Pour réduire la dépendance aux importations étrangères et renforcer la compétitivité du secteur agro-alimentaire, le soutien de Bpifrance, opérateur de France 2030, s’est considérablement accru, avec un total de 202 M€ d’aides en faveur de 89 projets de R&D ou d’industrialisation.
Une publication proposée par Capucine Grandsir, Analyste technologies durables chez Bpifrance, et Ariane Voyatzakis, Responsable du secteur agroalimentaire chez Bpifrance.
1. Innover pour réussir la transition alimentaire
a. Les nouvelles sources de protéines
Les protéines alternatives aux protéines animales (végétaux, insectes, microalgues, microorganismes) génèrent moins d’émissions de gaz à effet de serre, sont bénéfiques pour la santé et contribuent à la souveraineté alimentaire de la France en se substituant aux importations de soja et de farines de poissons pour l’alimentation animale.
Sur le segment des insectes, INNOVAFEED optimisera le substrat de ses mouches Hermetia Illucens pour produire des farines encore plus riches en protéines pour l’alimentation des animaux puis des humains. INVERS et LA COMPAGNIE DES INSECTES mettront au point des couvoirs pour la reproduction et l’éclosion des larves respectivement du ver Tenebrio Molitor et de la mouche Hermetia Illucens, afin d’alimenter des fermes d’éleveurs d’insectes sur tout le territoire.
Concernant les protéines végétales, le projet collaboratif SUNSHINE porté par le groupe AVRIL développera une nouvelle gamme d’ingrédients riches en protéines de tournesol à destination de l’alimentation humaine et de la nutrition spécialisée. Grâce à la fermentation, la jeune pousse C&DAC cherche à supprimer les arrière-goûts végétaux des légumineuses et rendre ces protéines plus digestibles. Valorisant la culture française de pois, NXTFOOD développera une nouvelle génération de substituts végétaux à la viande, source de plaisir similaire à la viande en termes de goût, de texture et de comportement à la cuisson. De même le projet collaboratif INALOVEG porté par ROQUETTE FRERES vise à structurer la filière des française protéines de pois et fèves par le développement de nouvelles alternatives aux produits laitiers.
En mettant en œuvre une technologie de rupture, la fermentation de précision, la jeune pousse STANDING OVATION est lauréate du concours d’innovation iLab et de France 2030 pour développer des substituts aux produits fromagers à partir de caséines fermentaires sans lait.
b. Aliments répondant aux enjeux de santé publique, de naturalité et de durabilité
Les projets soutenus par France 2030 contribuent à mieux comprendre les liens entre alimentation et santé, afin de promouvoir des comportements alimentaires vertueux. En outre, ils visent à créer des aliments innovants pour répondre à des enjeux de santé publique, comme la réduction de l’obésité, la prévention du déclin cognitif ou les carences en nutriments.
En France, selon l’INSERM, un adulte sur deux est en surpoids. La jeune pousse EKTAH développe des solutions nutritionnelles permettant de resensibiliser les récepteurs gustatifs de personnes en surpoids, conduisant à une baisse de la prise alimentaire et, par conséquent, du poids corporel. Par ailleurs, pour contribuer au rééquilibrage nutritionnel dans le cadre d’un suivi médical, LINKEDNUTRI développe un outil connecté de complémentation alimentaire personnalisée.
Le projet collaboratif ALG4HEALTH porté par ABYSS INGREDIENT vise à développer un ingrédient innovant issu d’un coproduit végétal marin et aux bénéfices santé démontrés pour la santé cérébrale des seniors et des sportifs. Dans le même objectif de renforcement des capacités cognitives, le projet collaboratif N’GINS porté par CELLENGO mettra sur le marché deux nouveaux ingrédients inspirés de la propolis et produits par ingénierie métabolique.
Dry4Good lancera sur le marché une nouvelle gamme d’ingrédients fonctionnels permettant aux industriels de l’agroalimentaire de réaliser des formulations saines et naturelles, à partir d’un procédé éco-efficient de déshydratation de fruits et légumes déclassés. De même, GREEN SPOT TECHNOLOGIES transformera les coproduits d’origine végétale en des ingrédients hautement nutritifs par un procédé sobre de fermentation. FERMENTALG investit dans l’industrialisation de produits innovants issus de la fermentation d’une microalgue : un colorant bleu naturel, un antioxydant pour le marché des compléments alimentaires santé et un « superaliment » riche en protéines, destiné à la nutrition animale spécialisée. Porté par BIOREA, le projet collaboratif EMIL a pour ambition de mettre en œuvre un procédé industriel d’accumulation par photo-induction de molécules d’intérêt, naturelles et économiquement compétitives (vitamines, antioxydants et colorants naturels) dans une culture dense de microalgues en hétérotrophie.
