Interview croisée – Biomemory & Olivier Lauvray
Biomemory, la startup française issue du CNRS et de Sorbonne Université, s’est lancée dans une aventure audacieuse : faire de l’ADN le nouvel or noir du stockage de données. À sa tête, Erfane Arwani, un entrepreneur au parcours atypique, bien décidé à transformer une technologie de pointe en solution industrielle scalable. Mais pour franchir ce cap, il fallait un stratège capable de structurer une stratégie de go-to-market et d’industrialisation robuste.

C’est là qu’intervient Olivier Lauvray. Multi-entrepreneur aguerri, passé par Motorola et Netlogic, il a construit sa réputation sur sa capacité à accélérer la mise sur le marché de technologies complexes. Repéré par Bpifrance Le Hub, Olivier est venu épauler Biomemory à un moment charnière : transformer un prototype prometteur en une solution prête à affronter les exigences du marché industriel.
Entre immersion terrain, ateliers stratégiques et mise en relation avec des acteurs clés, Olivier et Erfane racontent comment leur collaboration a permis à Biomemory de passer d’une vision technologique à un plan d’exécution concret — et ce que cela change pour la suite.
1. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Erfane Arwani : Je suis cofondateur et CEO de Biomemory, une startup française issue d’une spinoff du CNRS et de Sorbonne Université, spécialisée dans le stockage de données sur ADN. Avant de lancer Biomemory en 2021, j’ai cofondé plusieurs startups, notamment en tant que CEO de Nanocloud Software et la fintech Osaka. Son ambition est de développer une solution de stockage moléculaire écologique, capable de répondre aux enjeux environnementaux croissants liés aux centres de données. En décembre 2024, Biomemory a levé 17 millions d’euros afin d’accélérer le développement de sa solution, de renforcer sa stratégie de mise sur le marché et de nouer des partenariats technologiques stratégiques. Je suis diplômé de Grenoble École de Management (Master en entrepreneuriat) et de l’UTBM (Master en informatique).
Olivier Lauvray : Je suis un multi-entrepreneur qui a dirigé six entreprises en France et aux USA, après avoir fait ses armes dans des rôles techniques, commerciaux et managériaux au sein de grands groupes et d’ETI internationales de l’électronique et des systèmes (Motorola, Netlogic Microsystem,…). Avec ma société de service Optiboost, j’ai aidé les entreprises à accélérer leur génération de valeur et je travaille avec BPI France au travers du Hub et des Accélérateurs de l’Initiative Conseil. Impliqué depuis 10 ans dans le monde des réseaux, des serveurs et du stockage de données, mon association avec Biomemory s’est faite naturellement. Je suis actuellement le Directeur de l’industrialisation et des partenariats.
2. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Erfane Arwani : « Notre rencontre avec Olivier est avant tout le résultat d’un alignement stratégique orchestré par Bpifrance Le Hub. Dès nos premiers échanges avec Dimitri Maugé, il a identifié notre besoin crucial de structuration du go-to-market et a immédiatement pensé à Olivier. C’est grâce à cette connexion que nous avons pu transformer une vision technologique en une stratégie opérationnelle claire et actionnable.
Ce qui est marquant, c’est de voir tout l’écosystème Bpifrance se mettre en mouvement pour nous accompagner. Le soutien du Fonds Deeptech a été déterminant pour consolider notre projet industriel et accélérer notre entrée sur le marché. Aujourd’hui, nous avons des fondations solides et une structure stratégique plus mature. C’est une avancée considérable pour Biomemory, rendue possible par cet écosystème structurant.
Olivier Lauvray : Bpifrance Le Hub faisait appel à moi en tant qu’Operating Partner pour aider certaines de leurs participations à accélérer leur développement. J’ai travaillé avec Dimitri Maugé sur un dossier de structuration de stratégie Go-to-Market et il m’a sollicité pour aider Biomemory, initialement sur ce thème. J’ai très vite apprécié les échanges avec Erfane, sa vision et sa détermination. Grâce à l’équipe de Biomemory, j’ai pu rapidement plonger dans le monde de la biotechnologie que je ne connaissais pas bien, et apporter ma contribution au projet.
