Le secteur de la Santé est train de vivre une transformation profonde. Les technologies convergent vers une médecine 3.0 alliant le meilleur des Sciences de la Vie, des nanotechnologies, de la robotique, des deeptechs de façon générale, et du numérique, au service du patient.
Alors que les silos disparaissent, les investisseurs adoptent une approche décloisonnée de leur métier et de la sélection des projets qu’ils accompagnent. Une adaptation nécessaire pour suivre les transformations de l’industrie de la Santé.
La convergence des technologies et disciplines à laquelle on assiste depuis plusieurs années dans le secteur de la Santé s’observe également dans le milieu de l’investissement. Au début des années 2000, les équipes d’investissement se sont scindées entre Biologie et Télécommunications du fait de la forte divergence des compétences et des cycles financiers. La fusion progressive des technologies, l’interdisciplinarité des projets et la part croissante du numérique dans les solutions de santé en développement ont poussé ces équipes à converger pour répondre à la diversification des sociétés du portefeuille et aux expériences et connaissances multiples nécessaires pour les évaluer. Chez iBionext, startup studio investissant dans l’innovation de rupture en Santé et dans la deeptech, l’équipe de management a intégré cette tendance interdisciplinaire et engendre de la cross-fertilisation entre les sociétés (ex : Prophesee est née des travaux de Pixium Vision en neuromorphisme). Chez Bpifrance Investissement, les équipes numérique et santé collaborent pour étudier les dossiers d’investissement en Santé Numérique.
Aujourd’hui, les réflexes acquis par des années d’investissement dans les Biotechs et Medtechs classiques restent utiles pour appréhender la valeur médicale des projets et les contraintes réglementaires dans une logique d’intégration au système de soins actuel.
On passe néanmoins d’une approche « techno-push »[1] à « market-pull »[2] où le Numérique est là pour répondre à des besoins non satisfaits des professionnels de Santé et des patients.
Aux incertitudes des essais cliniques se substituent les incertitudes liées à l’émergence de nouveaux usages (changement dans les pratiques médicales, enjeux d’évolution des mentalités, enjeux de formation, changement dans l’organisation du système de soins etc.), ce qui incite à maîtriser au maximum les risques en créant dès le début des partenariats avec des grands groupes et établissements de Santé clients ou prescripteurs. C’est notamment l’approche de Chahra Louafi, ancienne directrice d’investissement senior dans l’équipe Sciences de la Vie de Bpifrance Investissement et désormais directrice du fonds Patient Autonome.
Une évolution de l’approche des VCs face à l’hybridation des disciplines, Totem HealthTech du 30 mai 2018
Par ailleurs, la santé digitale et les technologies médicales connectées imposent de penser un modèle centré sur les données : des données qualifiées, une logique d’interopérabilité. Il s’agit d’identifier les opportunités commerciales des données patients agrégées pour accroître l’efficacité de la prise en charge médicale. Philippe Peltier, Directeur chez Kurma Partners, investit en amorçage dans des sociétés de diagnostic et de nouvelles technologies, comme Cardiologs qui transforme les pratiques médicales en combinant machine learning et expertise en cardiologie pour un diagnostic plus précoce et des coûts de Santé réduits.
Quant aux opportunités de sorties des investisseurs, elles se multiplient face à cette convergence des technologies. Les potentiels acquéreurs augmentent du fait de la multiplicité des acteurs qui s’intéressent à la médecine 3.0 : des GAFAM aux Big Pharmas, en passant par les groupes d’établissements de Santé. Cette sortie doit être préparée en faisant de l’entreprise un acteur de premier choix proposant un bouquet intégré de solutions (produits et services) dont la proposition de valeur pour le patient est renforcée. Cela peut passer par la construction de synergies entre sociétés du portefeuille, plus que jamais utiles à la consolidation de cet écosystème. Les investisseurs « patients » peuvent cependant encourager la société à aller chercher des financements de croissance pour faire émerger un leader en « stand-alone ». C’est le cas d’iBionext qui accompagne ses sociétés du berceau à la croissance de manière continue. Selon Alexia Pérouse d’iBionext, le secteur de la santé digitale étant un terrain relativement vierge, des accords stratégiques avec de grands groupes internationaux sont envisageables sans pour autant qu’il y ait cession.
La nouvelle génération d’investisseurs, consciente de l’opportunité unique que représente la convergence des technologies en Santé, joue un rôle prépondérant dans la consolidation de l’écosystème français de la Santé Digitale et dans le passage de l’expérimentation au déploiement business de ces startups.
Responsable de l’accélérateur Bpifrance Hub HealthTech, Marion Cassiau est notamment spécialiste des marchés innovants de la santé : healthtech, medtech, biotech.