Slush 2025 : 7 tendances observées par Bpifrance Digital Venture
Slush n’est plus une simple conférence européenne : c’est devenu un révélateur d’ambitions, un concentré de signaux faibles et un point de rencontre privilégié entre VCs, scale-ups et corporates.
De retour d’Helsinki, Bruno Villeneuve et Tuan Tran, investisseurs chez Bpifrance Digital Venture, dressent le tableau d’une édition où l’IA continue d’imprimer le tempo, mais où la deeptech, les usages concrets et l’adoption par les corporates prennent une place grandissante.
Un événement devenu incontournable pour les investisseurs européens
« Slush s’impose désormais comme l’événement tech le mieux organisé d’Europe », observe Bruno Villeneuve. Selon lui, l’événement assume une sobriété revendiquée, centrée sur l’efficacité. « Il y a un très bon équilibre entre scènes principales, conférences et zones de rendez-vous business. On n’a jamais l’impression de déambuler sans but ».
La vraie force de Slush semble toutefois se jouer en marge de la scène. Side events, dîners thématiques, réceptions, soirées organisées par les scale-ups ou les fonds. « Slush, c’est surtout ce qui se passe en dehors. C’est là que le networking se fait vraiment. »
L’événement agit ainsi comme un concentré d’écosystèmes : IA, spatial, défense, new space, retail, fintech… chaque délégation navigue dans son propre écosystème.
Un dealflow toujours contracté, porté par l’IA
Si les conversations entre investisseurs de toute l’Europe convergent sur un point, c’est la structure actuelle du dealflow. « Le dealflow s’est contracté, et ce n’est pas nouveau : cela fait deux ans qu’on le vit ».
« Le très early reste encore actif, mais au-delà, beaucoup de startups préfèrent rester en mode stealth plus longtemps avant de se représenter sur le marché », note Tuan Tran.
Le diagnostic est clair : une grande partie des flux de capitaux se dirigent désormais vers l’IA, laissant d’autres verticales moins financées, moins visibles et moins dynamiques. Cette polarisation crée un écosystème où les dossiers IA peuvent être très concurrentiels, tandis que le reste du pipeline, moins alimenté, se réduit mécaniquement.

L’IA entre dans sa phase d’adoption massive
Pour les deux investisseurs, la véritable rupture de cette édition 2025 n’est pas l’IA en tant que thème, mais son niveau d’adoption réelle. Les corporates et scale-up ont cessé d’explorer : ils testent, déploient, intègrent. « Beaucoup de corporates ont testé des solutions IA et sont en train de les évaluer. Ce n’était pas le cas il y a un an et demi. »
Les cas d’usage les plus avancés se concentrent sur les opérations, la productivité et le service client. À ce stade, l’IA n’est plus un sujet de promesse, mais un sujet de performance.
L’IA agentique progresse, la deeptech mise en avant
Si le thème des “agents IA” occupe une partie des discussions, un autre mouvement retient l’attention : l’évolution de la deeptech. « Les technologies de pointe, du spatial au quantique, en passant par le médical, la robotique et les matériaux avancés, retrouvent une place centrale dans les keynotes. »
Cette poussée s’inscrit dans une tendance plus large : la frontière entre digital et physique s’amincit. Les robots intelligents, l’informatique quantique et les systèmes hybrides étaient présents dans le programme comme dans les side events. Une Europe “technique”, structurée autour du hardware, s’affirme.
Une Europe crédible, fertile, mais encore trop prudente
Un autre discours traverse Slush : l’Europe dispose désormais du terreau pour rivaliser avec les États-Unis sur l’IA et leurs applicatifs. « Nous avons les talents, les capitaux, et déjà quelques leaders », constate Bruno Villeneuve en citant Lovable, Helsing ou Black Forest Labs, dont les trajectoires impressionnent autant par leur croissance que par l’ampleur des financements internationaux qu’ils attirent.
Mais un constat revient dans toutes les tables rondes : le continent manque encore d’un supplément d’ambition. « L’entrepreneuriat américain reste plus optimiste. En Europe, on est plus conservateurs. Il faudrait plus d’ambition, plus de vision globale. »

Adoption oui, gouvernance non : la grande zone aveugle des corporates
Les deux investisseurs identifient une autre ligne de faille : alors que les entreprises accélèrent l’adoption des solutions IA, les sujets clé de la gouvernance, de la sécurité et de la conformité restent à ce stade sous-traités.
« Sans avoir assisté à toutes les conférences, j’ai néanmoins été surpris du peu de discussions autour de la gouvernance de l’IA ou de la sécurité des modèles », note Tuan Tran. Si certains corporate commencent à se pencher sur la modération ou le contrôle des agents IA, l’ensemble reste embryonnaire. Ce déséquilibre pourrait bien devenir l’un des grands enjeux de l’année 2026.
Une édition 2025 dans la continuité, mais particulièrement riche en signaux faibles
Slush n’a pas révélé de rupture spectaculaire cette année, les investisseurs de Bpifrance Digital Venture le reconnaissent volontiers. « Il n’y a pas eu de breaking news. Mais on voit émerger des leaders européens, et c’est une agréable surprise », se réjouit Bruno Villeneuve.
Slush 2025 confirme un écosystème européen plus solide, moins bavard, plus focalisé sur l’exécution que sur le narratif. Un événement dense, où chacun peut vivre un Slush différent, mais où une idée fait consensus : l’Europe n’a plus à rougir sur la tech. Elle doit désormais apprendre à se comporter comme une puissance.
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