changement d’échelle qu’implique la relation avec un environnement américain. Tout est démultiplié, plus particulièrement la rémunération, alors préparez-vous à vous aligner sur les salaires américains.
Ne survendez pas votre projet et bannissez les promesses en l’air auprès des investisseurs. Tout ce qui est dit à un rendez-vous sera attendu au prochain donc soyez absolument certains de vos engagements.
Apprenez aussi à surprendre : si coller aux standards américains est un prérequis, cela n’est pas suffisant et il faut mettre en valeur ce qui vous différencie au sein d’un marché certes énorme, mais aussi très compétitif.
4. SAVOIR SE DÉFINIR SANS AMBIGUÏTÉ
Les investisseurs aux US aiment mettre les sociétés dans des cases et sont très sensibles aux tendances, d’où l’importance de bien identifier la catégorie dans laquelle vous souhaitez être placé. La façon de se présenter doit donc être claire et ne laisser aucune place à l’ambiguïté. Par exemple, la thérapie génique est aujourd’hui particulièrement intéressante et identifiée comme un segment porteur aux yeux des investisseurs.
Attention toutefois à la concurrence : lorsque tout le monde surfe sur la même grosse vague, les risques de chute sont accrus.
Le NASDAQ est composé à 90% de Biotech, il y a peu d’appétit pour la MedTech même si cela change un peu ces derniers temps. La santé digitale devient très intéressante.
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5. TRAITER LES ASPECTS RÉGLEMENTAIRES LE PLUS TÔT POSSIBLE
La cotation en bourse aux Etats-Unis est plus industrialisée qu’en France, et les avocats et banquiers d’affaires ont l’habitude de traiter un nombre important de dossiers. Pour pouvoir envisager plus rapidement une fenêtre d’opportunité de cotation si elle se présente, soyez prêt le plus tôt possible sur le volet réglementaire.
6. ENVISAGER DE SE PROTÉGER SUR UNE PLACE DE MARCHE LOCALE
L’approche en deux temps avec une opération de marché locale, Euronext en l’occurrence, est à considérer pour un galop d’essai. Elle représente aussi une solution de repli si besoin, une corde de rappel pour la suite, après l’IPO au NASDAQ.
Gardez toutefois en tête que la double cotation implique une double reporting lourd et une amplitude temporelle plus large : avec les différents fuseaux horaires, des échanges se font sur les titres de l’entreprise de 9h à 23h. Si tout va bien, le cours de votre société monte deux fois… mais si ça va mal, cela peut devenir très compliqué.
7. S’APPUYER SUR UN FONDS CROSSOVER
Il y a 12 ans, une IPO signifiait une sortie pour les fonds d’investissement ; aujourd’hui, on préfère que les fonds puissent suivre et soutenir la société sur les tours de financement successifs. En ça, le crossover peut être un bel appui pour aider l’entreprise à s’élever aux standards américains et permettre de s’affranchir d’une rotation de capital trop importante à chaque étape de son développement.
8. CHOISIR SES BANQUES AVEC CLAIRVOYANCE
La banque choisie amène une connotation au projet et va influencer la façon dont le dossier d’introduction en bourse sera perçu. De fait, il est recommandé de miser sur un partenaire reconnu mais aussi avec qui les relations de personne à personne sont saines et engageantes. De la même façon, le coverage d’analystes doit être structuré dans le cadre d’échanges fréquents et transparents.
Soyez aux petits soins avec ces interlocuteurs, en ne négligeant pas l’informel qui permet souvent de faire passer un cap à des relations humaines ; vous en apprendrez beaucoup sur l’univers dans lequel vous évoluez.
9. SOLLICITER UNE AGENCE D’INVESTOR RELATIONS (IR) ?
Les avis sont partagés sur la question. L’idéal est bien évidemment de s’appuyer sur les managers clés qui ont déjà vécu une telle opération.
Ceci dit, les investisseurs fonctionnent souvent en club, en se passant le mot sur différents dossiers. Une agence d’IR expérimentée pourra vous aider à pénétrer ces cercles et à obtenir des 1 to 1 avec des investisseurs pertinents, ce qui amorce le cercle vertueux des recommandations entre professionnels. Choisissez « le haut du panier » des agences d’IR. Si vous avez les ressources, il est recommandé d’internaliser cette fonction pour un suivi au quotidien.
Business Manager HealthTech au Hub de Bpifrance, Etienne Daher accompagne les startups de l’accélérateur Bpifrance Hub HealthTech. Fort d’une expérience en Venture Capital, il a réalisé une thèse sur le Corporate Venture Capital des grands groupes pharmaceutiques.