L’Open Source : un modèle qui gagne à être (re)connu avec Digital Venture

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En BtoB, les entrepreneurs qui créent des services numériques privilégient le plus souvent un modèle propriétaire. Mais il ne s’agit là que d’une option possible pour les éditeurs de logiciels : l’Open Source et sa version monétisable (dite « Open Core ») méritent d’être envisagés. Sur ce modèle, l’Europe est d’ailleurs bien positionnée…

 

Une tribune proposée par l’équipe de Digital Venture qui accompagne des startups numériques à fort potentiel de croissance.

 

Avec une communauté de plus de 3 millions de développeurs sur GitHub, l’Europe fédère une base de contributeurs Open Source plus large que les États-Unis. L’Irlande, les Pays-Bas et le Portugal figurent parmi les dix pays qui connaissent la plus forte croissance annuelle du nombre de contributeurs sur cette plateforme de référence. Quant à la France, elle figure dans le top 10 des pays utilisateurs de l’Open Source, derrière la Grande-Bretagne et l’Allemagne, mais devant la Russie ou le Brésil.

 

En Europe, les success-stories du secteur sont d’ailleurs nombreuses : du pionnier MySQL, lancé en 1995 par le Suédois David Axmark et racheté en 2008 par Sun Microsystems pour un milliard de dollars, jusqu’à Elastic, créé aux Pays-Bas en 2012 et coté au Nasdaq depuis 2018 (avec une valorisation de 6 milliards de dollars lors de son introduction). Citons également Canonical (Grande-Bretagne), SUSE (Allemagne), JetBrains (République Tchèque) ou ForgeRock (Norvège)…

 

Une nouvelle génération est désormais en train de bâtir les prochains succès du secteur : Netdata (monitoring en temps réel, lancé à Athènes), Rasa (machine-learning en Open Source, lancé à Berlin), Snyk (sécurité informatique, basé à Londres), Containous (cloud computing, lancé à Lyon), Camunda (process automation, basé à Berlin)… et bien sûr l’une des participations de Bpifrance Digital Venture, Strapi, éditeur d’un outil de gestion de contenus (CMS).

 

Mais adopter une approche géographique pour parler d’Open Source n’est pas forcément le plus pertinent : l’avantage principal du modèle – qui peut aussi expliquer son succès actuel en Europe – est justement de pouvoir s’affranchir des frontières et des spécificités de chaque pays pour « scaler » rapidement dans un contexte de marché atomisé, grâce à l’effet démultiplicateur de la communauté. Avec l’Open Source, le développement du logiciel et de ses fonctionnalités est décentralisé, même si l’éditeur qui en est à l’origine fait le plus gros du travail.

 

Bien déployé, ce modèle permet de réunir autour de son produit une communauté d’utilisateurs engagés, qui contribuent au projet et participent à son succès, tout en constituant une barrière à l’entrée pour les concurrents potentiels. La communauté devient un levier au service de l’amélioration et de l’adoption du produit et lui permet d’avoir très tôt une dimension internationale. Naturellement, les outils à destination des développeurs (« Devtools ») se prêtent particulièrement bien à l’exercice de l’Open Source : les contributeurs sont aussi les premiers utilisateurs du logiciel.

 

L’autre intérêt du modèle est de parvenir à toucher une clientèle exigeante, qui a de fortes attentes en matière de personnalisation et de sécurité. E-commerce, gestion de contenus, outils de traitement des données sont donc des secteurs plus ouverts que les autres à l’Open Source. En effet, puisque le code du logiciel est ouvert, chaque utilisateur peut le modifier et le personnaliser dans ses moindres détails, ce qui n’est généralement pas possible avec les outils propriétaires.

 

Une idée reçue autour de l’Open Source voudrait qu’il n’y ait pas de modèle économique associé. Rien n’est moins faux. Certes, un logiciel Open Source repose sur trois grands principes (la libre redistribution, l’accès au code source, la possibilité de création de travaux dérivés), mais ceux-ci n’excluent en rien la possibilité de générer des revenus. En fait, plus la communauté d’utilisateur est grande, plus les options de monétisation sont nombreuses.

 

Certains éditeurs de projets open source se rémunèrent via la création d’une agence web autour du projet, l’assistance aux utilisateurs ou la vente de formations. D’autres déploient des marketplaces de fonctionnalités additionnelles (les “plugins”) payantes, sur lesquels ils touchent une commission. Au-delà de l’initiateur du projet Open Source, c’est toute la communauté de développeurs qui peut ainsi trouver des opportunités de monétisation. WordPress, avec sa galaxie d’agences dédiées, de solutions d’hébergement et de développeurs de plugin, en est un bon exemple.

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Néanmoins, le modèle plus porteur pour les éditeurs reste celui de l’« Open Core » : le cœur du logiciel est proposé en open source, tandis qu’une version “Enterprise”, payante, vient le compléter, avec l’ajout de fonctionnalités nécessaires aux grands comptes ou à une cible particulière d’utilisateurs. Pour simplifier, il s’agit en fait d’un système de type “freemium”.

 

A la différence de leurs ainés, la nouvelle génération de projets open-source intègre très tôt ces logiques de monétisation, en adoptant une approche plus centralisée que par le passé : l’entreprise qui est à l’origine du projet en garde largement le contrôle et propose très tôt à ses clients une solution de type SaaS, autour d’un modèle « Open Core ».

 

Malgré toutes ces possibilités, la question de la génération de revenus reste le principal défi de l’Open Source. Le passage d’un modèle gratuit à sa monétisation est souvent difficile à opérer sans heurter la communauté. Dans de nombreux cas, la plus-value liée à la personnalisation n’est pas pertinente pour les utilisateurs. Quant au modèle de la prestation de service, il présente des contraintes de scalabilité qui le rendent rarement compatible avec les attentes des VCs – même si cela n’a pas empêché Red Hat de se revendre à IBM pour 32 milliards de dollars. Il faut également être vigilant au type de licence choisi et son caractère contaminant ou non.

 

Pour un investisseur, les attentes envers une start-up Open Source différent selon son stade de développement : si la croissance de la communauté et le potentiel de développement sont les principaux indicateurs regardés lors de la phase d’amorçage, la réflexion sur la monétisation doit être bien plus poussée – à défaut d’être déjà amorcée – lorsqu’on aborde les Series A et B. La difficulté étant que l’Open Source ne rentre pas dans le cadre des indicateurs classiques regardés par les fonds d’investissement… d’autres éléments sont donc à valoriser, tels que la valeur stratégique du produit développé.

 

La voie ouverte par les fondateurs français de Strapi pourrait servir d’inspiration. Après un investissement en amorçage de Bpifrance Digital Venture en 2018, via le fonds F3A, ayant servi à développer la communauté et investir en R&D, la startup a levé 3,7 millions d’euros auprès d’Accel et Stride en octobre 2019, puis 9,1 millions d’euros supplémentaires en mai 2020, auprès d’Index Venture et d’investisseurs indépendants, spécialistes de l’Open Source, avec pour objectif de déployer une version « Enterprise » payante sur le modèle Open-Core.

 

Leur outil de gestion et de distribution de contenus est désormais utilisé aussi bien par des grands groupes internationaux (IBM, la Nasa, Walmart, …), des médias (l’Équipe) ou des startups que par des utilisateurs individuels (pour leurs blogs), tout en s’appuyant sur une communauté de centaines de contributeurs, ayant publié plus de 4 000 projets liés à Strapi sur GitHub. De quoi susciter de nouvelles vocations chez les entrepreneurs français ?

 

Si vous travaillez sur des technologies open-source en France, n’hésitez pas à nous contacter pour échanger !

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