En santé animale, l’entreprise AVIWELL développera des probiotiques pour augmenter l’incidence de foies naturellement gras chez les oies et donc s’affranchir du gavage. Grand Prix du concours iLab, PHAGOS met en œuvre les prédateurs naturels des bactérie pathogènes, les bactériophages, en alternative à l’utilisation d’antibiotiques en élevage. Dans le même objectif de baisse de la consommation d’antibiotiques en aquaculture, MARINE AKWA développe des solutions à base de probiotiques marins.
Enfin, France 2030 soutient l’objectif d’une alimentation traçable, pour réduire les émissions de gaz à effets de serre et restaurer la biodiversité sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le projet FOODPILOT porté par POSITIVE et ATOL CONSEILS ET DEVELOPPEMENT s’inscrit dans cette ambition, avec le développement d’une plate-forme digitale d’’évaluation environnementale des produits, en se fondant sur sur données réelles. Par ailleurs, MARNADIL lance le « transport en commun de produits locaux », un outil de transport mutualisé de fruits et légumes en circuit de proximité.
Les emballages écoresponsables constituent également une composante importante de l’innovation alimentaire avec en particulier ATIL qui propose un nouveau matériau apte au contact alimentaire à base de cellulose moulée, issue de la paille de chanvre breton bio, et d’autre part UZAJE qui souhaite faciliter l’adoption du réemploi des emballages en optimisant un process de lavage mutualisé et en proposant un catalogue de solutions (contenant, logistique durable, système de collecte).
2. Innover pour réussir la transition agroécologique
a. Substitution aux intrants chimiques et importés
De nombreuses innovations soutenues permettent de réduire la dépendance de la France aux engrais de synthèse importés en développant des alternatives respectueuses de l’environnement (biostimulants, biocontrôle et sélection végétale), favorisant la résilience des plantes au changement climatique.
Ainsi, pour réduire l’utilisation de fertilisants azotés dans les sols, GAIAGO développera un biostimulant des plantes à base de souches bactériennes fixatrices d’azote. La solution de ELICIT PLANT à base de phytostérols végétaux doit permettre de réduire de 20% la consommation d’eau et d’augmenter de 10% le rendement du maïs et du soja tout en stimulant leur défense aux stress abiotiques (sécheresse, excès d’eau,…). Le GROUPE ETHICAE s’associera au laboratoire Plant Health Institute of Montpellier (PHIM) pour mettre sur le marché un biostimulant anti-stress pour le blé dur et le pois, à partir d’un outil méthodologique innovant utilisant des biomarqueurs moléculaires.
Par la récupération des urines humaines et leur transformation en fermentation industrielle frugale, TOOPI ORGANICS vise la mise à l’échelle industrielle de cinq biosolutions agricoles (biostimulants et produit de biocontrôle), permettant de limiter le recours aux intrants agricoles fossiles ou de synthèse.
Le projet collaboratif EVERVIGNE porté par ARD, développera des solutions de biocontrôle à base de micro-organismes micro-encapsulés pour lutter contre le mildiou de la vigne. Grâce au concours iLab, CEARITIS développera une solution de biocontrôle dans la lutte contre les mouches des fruits, principaux ravageurs arboricoles.
GREEN IMPULSE a réalisé un tour de table avec le concours du fonds Ecotechnologies de Bpifrance pour développer une solution de biocontrôle sur pomme, vigne et céréales, en alternative aux fongicides chimiques.
Le projet collaboratif BONNE POMME porté par BLUE WHALE développera une approche systémique combinant plusieurs technologies pour la qualité des pommes dont une solution de biocontrôle à base de micro-peptides développée par MICROPEP et une solution de réduction des pertes grâce à la photobiologie développée par ASCLEPIOSTECH.
Le projet DECOPROZE porté par SAIPOL (filiale du groupe AVRIL) a pour ambition de mettre sur le marché une nouvelle de colza avec une haute teneur en protéines et une teneur en fibres indigestibles réduite. Celle-ci sera associée à un biostimulant spécifique, d’une solution numérique de diffusion des pratiques agroécologiques et d’un modèle de rémunération des agriculteurs, pour ainsi inciter activement à la transition agroécologique des exploitations.
