SXSW 2025 : que retenir de l’édition 2025 du festival d’Austin ?

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Le South by Southwest 2025, grand-messe des industries culturelles et créatives et de la tech, s’est tenu en mars à Austin. Retour sur l'événement et les grands enseignements de cette nouvelle édition.

SXSW

Le festival South by Southwest, grand-messe des industries culturelles et créatives et de la tech, s’est tenu en mars dernier à Austin. Dans un contexte d’incertitudes technologiques et macroéconomiques, ce salon a été l’occasion d’évoquer les tendances structurantes et les innovations qui pourraient façonner le secteur pour les prochaines années.

Du 7 au 11 mars, Austin a accueilli l’édition 2025 du SXSW (South by Southwest). Cet événement emblématique est depuis une trentaine d’années le plus haut lieu de rassemblement mondial de la création, de la tech et de l’influence.

Pour Malik Adouani, Directeur d’investissements au sein du pôle Industries Créatives de Bpifrance, présent à Austin, la spécificité du SXSW réside moins dans le simple décryptage de tendances actuelles que dans sa capacité unique à évoquer et imaginer le futur. « SXSW, ce n’est pas tant l’analyse froide des tendances existantes que la projection collective dans un avenir encore incertain. C’est une expérience prospective, presque visionnaire, qui pousse chaque participant à penser au-delà de ce qui est déjà visible aujourd’hui », explique-t-il.

Entre innovation technologique et anxiété collective

Avec plus de 345 000 participants venus de 103 pays, dont une délégation de plus de 45 participants français réunis par Bpifrance, La French Touch et we are_, cette édition a reflété une période marquée par une accélération technologique sans précédent et une incertitude omniprésente quant aux impacts de cette accélération.

Selon la célèbre futurologue et auteure Amy Webb, intervenue en ouverture du SXSW, nous avons dépassé un monde que la science pouvait encore décrire pour entrer dans ce qu’elle nomme le « Beyond » : un au-delà où la technologie évolue plus rapidement que notre aptitude à en prévoir les répercussions. Un au-delà où l’intelligence humaine pourrait se faire dépasser par une « intelligence vivante », défini comme un écosystème d’agents autonomes, de capteurs, de machines et d’entités biologiques interconnectés.

« On ressent clairement cette année une tension palpable entre enthousiasme et anxiété, dans un contexte mondial où les ruptures technologiques accélèrent bien plus vite que notre capacité à prévoir leurs impacts. L’édition 2025 a marqué un vrai tournant dans la prise de conscience collective des défis qui attendent les entreprises et les créateurs », souligne Malik Adouani. Sans parler d’un contexte géopolitique mouvant.

La Living Intelligence ou quand l’IA s’incarne physiquement

Amy Webb a identifié trois convergences technologiques clés qui favorisent le développement de « l’intelligence vivante » :

1) l’IA autonome multi-agents, qui gagne en efficacité et en naturel en interagissant avec le monde physique par l’intermédiaire de capteurs plutôt que par le langage humain,

2) la fusion de l’IA et de la biologie, rendant la matière programmable et la vie reprogrammable (des concepts qui sont déjà des réalités commerciales, dans la prédiction biologique ou la science des matériaux) et,

3) l’explosion des capteurs et machines microscopiques qui pourraient nous donner le pouvoir sur la nature.

Selon Malik Adouani, « l’IA a besoin d’un environnement physique pour mieux fonctionner, comme notre intelligence a besoin d’un corps pour s’incarner et apprendre de notre propre environnement. Dans un monde où plus de 90% des flux de données accessibles ont été captés par les grands modèles LLM génériques, le vrai enjeu repose sur la captation de données propriétaires, personnelles… des données qui pourront être fournis par cet écosystème de robots et capteurs physiques. En témoigne les investissements massifs des géants de la Tech dans la robotique ».

Plusieurs innovations ont illustré ce concept durant l’événement, comme les exosquelettes autonomes de Wandercraft, entreprise française récompensée à Austin pour son innovation majeure, ou encore les métamatériaux utilisés dans la construction capables d’adaptation instantanée aux chocs et aux conditions climatiques extrêmes.

D’autres technologies novatrices ont également été évoquées, notamment l’énergie nucléaire modulaire, l’essor pratique de l’informatique quantique ou encore l’émergence d’une économie spatiale entre la Terre et la Lune.

