Contrairement à d’autres secteurs économiques, notamment l’industrie, la construction fait face à un problème de productivité. Si cette affirmation vaut pour le monde entier, elle l’est d’autant plus vraie en France. Pourtant les marges de progressions sont conséquentes et les pistes de développement déjà bien explorées. Alors comment faire face efficacement à ce problème ? Les experts de l’Observatoire Construction Tech® ont fait le point sur l’état des lieux de la productivité de la construction en France.
En France, un retard à rattraper sur les voisins européens
La productivité du travail est calculée par l’OCDE comme la valeur ajoutée brute par heure travaillée. Si l’organisation internationale observe que cet indicateur dans le secteur de la construction a beaucoup de mal à suivre ceux d’autres secteurs économiques, c’est particulièrement le cas en France. En effet, depuis 1995, les gains de productivité générés en France dans la construction sont nuls. La productivité, comme définie plus haut, a même chuté de 20% dans le secteur depuis 2001.
Depuis 1995, l’écart de productivité entre l’industrie et la construction s’est creusé jusqu’à 127%.
Si la productivité du secteur de la construction a chuté, on l’a vu, de 20% depuis 2001, celle de l’industrie a en comparaison augmenté en moyenne de +3,6 points par an depuis 1995, jusqu’à atteindre un différentiel cumulé de 127,3%. En moyenne, l’ensemble des secteurs de l’économie française a gagné en productivité sur cette période.
Pourtant, nos voisins européens ne s’en sortent pas aussi mal. Si on observe un écart de productivité entre l’industrie et la construction dans les principales économies du vieux continent, ce dernier est plus modéré qu’en France. L’industrialisation du secteur de la construction a déjà commencé dans ces pays, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.
Depuis 1995, la productivité dans le secteur de la construction a globalement diminué en France, alors que certains pays frontaliers sont parvenus à inverser la tendance.
Le Royaume-Uni fait figure de bon élève : l’appareil de production du secteur de la construction s’est modernisé progressivement, au point d’afficher aujourd’hui un écart cumulé de 26,3% avec la productivité de la construction en France.
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INDUSTRIALISATION ET DIGITALISATION, DES GISEMENTS DE PRODUCTIVITÉ
Il est encore temps de rattraper ce retard en France, les gisements de productivité sont bien réels et des enseignements peuvent être tirés de l’observation des bonnes pratiques chez nos voisins plus performants.
Parmi les pistes évoquées dans cette édition de l’Observatoire Construction Tech®, trois solutions s’illustrent particulièrement et ont été retenues :
1. L’application, adaptée, des méthodes de l’industrie à la construction
La différence de productivité entre les deux secteurs peut être rattrapée, du moins en partie, en s’inspirant des méthodes à succès de l’industrie. L’étude souligne l’importance de quatre piliers dans le succès des industries lourdes sur leurs gains de productivité, qui peuvent être adaptés à la construction : la modularisation, l’externalisation d’une partie de la chaîne de valeur, l’ingénierie courante, et enfin le LEAN management.
L’étude souligne notamment les bénéfices de la construction hors-site, qui commence tout juste à se développer en France. L’observatoire fait le panorama des effets attendus par l’émergence de ce modèle de construction. Selon les experts, les gains de productivités attendus du hors-site s’élèvent jusqu’à +70%.
2. Le déploiement massif du digital
Le secteur de la construction est en retard sur sa transition digitale. C’est aujourd’hui moins vrai pour certaines catégories d’acteurs, par exemple chez les majors ou grands distributeurs, mais cela reste un problème au niveau des PME et ETI du bâtiment. Dans l’industrie, la digitalisation des entreprises serait responsable de +2,5% de productivité par an sur les 10 dernières années.
3. Développer de nouvelles compétences et intégrer de nouveaux profils
La digitalisation et l’adaptation des méthodes de l’industrie lourde à la construction entraine l’émergence de nouveaux métiers pour la filière, et un besoin qui va croissant en nouvelles compétences. Certains profils de métiers sont seulement contraints de s’adapter et se former à de nouvelles pratiques et de nouveaux outils, tandis que d’autres métiers sont complètement transformés.
De nouveaux métiers émergent dans la construction, certains évoluent, d’autres sont redéfinis
Les acteurs français en ordre de marche pour moderniser la construction
Les entreprises générales de construction françaises explorent déjà une ou plusieurs des solutions évoquées plus haut. Le hors-site fait l’objet d’expérimentations et ses adeptes sont de plus en plus visibles sur les différents médias de la filière. Les fabricants et industriels de la construction sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à moderniser leur appareil de production, parfois en faveur de la construction modulaire.
On observe aussi une croissance rapide de l’utilisation des outils numériques dans les projets de construction. Outil emblématique du secteur, le BIM (Building Information Modeling) voit son adoption s’accélérer d’années en années, notamment parmi les acteurs de la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage.
Cela dit, si le secteur de la construction a tardé à mettre en place ces solutions c’est parce que la filière est structurée selon certaines logiques qui vont freiner sa capacité à évoluer, et donc l’adoption ou l’expérimentation de nouvelles solutions de production. Logique de chantier séquentiel s’oppose à logique d’industrialisation, logique de silos s’oppose à logique collaborative… La construction doit adresser plusieurs obstacles avant de faire progresser de manière durable sa productivité. Heureusement, les principales fédérations du milieu en sont conscientes et œuvrent à les faire tomber. C’est le cas par exemple de la Fédération Française du Bâtiment qui a fait du LEAN management une de ses priorités de développement.
Le retard qu’a pris le secteur de la construction sur la productivité est certes important, mais les acteurs de la filière sont désormais mobilisés et la transition engagée. Entre les effets de rattrapage attendus grâce aux méthodes d’industrialisation et les gains de productivité supplémentaires liés à la digitalisation, les opportunités de générer de la valeur dans la construction sont sans doute inédites.
Pour en savoir plus et découvrir en détail les problématiques du secteur sur la productivité et les solutions présentées en études de cas, parcourez la dernière étude la productivité et les principaux gisements actuels dans la construction de l’Observatoire Construction Tech®.
Responsable de la Veille Stratégique au sein de Batimat, Guillaume Demonet est également en charge de l’Observatoire Construction Tech®. Cet Observatoire, réalisé en collaboration avec Xerfi, mesure et décrypte à intervalles réguliers l’innovation et les nouvelles technologies sur les marchés de la construction et de l’immobilier.
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