Paiements internationaux : Ivo Mertens (CRO d’iBanFirst) alerte sur les angles morts des PME face à la volatilité
Dans un contexte de droits de douane, d’inflation et d’incertitudes géopolitiques, Ivo Mertens, le Chief Revenue Officer d’iBanFirst, partage les enseignements de terrain tirés de l’accompagnement de milliers de PME européennes. Pour aider ces entreprises à s’adapter, iBanFirst a conçu un « Kit de survie » spécialement dédié aux PME exposées à l’international.

Le contexte international est sous tension : inflation, droits de douane, incertitude géopolitique… Quel est, selon vous, le risque systémique que les PME sous-estiment encore aujourd’hui ?
Ivo Mertens : Le plus grand risque, c’est la volatilité extrême des marchés. Elle est devenue structurelle. Beaucoup de dirigeants pensent encore que cette situation va se normaliser dans six mois ; ce n’est pas le cas. Nous allons vivre durablement dans un environnement où des événements politiques ou commerciaux peuvent déclencher, en 24 heures, des mouvements brutaux sur les marchés.
Nous avons vu des pics de volatilité particulièrement marqués en mars et avril. L’exemple le plus parlant : les annonces successives de Donald Trump sur les droits de douane. Un jour, il promet une hausse massive sur certaines importations ; le lendemain, il revient en partie sur ses déclarations. Ces revirements incessants créent une instabilité immédiate pour les PME, qui doivent composer avec des coûts imprévisibles et des marges menacées. À cela s’ajoute une inflation qui reste élevée, des taux d’intérêt qui pourraient à nouveau grimper sous l’effet des politiques monétaires, et un climat politique global incertain, où chaque élection ou crise diplomatique peut rebattre les cartes du commerce mondial.
Le vrai danger, c’est de croire que cette instabilité n’est que passagère, alors qu’elle marque un changement durable et profond du cadre économique mondial.
Vous accompagnez des milliers de PME dans leurs paiements internationaux. Quelles transformations concrètes observez-vous dans leur manière de produire, de s’approvisionner ou de vendre à l’étranger ?
Ivo Mertens : Les dirigeants se posent plus de questions, prennent plus de recul. Ils sont nombreux à renégocier leurs contrats, à chercher de nouveaux fournisseurs ou de nouveaux marchés.
On voit apparaître :
- Des contrats plus courts et réversibles ;
- Des discussions sur la devise de paiement (pourquoi continuer à tout payer en dollars ?) ;
- Une remise en question des chaînes de valeur mondialisées ;
- Une attention accrue à la solidité financière des partenaires.
De plus en plus d’entreprises qui s’approvisionnent en Chine s’interrogent désormais : faut-il payer directement en yuan pour limiter les risques ? Et, si ce n’est pas possible, comment sécuriser leurs marges face à la volatilité des taux de change ?
Pour accompagner cette prise de recul stratégique, iBanFirst a conçu un kit de survie dédié aux PME exposées à l’international. L’objectif de ce kit est clair : fournir des repères concrets pour anticiper les mouvements de devises, évaluer son exposition aux risques de change et structurer une stratégie adaptée à la taille de son entreprise. Il ne s’agit pas d’un simple outil technique, mais d’un guide stratégique conçu pour aider les PME à faire face à un environnement devenu imprévisible.
Votre kit de survie montre une baisse des paiements en dollars au profit de l’euro. Est-ce un simple ajustement tactique ou un vrai tournant dans la stratégie des entreprises ?
Ivo Mertens : Nous pensons que c’est un tournant structurel, et les chiffres le confirment. Entre janvier et mai 2025, nous avons analysé plus de 10 milliards d’euros de paiements internationaux : la part du dollar est passée de 35 % à 30 %, tandis que l’euro a progressé de 47 % à 50 %. D’autres devises comme le yuan, le peso ou le rand connaissent également une légère hausse. Le dollar reste une référence, mais son instabilité coûte de plus en plus cher aux PME. Elles arbitrent désormais au quotidien pour choisir la bonne devise, le bon moment et le bon partenaire. Cette évolution s’accompagne d’une hausse de 50 % des opérations de couverture de change sur la même période : un signal clair que les entreprises veulent reprendre la main sur leur exposition au risque.
Les PME internationales sont souvent trop grosses pour les solutions « light » des néobanques, trop petites pour les grands groupes bancaires. Que manque-t-il aujourd’hui dans l’écosystème pour vraiment les soutenir ?
Ivo Mertens : Il leur manque un accompagnement spécifique, adapté à leur taille. Ces entreprises – les Small and Medium Multinationals (SMM) – ont une complexité financière proche de celle des grands groupes, mais sans les ressources internes pour y faire face. C’est précisément pour elles qu’iBanFirst a conçu sa plateforme : un accès simplifié à plus de 30 devises, un suivi en temps réel des paiements grâce à notre Payment Tracker, une transparence totale sur les taux et les frais, et un accompagnement humain pour choisir les solutions de couverture adaptées. Ces dirigeants ne demandent pas la lune, mais des outils clairs, efficaces et fiables pour garder la main sur leurs marges.
Face aux ambitions européennes en matière d’indépendance économique, quel rôle une fintech comme iBanFirst peut-elle jouer pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’export ?
Ivo Mertens : Notre rôle est de renforcer leur autonomie opérationnelle. Une entreprise capable de payer dans la bonne devise, au bon moment, avec un taux optimisé, gagne en compétitivité. Pour y parvenir, il faut simplifier les paiements internationaux, réduire les frictions bancaires, couvrir efficacement les risques de change et rester agile pour ajuster sa stratégie en temps réel. Dans un contexte où l’Union européenne fait évoluer ses outils industriels et financiers, notre mission est claire : bâtir une infrastructure numérique pensée pour les PME, qui leur permette de se développer à l’international sans dépendre d’acteurs trop lourds ou inadaptés.
Si vous aviez une recommandation à faire aux acteurs publics, aux réseaux d’accompagnement ou aux CCI pour mieux armer nos PME à l’international, ce serait quoi ?
Ivo Mertens : Prendre le temps. Aider les entreprises à prendre du recul, à challenger le statu quo, à sortir de la réaction à chaud.
Un bon accompagnement, ce n’est pas de donner des recettes. C’est se poser les bonnes questions :
- Le contrat actuel est-il encore pertinent ?
- Faut-il revoir le mode de paiement ?
- Existe-t-il un levier de couverture non utilisé ?
Dans cette instabilité permanente, la méthode compte autant que les outils. Et c’est ce que nous essayons de transmettre avec le kit de survie ou nos études sur les devises.
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