Labellisation B Corp : le retour d’expérience de Vestiaire Collective

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Photo de Noah Buscher via Unsplash

A l’occasion du mois B Corp nous nous étions entretenus avec les startups labellisées du portefeuille des fonds innovation de Bpifrance. Nous vous avions alors partagé l’expérience de Phenix, Welcome to the Jungle et Ynsect. Aujourd’hui nous sommes heureux de vous annoncer que Vestiaire Collective, une participation du fonds Large Venture de Bpifrance, vient d’être labellisée et a accepté de nous faire part de son expérience.

 

Pour rappel, Le label B Corp (Benefit Corporation) est né aux Etats-Unis en 2006 sous l’impulsion de Bart Houlahan, Jay Coen Gilbert et Andrew Kassoy. L’idée était de certifier des entreprises privées qui intègrent dans leur mission, leur modèle économique, leurs effectifs, leurs produits ou services, des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux. Aujourd’hui, B Corp est à la fois un label et une communauté de 2.800 entreprises dans 60 pays et 150 secteurs différents.

 

Vous retrouverez donc ici le retour de Hortense Pruvost, Sustainability Manager chez Vestiaire Collective, la marketplace bien connue dédiée à la vente d’articles de mode haut de gamme et de luxe d’occasion.

Quelle vision portez-vous sur le rôle et la responsabilité qu’ont les startups envers la société et la planète ?

Nous pensons que les startups ont le devoir d’intégrer les enjeux environnementaux et sociaux. Difficile de lancer une boîte aujourd’hui en faisant fi de ces défis systémiques ! Par ailleurs, il y a un bénéfice énorme à le faire “dès le début” : c’est quand l’impact est au cœur même du projet d’entreprise qu’il prend sa triple dimension économique, sociale et environnementale, et qu’il peut être porté au bon niveau et se déployer pleinement, à la hauteur des enjeux. C’est beaucoup plus difficile (et souvent moins performant !) de changer de direction en cours de route, ou de venir corriger en aval les externalités causées par l’activité.

 

Dans quel objectif avoir décidé de vous faire labelliser et pourquoi avoir choisi le label B Corp ?

Vestiaire Collective fait partie de ces boîtes qui portent l’impact au cœur même de leur modèle d’affaires. Grâce à notre modèle 100% circulaire, nous avons de facto un temps d’avance énorme sur l’ensemble des enjeux environnementaux (impacts de production évités) mais aussi socio-économiques (changement de comportement des consommateurs par exemple). Nous avons décidé que ce n’était pas suffisant pour nous positionner en tête de proue de notre secteur et qu’il était temps, au vue de notre croissance rapide, de mesurer de manière plus systématique et plus 360 nos enjeux, en incluant aussi des thématiques de gouvernance, et de diversité et d’inclusion par exemple. Nous avons choisi B Corp parce que c’est le label le plus exigeant, le plus complet et le plus reconnu à l’international. Pour nous, rejoindre cette communauté, c’est aussi nous hisser au rang d’entreprises inspirantes et pionnières telles que Patagonia.

Concrètement, ça s’est passé comment ?

Nous avons d’abord présenté le projet à toute l’équipe de direction, en étant très transparent sur la charge de travail et l’implication des équipes que cela demanderait. C’est essentiel d’aligner le top management dès le début car si eux ne sont pas moteurs, ce sera compliqué d’aller chercher du temps des équipes derrière ! Ensuite nous avons monté un groupe de projet avec le DAF, la DRH, la cofondatrice et l’équipe développement durable, avec un rendez-vous par semaine pour se mettre d’accord sur les questions à aller chercher et les délais. Ensuite chacun était chargé de mobiliser les personnes pertinentes de ses équipes. Nous avons essayé d’assez vite remplir l’ensemble du questionnaire pour avoir une idée du nombre de points à aller chercher. Nous nous sommes fait accompagner à la fin par Utopies pour une question à impact sur laquelle nous avions besoin de construire un argumentaire solide : il s’agissait de démontrer que notre modèle circulaire contribue à préserver l’environnement et les ressources naturelles. Une reconnaissance cruciale !

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Quelles difficultés avez-vous rencontrées au cours de la labellisation ?

