Les tendances tech décryptées

Un rendez-vous pour anticiper l’avenir

Le Hub de Bpifrance a accueilli le 30 septembre une nouvelle édition de Trend’Up, son rendez-vous, où investisseurs, journalistes et experts ont partagé leur analyse des mutations en cours : explosion de l’intelligence artificielle, transformation des médias, santé comme laboratoire d’innovation et enjeux géopolitiques.

Autour de la table

• Joy Boustani, Directeur d’investissement Digital Venture Bpifrance
• Marion Simon-Rainaud, Journaliste santé & deeptech, Les Échos
• Maxence Fabrion, Journaliste innovation, Maddyness
• Kati Bremme, Directrice Innovation & Prospective, rédactrice en chef de Méta-Media (France TV)

Kati Bremme, Maxence Fabrion et Marion Simon-Rainaud

L’IA, encore et toujours

Difficile d’échapper à l’intelligence artificielle. Pour Joy Boustani, Bpifrance, la majorité des dossiers d’investissement concernent aujourd’hui l’IA. Le marché mondial, estimé à 290 milliards de dollars en 2025, croît de 28,5 % par an (McKinsey). En France, 75 % des entreprises ont déjà intégré une solution IA, et 42 % des PME européennes l’utilisent pour optimiser leurs opérations.

Trois axes se dessinent selon lui :

• L’infrastructure (puces, modèles fondamentaux, cloud).
• Les applications sectorielles (santé, énergie, éducation).
• Les outils de déploiement (sécurité, orchestration d’agents autonomes).

Joy Boustani, investisseur Bpifrance Digital Venture

OpenAI et la souveraineté numérique

Maxence Fabrion, journaliste chez Maddyness, a replacé l’IA dans le contexte de la compétition mondiale. Au cœur de la bataille, OpenAI domine les levées de fonds avec une valorisation de 500 milliards de dollars. Sa stratégie ? Privilégier la conquête du marché plutôt que la rentabilité immédiate, comme Uber en son temps. Face à cette déferlante américaine, l’Europe tente de préserver sa souveraineté numérique.

Quand l’entreprise se réinvente

Autre tendance décryptée par Maxence Fabrion : l’émergence d’entreprises sans salariés. Sam Altman (OpenAI) en est convaincu : demain, des “billion-dollar one person companies” verront le jour, grâce à l’automatisation des tâches complexes et aux agents autonomes.

Un modèle qui soulève des questions sociales en Europe, mais qui séduit aux États-Unis où il est déjà testé.

Maxence Fabrion, journaliste Maddyness

Santé : laboratoire d’innovation

Dans un environnement de financement globalement en berne, la santé fait figure d’exception. Comme l’a rappelé Marion Simon-Rainaud, journaliste aux Échos, ce secteur reste l’un des rares où les investissements continuent de croître, avec une vision à long terme et une réelle profondeur scientifique. Le marché mondial de la healthtech a dépassé 6,4 milliards de dollars au premier semestre 2025, et l’Europe affiche une hausse de 52 % des levées de fonds sur un an.

En France, la dynamique est portée par des technologies issues de la deeptech et par une volonté d’améliorer la prévention grâce à l’intelligence artificielle. On observe de plus en plus de startups qui concentrent leurs efforts sur les applications médicales de l’IA, qu’il s’agisse de diagnostics, de suivi ou d’assistance aux praticiens. Parmi elles, WANCA automatise le tri des appels pour soulager les standards médicaux ; E-sensia développe un triage IA des urgences et Integratome développe un logiciel de « jumeau numérique » capable de modéliser le profil biologique d’un individu pour anticiper les risques et recommander des actions préventives personnalisées.

À l’hôpital, les robots chirurgicaux sont déjà présents pour certaines tâches. Dans dix ans, prédit-elle, ils seront coordonnés par des IA, le médecin devenant superviseur d’un écosystème intelligent.

Marion Simon-Rainaud, Journaliste santé & deeptech, Les Échos

Post-réalité et médias

Pour Kati Bremme de France TV, nous entrons dans une véritable ère de post-réalité. L’intelligence artificielle ne se contente plus de transformer la façon dont nous consommons l’information, elle bouleverse aussi la structure même des médias. Après le temps du « zero-click », où l’utilisateur n’avait plus besoin de cliquer pour obtenir sa réponse, s’ouvre désormais celui du « zero-question », où l’assistant anticipe nos attentes avant même que nous les formulions.

Dans ce nouvel environnement, les médias ne considèrent plus l’IA comme un simple outil, mais comme un écosystème complet, qui va du contenu à sa distribution. La confiance devient alors une véritable infrastructure, soutenue par des labels capables de tracer l’origine et l’intégrité des productions. Si l’IA abaisse le coût de création de contenus comme Internet avait autrefois réduit celui de la distribution, la valeur se déplacera vers d’autres leviers : la réputation, l’exclusivité, la qualité de la distribution et la solidité de la relation de confiance avec le public.

Kati Bremme, Directrice Innovation & Prospective, rédactrice en chef de Méta-Media (France TV)

La Grèce, nouvel eldorado technologique

Maxence Fabrion a mis en lumière un acteur inattendu de la scène technologique européenne : la Grèce. En quelques années, le pays a connu une accélération fulgurante, passant de 50 millions d’euros levés en 2018 à 500 millions en 2024. Cette dynamique s’inscrit dans une ambition nationale claire : faire que la tech représente 10 % du PIB.

Ce nouvel élan attire des figures internationales de l’innovation. Le cofondateur de Google Maps, Lars Rasmussen, a choisi de s’y installer et d’y lancer Panathēnea, un festival mêlant conférences, musique et sport, à la manière d’un Slush version méditerranéenne. Pour Maxence Fabrion, l’exemple grec démontre qu’avec un écosystème agile, soutenu par une volonté politique affirmée, un pays peut en quelques années seulement se transformer en véritable hub régional de l’innovation.

Le Trend’Up l’a montré : l’avenir se joue dès aujourd’hui. Comprendre l’IA, investir dans la santé et capter les nouvelles dynamiques mondiales, c’est déjà préparer les transformations de demain. Mais cette révolution technologique ne se limite pas aux marchés : elle redéfinit aussi nos médias, où la confiance devient la nouvelle infrastructure.