L’adaptation devient la compétence clé

« Le défi organisationnel le plus profond qui a été discuté n’était pas technologique mais profondément humain : comment développer des compétences qui restent pertinentes alors que la durée de vie des compétences techniques continue de décliner ? », partage Malik Adouani. La solution ? Favoriser non pas la spécialisation mais la pensée interdisciplinaire et l’adaptabilité. Il ne s’agit pas seulement d’un ajustement tactique, mais d’une refonte fondamentale de la manière dont nous devrions aborder la connaissance elle-même.

Cette conclusion rejoint celle d’Amy Webb, selon laquelle « les entreprises doivent être agiles et constamment prêtes à s’adapter à des scénarios imprévus ». Dans cette nouvelle ère, les acteurs capables de repenser constamment leur manière de travailler et de créer seront les mieux placés pour rester compétitifs et innovants.

La confiance des citoyens-utilisateurs sera l’un des plus grands défis dans l’adoption généralisée de l’IA

Malik Adouani commente : « Le décalage entre les implications sociétales considérables des technologies basées sur l’IA et le cadre réglementaire quasi inexistant est devenu de plus en plus évident. Comme l’a fait remarquer un panéliste, l’ouverture d’un food truck nécessite davantage de surveillance réglementaire que le développement de systèmes d’IA susceptibles d’altérer nos démocraties. Sans parler des fake news et deep fakes qui envahissent nos réseaux sociaux ».

Le rôle du consommateur a été fortement discuté car, en fin de compte, ces modèles ne seront utiles et transformateurs que si les gens leur font suffisamment confiance pour envisager de les essayer. Pour surmonter cet obstacle, les entreprises doivent à minima rester transparentes au sujet de leurs modèles, de la manière dont ils ont été formés, des politiques d’alerte et des approches en matière de sécurité.

Polarisation créative : singularité humaine versus standardisation des contenus générés par l’IA

Un débat central à SXSW 2025 a été celui de la création à l’ère de l’IA générative. « L’IA facilite massivement la création, aujourd’hui dans l’image et demain dans la vidéo, avec du contenu de plus en plus qualitatif. Dans un monde où n’importe qui pourrait devenir créateur de contenus, l’écosystème va nécessairement se polariser, entre contenus créatifs « augmentés » par l’IA et contenus standardisés » avance Malik Adouani.

La délégation française, avec des représentants tels qu’Ubisoft ou Mk2, a particulièrement insisté sur cette tension entre outils technologiques et nécessité d’une création humaine unique et émotionnelle. « Les outils d’IA, quelle soit générative ou non, doivent être appréhendés comme des amplificateurs de la créativité humaine, et non comme un substitut », insiste Malik Adouani.

Le futur des Industries Créatives ? Hybridation, connexion(s) et émotion

Le futur des Industries Créatives repose d’abord sur la construction d’IPs fortes, et une hybridation dans les formats issus de ces IPs. L’exemple emblématique est celui de Disney, dont la conférence à SXSW a détaillé la manière dont le groupe décline avec succès des IPs fortes sur des médias très variés – cinéma bien sûr, mais aussi plateformes digitales, parcs d’attraction ou encore produits dérivés.

Une stratégie 360 qui appelle à une réinvention des stratégies de storytelling et d’engagement client. Selon Malik Adouani, « la prochaine frontière dans la conception d’expériences de marque n’est pas digitale, elle est profondément humaine. Les groupes qui réinventent leur storytelling autour de plus de connexions émotionnelles, de la science de la mémoire, de la nostalgie et de la personnalisation immersive pilotée par l’IA domineront la prochaine décennie. »

Des connexions qui peuvent être digitales… en témoigne l’explosion du Social gaming, qui permet aux joueurs d’interagir socialement avec d’autres, dans des mondes pourtant 100% virtuels.

« Sans oublier les expériences purement physiques », insiste Malik Adouani, qui rappelle « l’émotion exceptionnelle procurée par les Cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ». Selon Thierry Reboul et Thomas Jolly, directeur exécutif et metteur en scène des cérémonies d’ouverture, présents en tant que panélistes à SXSW, la technologie pour la technologie importe peu : la clé, c’est d’être toujours à l’avant-garde de l’innovation tout en plaçant l’humain au centre. Thomas Jolly a rappelé qu’une expérience mémorable, c’est lorsque que « nous avons le sentiment d’être tous en vie au même moment, au même endroit, et que nous célébrons cette humanité ».

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