Le Metaverse : promesse de maturité pour les marché de l’immersion et des NFTs ?

Partager sur

Photo par Maxim Hopman via Unsplash

 

« Le metaverse sera le monde réel dans un futur proche ». À l’image de l’entrepreneur indien Anuj Jasani, les acteurs du numérique s’emballent depuis plusieurs mois pour l’avenir prometteur (et lucratif) des mondes virtuels. Une tendance couronnée, en avril dernier, par le changement de nom spectaculaire du groupe Facebook en “Meta”. Mais, au-delà de l’effet d’annonce d’un géant, une question se pose : pourquoi et comment les marques doivent-elles travailler leur présence dans les univers dématérialisés ? Entretien croisé avec Pierre-Nicolas Hurstel, CEO d’Arianee (plateforme NFT pour le luxe et la mode) et Fabien Barati, CEO d’Emissive (expériences virtuelles immersives).

 

Comment expliquer simplement le concept de metaverse à celles et ceux qui n’en sont pas familiers ?

 

Fabien Barati – Emissive : Le plus difficile c’est de l’expliquer à des personnes qui ne connaissent absolument pas l’univers des jeux vidéo ! Ma définition du metaverse serait celle d’un monde virtuel et persistant dans lequel on peut se retrouver à plusieurs utilisateurs. C’est-à-dire un monde virtuel dans lequel on peut interagir et évoluer ensemble. Cela n’a finalement rien de nouveau. Au début des années 2000, des plateformes comme Second Life ou Le Deuxième monde (développé par Canal+ en France) avaient ouvert la voie. Ce concept a pris de l’ampleur ces dernières années à travers des jeux vidéo très populaires comme Minecraft ou Fortnite.

 

Pierre-Nicolas Hurstel – Arianee : Ce concept peut-être défini de plusieurs manières différentes. De façon élargie, nous pourrions d’abord affirmer que nous vivons déjà pratiquement dans le metaverse. Un site de e-commerce, une réunion Zoom ou un jeu en ligne constituent en effet déjà des expériences digitales qui sont connectées avec nos existences physiques. Pour expérimenter totalement le metaverse, il ne s’agirait plus que d’attendre le moment de rupture où notre vie digitale prendra plus d’importance que notre vie physique. Cette étape devrait prendre encore une dizaine d’années. Personnellement, je préfère définir le metaverse comme le moment d’apparition du Web3. C’est-à-dire une évolution d’Internet dans lequel il est possible de posséder et de personnaliser des objets digitaux. Il devient alors possible de passer d’un monde virtuel à l’autre, tout en conservant ses possessions dans son digital wallet (compte personnel).

 

Comment expliquer l’emballement récent des acteurs économiques pour ces mondes virtuels ?

 

Pierre-Nicolas Hurstel : Il y a un contexte. Ces dernières années, plusieurs concepts ont connu des effets de loupe successifs. D’abord la blockchain, puis les cryptomonnaies et récemment les NFT (non-fungible token, ou JNF pour jeton non fongible) et le metaverse. Aujourd’hui, tout le monde comprend que ces différents éléments forment une nouvelle version du web. Partant de ce constat, les grandes entreprises veulent avoir quelque chose à dire, à proposer dans ces mondes persistants. Le sujet devient une priorité pour elles. D’ailleurs certaines se sont dotées d’un Head of metaverse ces derniers mois. Le grand public n’est pas encore très impliqué, mais, selon moi, cela ne devrait plus tarder.

 

Fabien Barati : Nous sommes bien au-delà du changement de nom de Facebook. Ce qui a véritablement changé, c’est la capacité d’immersion totale des mondes virtuels. Le metaverse devient désormais plus concret grâce à la rencontre entre des technologies immersives moins chères et plus performantes (notamment les casques de réalité virtuelle) et des mondes persistants toujours plus populaires. Nous vivons un changement d’échelle.

Emissive fait renaître l'Égypte des pharaons

Emissive propose depuis juin 2022 L’Horizon de Khéops à l’Institut du Monde Arabe. Une expédition immersive de 45 minutes, à vivre en famille ou entre amis, qui vous emmènera à la découverte des secrets de la Grande Pyramide de Gizeh.

 

Information / réservation

Que proposent vos structures respectives dans l’écosystème du metaverse ?

 

Fabien Barati : Chez Emissive, cela fait 16 ans que nous créons des expériences en réalité virtuelle pour une large variété d’usages et de clients. Cela se concrétise par des rendez-vous culturels, des applications de formation, des systèmes de prévisualisation ou encore des prestations événementielles. À côté de ces missions pour nos clients, nous développons depuis quelques années notre propre format : les expéditions immersives. Ce concept propose d’explorer des sites culturels ou naturels reconstitués, en groupe et dans un très grand espace dans lequel on peut se déplacer librement. Notre première expédition portait sur l’Egypte ancienne. Sorti il y a quelques semaines, notre second format s’intitule Éternelle Notre-Dame. Il permet non seulement un voyage virtuel dans l’espace, mais aussi dans le temps puisqu’on peut parcourir la cathédrale pendant 45 minutes, du Moyen-Âge à aujourd’hui. Pour beaucoup de gens, ces expéditions sont une forme d’initiation au concept de metaverse. Nous avons d’excellents retours. 