Enfin, iMEAN développera un prédicteur mathématique innovant dans le but d’améliorer la sélection variétale des plantes agronomiques. Ce prédicteur basé sur la modélisation, sera testé en conditions réelles dans un programme de sélection du maïs résistant à la sécheresse conduit par LIMAGRAIN.
b. Les outils innovants pour l’agriculture de précision
Les innovations numérique, robotique et génétique renforcent la résilience du système agricole face au changement climatique et aux difficultés de recrutement.
Le marché de la robotique agricole est en pleine croissance, répondant au double objectif de productivité et d’agroécologie. . Il reste encore un verrou majeur à lever, le fonctionnement autonome des robots agricoles, sans aucune surveillance humaine. C’est l’objectif du projet BAKUS de VITIBOT pour la vigne. De même, le projet collaboratif GEOSUR porté par AGREENCULTURE permettra de développer des systèmes de géopositionnement de multicapteurs ainsi que des méthodes et moyens de leur certification pour favoriser le déploiement des engins autonomes dans le milieu agricole. . KUHN Audureau concevra un système autonome, automatisé et connecté pour le pilotage de flottes d’équipements pour les grandes cultures. Le projet collaboratif VISION 3D AGRICOLE porté par EXXACT ROBOTICS développera un système de vision 3D pour robots agricoles, et des algorithmes associés pour son utilisation sur certains cas d’usage (détection de maladies, localisation des fruits, …).
Grâce à des flottes de robots-tondeurs peu coûteux et entièrement autonomes fonctionnant à l’énergie solaire, Vitirover développera la gestion automatique d’un enherbement permanent en verger, sans intervention humaine pour remplacer le glyphosate et le labour. Pour réduire également l’utilisation des herbicides, CARBON BEE concevra une nouvelle génération de pulvérisateurs d’injection directe et localisée sur les plantes adventices. Sur les grandes cultures, CARBON BEE AGTECH déploiera ses préséries de systèmes de pulvérisation ultra-localisée permettant de réduire jusqu’à 90 % les doses de phytosanitaires appliquées à la parcelle. Post-récolte, Stolz développera un nouveau mode d’application de l’ozone gazeux pour la désinsectisation des céréales stockées.
Sur la vigne, SCANOPY développera une solution de télédétection des symptômes de flavescence dorée basée sur l’acquisition et l’analyse d’images aériennes, afin de lutter contre cette maladie. De même, l’outil de détection des maladies fongiques de la vigne (mildiou, oïdium, black rot) de CHOUETTE permettra d’identifier les feuilles et grappes symptomatiques par capteurs embarqués et edge computing et ainsi de réduire l’application des produits phytosanitaire de 50% en modulant leurs doses. Green shield technology développera des outils mathématiques numériques pour la recherche de stratégies optimales de contrôle des pathogènes (diminution des applications de phytosanitaires, leviers agroécologiques, bio-solutions, etc.), dans la culture de la vigne, la betterave sucrière, les pommes de terre et le blé tendre.
Pour favoriser les circuits courts, NeoFarm mettra à disposition des fermes agroécologiques et technologiques clé en main de production locale de fruits et légumes bio, au sein d’exploitations situées à proximité des villes. AISPRID développera sa solution robotique de récolte de tomates en grappes produites sous serres afin d’encourager la production locale, pallier les difficultés liées au recrutement et réduire la pénibilité au travail. Le robot autonome d’INSTAR ROBOTICS permettra aux pépiniéristes de s’acquitter des tâches pénibles de manutention, telles que le regroupement et l’espacement de plantes en pots.
Enfin, le fonds Ecotechnologies a participé au tour de table de SENCROP pour le développement international de ce spécialiste des données météorologiques et de l’agriculture de précision.
Pour permettre d’atteindre l’objectif bas carbone de l’élevage bovin, ITK et SEENOVIA développeront une plateforme technologique de quantification des gaz à effet de serre, de simulation d’impacts des changements de pratiques et de leur suivi en continu. Le projet collaboratif RS SMART ELEVAGE porté par COOPERL INNOVATION permettra, par la robotique, le numérique et l’intelligence artificielle de promouvoir un élevage porcin plus respectueux des animaux, des hommes et de la planète. Le tapis de suivi de croissance des animaux d’élevage en temps réel de QWINTAL permettra d’optimiser les rations alimentaires, piloter la sortie des animaux et détecter les maladies ou n’importe quel problème affectant leur croissance, avec à la clef une réduction de l’impact carbone de l’élevage.