Il n’est pas toujours évident de comprendre la logique du questionnaire, notamment lorsque certaines notions américaines n’ont pas vraiment d’équivalence en France (exemple : le « living wage”). Par ailleurs, nous étions la première plateforme de mode de seconde main à remplir le questionnaire, donc il a fallu débroussailler toute une partie du questionnaire non adaptée à notre modèle (une chaîne logistique mais pas de chaîne de production). Pour toutes ces raisons, nous conseillons de ne pas trop attendre pour soumettre le questionnaire, car la phase d’audit avec un analyste attribué permet d’éclaircir beaucoup de points et de mieux comprendre la logique !

 

Quelles actions concrètes avez-vous pu mettre en place grâce au process de labellisation ?

Le B Impact Assessment est un formidable outil pour formaliser et généraliser les bonnes pratiques existantes. Cela permet de passer de l’anecdotique au systémique. Et ce de manière exigeante, car tous les recoins et tous les processus sont passés au crible de l’impact ! Ainsi, nous avons pu par exemple :

  • Harmoniser l’ensemble de nos pratiques RH à travers le monde sur le modèle social français, le plus avancé
  • Formaliser un code de conduite fournisseurs et une véritable politique d’achats exigeante à travers tous les métiers
  • Déployer un code d’éthique interne
  • Engager notre conseil d’administration dans nos démarches et notre vision en intégrant notre raison d’être à nos statuts
  •  etc.

 

Quels ont été les bénéfices tangibles pour votre startup ?

Ce long processus, parfois laborieux par sa complexité et son aspect totalement multithématique, permet très concrètement d’embarquer une grosse majorité de l’entreprise sur les sujets de développement durable : c’est le projet le plus pluridisciplinaire et collaboratif que l’on ait mené. On sort de là avec un niveau de sensibilisation, d’engagement et de fierté des équipes considérable !

Un des principaux bénéfices est la reconnaissance, par un tiers externe crédible, que nous sommes une entreprise à impact. Pas seulement par notre modèle circulaire, qui était déjà visible, mais aussi de manière holistique, dans tous nos processus internes et externes, dans toutes nos décisions. Et cette reconnaissance est à la fois un bénéfice de marque employeur et un puissant signal de marché. De plus, depuis, nous avons été contacté par plusieurs entreprises, de notre secteur ou non, qui se lancent ou réfléchissent à la certification : il y a un aspect communautaire et un effet boule de neige puissant !

 

Quel avenir voyez-vous à ce label ? 

B Corp est avant tout un formidable outil opérationnel. Il nourrit, donne des idées, des éclairages. Aussi, il peut être perçu (à tort) par les équipes comme une fin en soi. Cela peut donner l’impression que nous sommes “déjà” très bons et donc que nous pouvons nous reposer sur nos lauriers. Heureusement, la communauté et les équipes développement durable sont là pour ramener l’exigence et la créativité afin de dépasser cela.

 

Recommanderiez-vous à d’autres startups de se lancer dans la labellisation B Corp ?

Oui à 100%. C’est même d’ailleurs pertinent de le faire en tant que startup, cela permet de donner un cap clair à toutes les fonctions et les processus de l’entreprise. Et encore une fois, c’est plus facile de se mettre directement sur les “bons” rails que de détricoter ensuite – mais pas impossible cependant ! Et désirable aussi, car le sens de B Corp c’est bien sûr d’être moteur de changement et de transformation.

 

A quels types de boîtes pensez-vous que cela s’adresse ?

A toutes les entreprises ! Évidemment, le processus est plus facile pour une startup ou une PME. Mais cela ne doit pas démotiver les plus gros acteurs de s’y mettre : c’est vraiment un excellent outil de remise en question de l’ensemble des pratiques, mais aussi de valorisation de tous les progrès déjà réalisés en termes de RSE. C’est pour cela qu’il est vecteur de grande motivation et de grande fierté d’appartenance !

 

Vous avez aujourd’hui le label, et après ? 

Ce n’est que le début de l’histoire… Nous allons bien évidemment progresser sur le BIA avant notre prochaine certification dans 3 ans, et notamment sur la partie “impact business model questions” pour faire reconnaître et valoriser au maximum notre modèle circulaire et son pouvoir pour l’environnement ! En parallèle, nous ne voyons pas la vie uniquement en points B Corp, et nous continuons de dérouler notre feuille de route Sustainability & Inclusion en 4 piliers : être une entreprise exemplaire, améliorer notre empreinte sociale et environnementale, embarquer notre communauté d’utilisateurs, et déclencher un changement systémique dans l’industrie !

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