 

Pierre-Nicolas Hurstel : Avec Arianee, nous proposons des solutions End-to-End qui permettent à des marques de se lancer efficacement dans le Web3. Il s’agit d’outils robustes qui ont été éprouvés par les plus grandes marques. Ils permettent de tokeniser simplement des objets, de l’engagement ou de la participation. Nous proposons à nos clients des solutions pour non seulement distribuer ces tokens, mais aussi leur donner de l’utilité et créer de la relation avec leurs possesseurs. Il s’agit d’un marché qui concerne aujourd’hui des marques qui disposent d’une capacité de projection mondiale. Cela explique que notre activité soit aujourd’hui majoritairement tournée vers l’univers du luxe et de la mode.

 

Quels conseils donneriez-vous à une marque ou à une entreprise qui souhaiterait se lancer dans les metaverses ? 

 

Pierre-Nicolas Hurstel : Je leur conseillerais d’abord de penser à une proposition de valeur authentique. C’est-à-dire proposer un actif numérique qui a du sens et qui soit fortement lié à leurs produits, leurs services ou leur expérience. Ne vous prenez pas pour quelqu’un d’autre. Ensuite, mettez le même soin que vous auriez mis dans n’importe quel produit ou activation du monde physique. Enfin, inscrivez-vous dans le long terme. Il ne faut pas essayer de faire un seul coup d’éclat. Il faut travailler sur des projets avec de l’utilité et une vraie feuille de route

 

Fabien Barati : J’aurais un conseil principal et il serait assez simple : il ne faut pas essayer de faire le lien entre le virtuel et le réel. Par exemple, les marques ne doivent pas vendre des objets réels dans un univers virtuel. Un metaverse, c’est un monde à part entière. Donc, si on achète un objet dans le metaverse, ce n’est pas pour son corps physique, c’est pour son avatar, c’est-à-dire son corps virtuel. Ce qui marche actuellement dans les mondes persistants, ce sont des objets, des skins, des accessoires pour son avatar dans le monde virtuel. Mon conseil pour les marques serait donc plutôt de créer des objets pour les avatars. Je trouve ça plus intéressant. Il est même possible d’aller plus loin en utilisant les blockchains pour permettre de partager ces objets entre différents mondes virtuels

 

Quel marché se dessine à moyen terme autour de ces technologies ?

 

Fabien Barati : Beaucoup de gens vont s’intéresser au metaverse dans les prochains mois, il faut donc être en mesure dès aujourd’hui de leur proposer des objets virtuels et de garantir leur propriété dans le temps et dans les différents mondes. A minima, les marques doivent s’y intéresser et commencer à mettre un pied dans le metaverse. Il faut avant-tout être prêt à investir pour tester des modèles et des stratégies en observant les réactions des communautés.

 

Pierre-Nicolas Hurstel : Je complèterais en évoquant la question du respect des données personnelles. Pour les marques, le metaverse est une fantastique opportunité de se réapproprier Internet, de désintermédier les GAFAM, de reconstruire du lien direct avec leur client. Chez Arianee, nous essayons de construire un web décentralisé, sûr et où la souveraineté des données revient entre les mains des consommateurs finaux, des créateurs et des marques. Nous avons donc opté pour une solution simple : ne jamais enregistrer nulle part les données personnelles des consommateurs. Le portefeuille numérique crypté de notre plateforme Arianee ne stocke ainsi que les NFT.

 

Imaginons que nous réalisions ensemble un nouvel entretien croisé dans cinq ans. Quelles formes pourrait avoir pris ce concept de metaverse ?

 

Pierre-Nicolas Hurstel : J’aurais tendance à penser que dans cinq ans, le Web3 sera complètement intégré par les marques mais aussi par les internautes. Si on s’en tient à Arianee, je pense qu’à cette échéance, une centaine de marques du monde entier utilisera nos technologies. Nous les accompagnerons pour créer de la valeur digitale, pour animer leur communauté et dans leur relation client grâce au metaverse. Actuellement, nous triplons notre chiffre d’affaires et nous doublons la taille des effectifs chaque année. Je ne sais pas si cette dynamique sera toujours la même dans cinq ans, mais dans tous les cas j’imagine que le périmètre de l’entreprise sera encore élargi.

 

Fabien Barati : Le sujet du metaverse sera certainement beaucoup plus commun qu’aujourd’hui. Ce qu’il va être intéressant d’étudier c’est la concurrence entre les différents mondes virtuels. Non seulement en termes d’audience mais aussi d’impact. Chaque monde va proposer un modèle différent sur le plan économique, politique et bien sûr social. Difficile de deviner lequel va prendre le dessus. Est-ce que par exemple le metaverse – forcément très grand public – de Facebook sera le numéro 1 dans 5 ans ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les gagnants seront les mondes proposant un subtil équilibre entre d’un côté la performance de l’expérience offerte par le monde virtuel et de l’autre sa facilité d’accès. Ce sont des questions qui s’annoncent passionnantes à suivre.

One Response

  1. Très clair, merci pour cet article.
    Ce pendant il aurait intéressant d’évoquer également le concept porté par SandBox (et d’autres OVR, decentraland), créée par des Français, qui introduit une notion de foncier numérique. Libre
    au propriétaire ensuite de construire son propre espace virtuel et chaque utilisateur peut vendre des objets qu’il aurait créé.
    Sur cette base se développe les métiers d’architecte, designer … dédiés aux univers virtuels.

Répondre à iDumaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *