Structurer une équipe produit IA : retour d’expérience et bonnes pratiques

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L’intelligence artificielle (IA) est devenue le pilier de la stratégie de nombreuses entreprises, se retrouvant même au cœur de leur offre de valeur. Lors d’une récente session de networking organisée par le club Product & Tech de Bpifrance, des CPO et CTO ont partagé leurs retours d’expérience sur l’organisation et la gestion d’équipes IA au service des objectifs de l’entreprise. Voici les principaux enseignements issus de cette rencontre.

 

Coordonner différentes temporalités : le défi majeur

 

Le premier enjeu réside dans la coordination entre les différentes équipes, chacune ayant ses propres temporalités. Généralement, il y a au moins deux équipes :

  1. Une équipe d’ingénieurs : chargée de développer et d’implémenter le produit.
  2. Une équipe IA : focalisée sur le développement de modèles d’intelligence artificielle, comprenant souvent de la recherche et développement (R&D).

Une répartition fréquente est de 50% pour les ingénieurs et 50% pour les spécialistes IA et les temporalités de travail entre les deux varient énormément. En effet, tandis que les ingénieurs peuvent livrer rapidement, la création d’un modèle IA peut prendre de quelques semaines à plusieurs mois. Cette différence rend la synchronisation difficile, c’est pourquoi l’équipe produit joue un rôle clé dans l’équation.

 

Des approches innovantes pour coordonner les équipes

 

Bien que parmi les participants à l’échange personne n’ait encore totalement résolu cette problématique de temporalités différentes, plusieurs pistes ont été évoquées pour améliorer la coordination.

L’une des solutions proposées est la création d’une équipe « IA feature« , dédiée à l’intégration des modèles créés dans le produit pour favoriser la convergence entre IA et produit.

Une autre suggestion est l’usage d’un Product Requirement Document (PRD) écrit à six mains, avec des contributions égales des équipes produit, ingénierie et IA sur les attendus. Un Product Ops joue ici un rôle clé en coordonnant l’ensemble du processus.

Enfin, l’approche « Now, Next, Later«  semble également pertinente pour gérer la roadmap, en permettant à l’équipe de rester concentrée sur les objectifs à court terme.

 

Évènement © BPIFrance Le Hub

 

Sortir le bon modèle : le rôle clé du produit

 

Nos experts en sont convaincus : le Product Manager (PM) a un rôle clé au sein des équipes IA.

Ses missions sont doubles :

  • Piloter les délais : le PM doit être capable de coordonner le delivery pour garantir que les étapes critiques soient franchies, comme par exemple le passage en production même si le modèle n’est pas encore parfait.
  • S’assurer de la conformité aux besoins : le PM veille à ce que le modèle livré réponde aux exigences du produit, en validant par exemple les datasets avant que les datascientists ne commencent leur travail.

 

Pour réussir dans cette mission, le PM doit non seulement avoir un intérêt pour l’IA, mais surtout être un excellent diplomate, empathique et à l’écoute afin de comprendre les enjeux des différentes parties prenantes.

Il peut aussi miser sur des “design partners” un groupe d’experts ou de clients qui vont l’aider à faire des retours sur le modèle et valider sa mise en production.

 

L’importance d’une approche product-first

 

Bien que l’IA soit un levier d’innovation considérable, sur un marché concurrentiel, la véritable différenciation se fait par le produit lui-même et l’approche « product-first » doit primer, même si le discours marketing met en avant l’IA.

Ce sont les fonctionnalités du produit et sa capacité à répondre aux besoins réels des utilisateurs, qui constituent le facteur de différenciation. L’IA n’est qu’un outil parmi d’autres pour y parvenir.

 

Évènement Club produit © BPIFrance Le Hub

 

Stratégies à long terme : anticiper l’évolution des modèles

 

Un autre point crucial soulevé par les participants est la nécessité de définir des objectifs business clairs sur le long terme. Il est indispensable de travailler dès aujourd’hui sur des modèles qui sortiront dans 1 à 2 ans.

Bien que ce temps peut être maintenant grandement réduit grâce à l’utilisation de la Gen IA qui peut aider pour la génération de datasets, pour l’amélioration des apprentissages ou encore pour pallier certaines limites des modèles internes.

Les entreprises doivent aussi faire des choix stratégiques : se concentrer sur un seul modèle et un seul cas d’usage pour maximiser la performance, ou diversifier leurs efforts sur plusieurs fronts pour sécuriser différents segments de marché, parfois au détriment de l’efficacité globale du modèle.

 

Gérer les attentes des clients face à l’IA

 

Avec la démocratisation de l’IA, les attentes des clients ont considérablement évolué. Certains clients, ayant une image faussée de la technologie, attendent des modèles probabilistes qu’ils fournissent des résultats « parfaits », en particulier pour des cas qu’ils jugent simples. Ils estiment que « ça devrait marcher », sans comprendre pleinement les limitations inhérentes à la technologie IA. Cette perception erronée rend parfois la gestion des retours clients complexe.

D’autres clients, sceptiques face à la technologie, ont tendance à rejeter les produits basés sur l’IA, invoquant des arguments comme « ça ne fonctionne pas tout le temps ». Il devient alors difficile de leur faire accepter la valeur ajoutée dont ils pourraient bénéficier.

Enfin, il est parfois compliqué de faire la distinction entre les demandes de clients qui cherchent un « effet wow » pour satisfaire leur direction, et celles qui répondent à un véritable besoin opérationnel.

 

 

La structure des équipes produit travaillant sur l’IA est encore en pleine phase d’expérimentation. Ce qui est certain, c’est que les temporalités divergentes entre les équipes ingénieurs, IA et produit constituent un défi majeur, et que le rôle du produit est central dans la gestion de ces temporalités. Le PM, en particulier, doit jouer un rôle pivot dans cette orchestration et veiller à ce que le modèle IA réponde bien aux besoins du marché.

Enfin, il ne faut pas oublier que l’IA, bien qu’essentielle, reste un moteur invisible. La vraie valeur ajoutée proviendra toujours de l’alignement entre le produit et les besoins des utilisateurs, dans un marché où la concurrence est de plus en plus féroce.

Un grand merci à Thibault Duvillier (Mindee), Lucie Esteoulle (Pixacare), Vincent Marceddu (Pixacare), Antoine Marchetti (XXII), Alexandre Mathieu (Implicity) et Stephane Sockeel (Primaa) pour leurs partages.

 

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