Veesion lève 38 M€ pour exporter sa technologie de reconnaissance gestuelle par IA
Veesion, pionnière de la reconnaissance gestuelle par intelligence artificielle, lève 38 M€ pour accélérer son développement aux États-Unis et au Brésil. Son ambition ? Devenir le leader mondial de la vidéosurveillance intelligente dans les espaces physiques. Thibault David, CEO et cofondateur, revient sur cette étape stratégique, les enseignements de l’expansion internationale et les ambitions de la startup.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de Veesion ?
Thibault David : Tout est parti d’un double constat, à la fois technologique et terrain. Avec mes deux associés, Benoît Kœnig et Damien Ménigaux, nous étions en master de data science à Polytechnique. On baignait dans les sujets liés à l’intelligence artificielle, notamment la reconnaissance d’images. Très vite, nous nous sommes dit que le vrai coup d’avance, c’était la reconnaissance de gestes sur vidéo, une technologie alors peu exploitée.

De gauche à droite Benoit Koenig (Co-founder de Veesion) et Thibault David (Co-founder et CEO de Veesion)
En parallèle, Benoît avait de la famille dans le commerce. Il nous a parlé du fléau du vol à l’étalage, de son ampleur (120 milliards d’euros de pertes annuelles dans le monde) et du sentiment d’impuissance des commerçants. On a réalisé que des caméras existaient déjà partout, mais sans personne pour les surveiller efficacement. Notre IA pouvait répondre à ce problème très concret et massif.
Pourquoi avoir choisi de vous concentrer uniquement sur la reconnaissance gestuelle ?
Thibault David : Dès le départ, nous avons fait un choix éthique fort : pas de reconnaissance faciale, pas de biométrie, pas d’identification. On analyse un geste, pas une personne. Cela nous permet d’être compatibles avec la législation RGPD et de rassurer nos clients sur la nature non intrusive de notre solution.
Notre mission, c’est d’augmenter l’efficacité des équipes en magasin, pas de les remplacer. Notre logiciel génère une alerte en cas de geste suspect, mais c’est toujours l’humain qui prend la décision finale. L’IA assiste, elle ne juge pas.
Quelles ont été les grandes étapes du développement de Veesion ?
Thibault David : Pendant les trois premières années, nous avons investi massivement en R&D pour rendre notre logiciel compatible avec toutes les caméras déjà installées chez les commerçants. C’était crucial pour ne pas créer de barrières à l’entrée. Une fois ce socle technologique stable, nous avons attaqué le marché français, puis très rapidement l’international. Une simple connexion internet et quelques minutes suffisent pour installer notre logiciel à distance. Cette simplicité a été décisive pour notre déploiement rapide à l’international.
Notre première levée de fonds nous a permis d’embaucher nos premières forces commerciales. Nous avons également mis en place un modèle de distribution indirect avec des partenaires intégrateurs. Aujourd’hui, nous avons plus de 5 000 clients dans 25 pays. La majorité de notre ARR (revenu récurrent annuel), soit 62 %, est généré à l’international. Et notre croissance est portée par un ROI très concret pour nos clients : chaque euro investi génère en moyenne 5 euros d’économies grâce à la baisse des vols.
Aujourd’hui, où en êtes-vous ?
Thibault David : Nous avons atteint 11 millions d’euros d’ARR. Nous sommes 150 collaborateurs répartis dans 20 pays. Et nous avons construit une technologie robuste, éprouvée dans des contextes très variés : grandes surfaces, pharmacies, commerces de proximité, stations-service… Notre solution est active 24 h/24, 7 j/7, et s’adapte à tous les formats d’enseignes. Aujourd’hui, Veesion permet de détecter plus de 100 000 gestes suspects chaque semaine dans le monde. Le taux d’alerte pertinent est supérieur à 85 %, et certaines enseignes ont réduit leurs pertes jusqu’à 60 % en quelques mois.
Nous avons levé au total 53 M€, dont 38 M€ en equity (White Star Capital, Bpifrance, Odyssée Venture…) et 15 M€ en financement non dilutif. Cela nous permet d’envisager une accélération très forte sur les marchés américain et brésilien, déjà amorcés.
Quels sont les objectifs de cette nouvelle levée de 38 M€ ?
Thibault David : L’objectif est triple : renforcer notre présence aux États-Unis et au Brésil, investir dans la R&D pour diversifier nos cas d’usage, et améliorer l’onboarding client pour industrialiser notre déploiement.
Le marché américain représente à lui seul une opportunité gigantesque. Benoît, mon associé, est basé à New York. Il pilote une équipe locale et nous avons déjà signé des contrats avec de grandes enseignes. Au Brésil, le besoin de sécurité est très élevé, et les commerçants sont en demande d’outils performants mais simples à utiliser. Enfin, cette levée nous permet de structurer davantage notre développement produit, en élargissant nos cas d’usage à la sécurité, la prévention des risques ou encore la logistique.
Allez-vous élargir votre offre au-delà de la lutte contre le vol ?
Thibault David : Oui, et c’est déjà en cours. Grâce à l’analyse gestuelle, notre IA peut aussi détecter des chutes, des comportements agressifs ou des incidents dans les zones sensibles. On peut aussi valoriser des données commerciales : mesurer les taux de fréquentation, détecter des rayons vides, ou optimiser la gestion des flux.
Notre technologie est pertinente bien au-delà du retail : entrepôts logistiques, hôpitaux, chantiers, crèches, résidences seniors… Partout où des caméras sont installées, Veesion peut apporter un surcroît de sécurité et d’intelligence opérationnelle.
Pourquoi avoir choisi Bpifrance comme partenaire dans ce tour de table ?
Thibault David : Bpifrance nous suit depuis plusieurs années. Ils ont cru très tôt dans notre potentiel et continuent de nous accompagner sur les enjeux clés du développement : financement, structuration, internationalisation. C’est un partenaire de confiance qui connaît les exigences de l’innovation deeptech et qui partage notre vision long terme.
Leur présence à notre capital nous aide aussi à créer de la confiance sur des marchés étrangers, où la légitimité d’un acteur institutionnel français fait souvent la différence.
Quel message souhaitez-vous adresser à celles et ceux qui veulent entreprendre, mais hésitent encore ?
Il ne faut pas attendre d’avoir toutes les réponses pour se lancer. L’entrepreneuriat, c’est accepter d’apprendre en marchant, de se remettre en question, de recruter des gens meilleurs que soi. C’est aussi accepter l’inconfort : lever des fonds, convaincre ses premiers clients, itérer sur son produit… Ça prend du temps.
Mais c’est une aventure incomparable. Et si on a une mission forte, un problème réel à résoudre et une équipe soudée, on finit toujours par avancer.
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