Startups et grands groupes [Part 4] : co-développement et intelligence collective

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Le mot « développement » a une connotation positive (l’idée de créer quelque chose et de la renouveler pour l’améliorer au fil du temps). Toutefois, dans le contexte des relations entre grands groupes et startups, il évoque davantage la complexité, car il implique un partage de la propriété des produits et des responsabilités. Quel sens prend-il pour chacune des parties ?

Après une première partie introduisant Une amitié nécessaire, une deuxième sur les Règles du jeu et une troisième sur le Corporate venturing, intéressons-nous pour finir au co-développement (partie 4).

Pas de co-développement sans relation « gagnant-gagnant »

Le co-développement, en langue des affaires, est « une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique ». Entre d’autres termes, le co-développement est une approche d’apprentissage qui mise sur les interactions entre les groupes professionnels pour cultiver une intelligence collective.

Dans le monde réel et implacable des affaires, les grands groupes n’ont pas d’argent à gaspiller et les startups pas de temps à perdre : apprendre ne suffit pas, il faut que les discussions débouchent sur des actions concrètes. Le co-développement facilite l’émergence d’un projet commun, mais il faut que la relation commerciale soit équilibrée dès le départ et basée sur une approche « gagnant-gagnant » pour porter ses fruits. Vincent Minier, Directeur Stratégie et Développement de Schneider Electric France, le résume très bien : « lorsque nous travaillons avec de jeunes sociétés, nous privilégions la fertilisation croisée de notre écosystème. Nous profitons des solutions offertes à notre client final par les startups avec lesquelles nous collaborons pour nous différencier. Mais il est important que les startups en retirent également des bénéfices. Dans notre cas, l’équation est simple : nous leur offrons l’accès à de nouveaux marchés, et notre expertise. Si besoin, notre fonds de corporate venturing Aster Capital est à leur disposition. »

Le secteur de la santé, un pionnier du co-développement ?

On trouve bien évidemment des projets de co-développement qui ont échoué : lorsqu’une startup signe une clause d’exclusivité et passe la totalité de son temps à développer un produit sur mesure pour un grand groupe, elle oublie de diversifier ses sources de revenus et se retrouve fortement dépendante de son unique partenaire. Mais peut-on vraiment parler de co-développement dans ce cas ? Il semble plutôt que les deux entités n’ont jamais réellement défini la nature de leur relation, ni conclu de contrat détaillé définissant précisément des délais, des prix et des obligations mutuelles.

Le co-développement est peut-être la forme la plus complexe de relation qui peut exister entre une startup et un grand groupe. Et on peut tout à fait trouver des exemples de co-développement réussi, tout particulièrement dans le secteur de la santé.

C’est le cas avec la nouvelle structure dédiée à l’innovation du groupe pharmaceutique français Servier : We Health. Depuis sa création en novembre 2016, We Health lance 15 partenariats de coopération opérationnels par an afin de créer « au moins 20 produits », d’après son directeur Davis Guez.

Par le biais de ces collaborations, le groupe pharmaceutique a pour ambition d’atteindre son objectif de diversification des sources de revenus. Ses startups partenaires dans le domaine de l’e-santé, quant à elles, peuvent tirer parti des importants moyens techniques et commerciaux du laboratoire. Servier a collaboré avec BioSerenity, une startup spécialisée dans les vêtements connectés pour la santé, afin de co-développer CardioSkin, un tee-shirt assurant le suivi de l’activité cardiovasculaire. BioSerenity a présenté l’idée, et « Servier, le leader européen du secteur, a apporté ses connexions » avec de célèbres cardiologues ainsi que son expertise, selon Pierre-Yves Frouin, le fondateur de BioSerenity.

Autre exemple de réussite : le cas de Thuasne, un grand fabricant et distributeur français de dispositifs médicaux prêts à porter, et Texisense, une startup française spécialisée dans les capteurs de pression pour les textiles intelligents. Le produit co-développé est un logiciel capable de créer un clone numérique imitant les réactions d’un patient qui porte une orthèse. Le succès de cette collaboration repose sur les connaissances et la confiance mutuelles entre les deux équipes techniques, une communication efficace, ainsi que l’établissement d’une feuille de route précise en matière de R&D définissant les obligations de chaque partie.

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Clauses d’exclusivité : les limites d’un co-développement constructif ?

Dans certains partenariats de co-développement impliquant des frais de R&D importants, il arrive que les grands groupes souhaitent imposer des clauses d’exclusivité afin de protéger leurs investissements, et c’est compréhensible. Mais les startups doivent évaluer l’impact de ces conditions sur leurs objectifs de développement à long terme. Si les clauses d’exclusivité couvrent l’ensemble des fonctionnalités développées ainsi que les évolutions possibles du produit, la startup risque fort de ne pouvoir rien vendre ni acquérir des parts de marché. La seule issue possible est alors d’être rachetée par son partenaire.

On constate de plus en plus que les parties prenantes aux accords de co-développement cherchent à travailler sous une marque blanche ou grise (« white/grey label »), ou se concentrent sur une fonctionnalité ou un cas d’utilisation très spécifique sur un marché restreint. L’émergence de ces meilleures pratiques est propice à l’expression de l’intelligence collective et garantit une issue « gagnant-gagnant ».

 


English version available here :

The Series: Startups and Corporates Part 4: Co-development: collective intelligence for a successful business relationship

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