Pour réduire la pénibilité du travail des éleveurs, DUSSAU DISTRIBUTION testera une solution de paillage automatisée auprès d’un large panel d’exploitations de différentes filières animales. KUHN AUDUREAU finalisera le développement d’une machine autonome entrainée électriquement capable de charger, mélanger, distribuer et repousser le fourrage de rations optimisées pour les élevages bovins. De même, la solution de MANUROB est un robot destiné à automatiser les opérations de manutention agricoles récurrentes et à faible valeur ajoutée réalisées dans l’enceinte de la cour de ferme (chargement du méthaniseur, alimentation, nettoyage, etc).
Enfin, le projet collaboratif PHENOPASTO porté par le Centre Départemental de l’Elevage Ovin (CDEO) dans le Pays-Basque, permettra d’intégrer les caractères d’adaptation au réchauffement climatique dans les programmes de sélection des races ovines laitières et allaitantes.
3. Renforcer la capacité industrielle du secteur agroalimentaire français
France 2030 soutient tout le cycle de vie de l’innovation jusqu’à son industrialisation, en particulier dans un objectif de souveraineté alimentaire et de résilience.
UMIAMI a réalisé une importante levée de fonds avec le soutien de France 2030 pour l’ouverture d’une usine en Alsace permettant d’industrialiser son procédé innovant de production de substituts végétaux. LIMAGRAIN INGREDIENTS construira une nouvelle ligne de production de farines à base de légumineuses, qui sont riches nutritionnellement et bénéfiques pour l’environnement. BOUVARD ALINA INDUSTRIE contribuera au développement des filières agricoles biologiques et légumineuses françaises grâce à l’industrialisation de deux biscuits et d’un encas énergétique frais. GRAIN DE SAIL construira un nouveau site industriel dédié à la production de café (torréfaction et mise en sachets) et de chocolat à Dunkerque.
MICROPHYT construira une usine éco-responsable de production industrielle d’ingrédients naturels issus de microalgues pour les marchés de la nutrition et du bien-être. PROVA mettra en service son second site industriel de production d’arômes alimentaires. BIOPROX construira un outil de fermentation de précision qui permettra de fabriquer une gamme d’enzymes innovantes destinée aux marchés de l’élevage et de l’agriculture.
Dans le domaine des fruits et légumes (filière agricole la plus déficitaire en France), PRIMEALE participera au développement de la filière oignon grâce à des investissements dans des outils compétitifs pour l’organisation de producteurs AGRIAL. FUTURA GAIA TECHNOLOGIES lancera la première ferme verticale en géoponie rotative pour produire localement des fruits et légumes sans pesticides. GREENSPOT TECHNOLOGIES mettra en place un démonstrateur industriel pour la production d’ingrédients nutritionnels à partir de fruits, légumes et céréales fermentés.
Les emballages alimentaires contribuent également aux objectifs de souveraineté alimentaire et de durabilité par leur fonctionnalité en termes d’économie circulaire. BRETAGNE PACK lancera la création d’une unité de production de filets cellulosiques, biodégradables, à base de lin pour la filière des fruits et légumes en particulier. CELTIGEL internalisera un nouveau procédé de nettoyage de creux de noix de Saint Jacques pour ses plats préparés, permettant ainsi de s’affranchir de la dépendance à des fournisseurs extra-européens.
Ces investissements et innovations financés par Bpifrance pour le compte de l’Etat contribueront au déploiement à grande échelle des protéines du futur, d’ingrédients innovants pour la santé, de biotechnologies et de technologies robotiques, numériques pour l’accélération de la transition agroécologique et alimentaire et le renforcement de notre souveraineté alimentaire. Les moyens sont à la hauteur de cette ambition, avec près d’un milliard d’euros sur cinq ans, orchestrés par Bpfrance, dans le cadre de France 2030.
Responsable du secteur agro-alimentaire à la Direction de l’Innovation de Bpifrance, Ariane Voyatzakis est en charge d’animer l’ensemble des actions conduites par Bpifrance en matière d’innovation sur ce secteur. Elle instruit des projets dans le cadre de France 2030 et est responsable des relations avec l’écosystème dans son domaine.