3. Erfane, peux-tu détailler les besoins identifiés et pourquoi le profil d’Olivier te semblait idoine ?
Erfane Arwani : Nous étions en train de travailler sur le plan de dérisquage technologique de la construction de la génération 1 de notre serveur de stockage, et nous avions beaucoup d’interrogations sur l’après-prototype. Olivier nous a fait remarquer que dans le monde du hardware, il faut penser à partir du produit final, contrairement au software dont je suis issu. Grâce à son expertise, il a su introduire Biomemory dans l’écosystème industriel en seulement quelques mois. Grâce à lui, nous avons gagné plusieurs années de maturité en quelques mois.
4. Olivier, quelle méthodologie as-tu mise en œuvre ?
Olivier Lauvray : J’ai structuré ma mission en trois volets :
– Une phase d’immersion et de cadrage, incluant des entretiens avec l’équipe et l’analyse des éléments existants.
– Des ateliers de travail interactifs (2 à 4 sessions) avec co-construction de livrables : segmentation des acteurs, roadmap, objectifs par cible, documents de communication.
– Une phase de test sur le terrain, avec mise en relation via mon réseau et celui de Biomemory.
J’ai été impressionné par la capacité d’Erfane et de l’équipe à apprendre vite et à s’approprier les nouveaux concepts et méthodes que je proposais. Biomemory réunit vision, ambition et une culture d’amélioration continue permettant de progresser rapidement vers ses objectifs. — conditions nécessaires au succès de l’entreprise.
5. Comment s’est déroulée votre collaboration ?
Erfane Arwani : La mission a débuté alors que Biomemory entamait son roadshow de Série A, avec de nombreux déplacements à l’étranger. Ce contexte rendait difficile une implication continue de l’équipe.
Olivier a su s’adapter, nous nous sommes rendus comptes assez rapidement que son aide pourrait nous être utile au-delà du périmètre initial, c’est pourquoi nous avons décidé de prolonger la mission en élargissant le scope, avec l’accord de Bpifrance le Hub qui nous a aidé définir à ce nouveau périmètre.
Nous avons déroulé la mission de manière agile, mais rigoureuse, avec des temps de travail préparés, des phases d’appropriation entre les sessions, et une forte implication d’Olivier dans la génération des livrables. Sur le plan humain, il s’est rapidement imposé comme une figure bienveillante et structurante, apportant non seulement son expertise, mais aussi un véritable confort intellectuel et mental à l’équipe.
6. Quels résultats tangibles pouvez-vous partager ?
Erfane Arwani : L’apport d’Olivier est précieux, à travers la qualité de ses livrables et l’actionnabilité de ses conseils.
Il a piloté la rédaction de notre plan de Go-to-Market, et a formalisé un document d’architecture modulaire prenant en compte la réalité des datacenters. Ces livrables ont été déterminants pour séduire nos investisseurs en Série A et renforcer notre crédibilité industrielle.
Aujourd’hui, plusieurs de nos partenaires industriels affirment que Biomemory dispose du plan d’industrialisation le plus avancé au monde dans le stockage moléculaire.
Olivier nous a permis de nous confronter aux utilisateurs finaux en nous introduisant auprès de son réseau, en ont découlé des discussions riches qui ont alimenté notre roadmap.
Ma seule crainte était qu’Olivier ne puisse plus consacrer de temps à Biomemory. Son apport est crucial — mais au-delà de l’opérationnel, j’apprends énormément à son contact. Il m’apporte un vrai confort mental dans ce projet ambitieux. C’est pourquoi nous avons proposé à Olivier de rejoindre notre équipe, les défis étant nombreux, et le profil d’Olivier tout indiqué pour nous aider à y répondre.
7. Quel est le rôle d’Olivier aujourd’hui chez Biomemory ?
Erfane Arwani : Olivier est notre Directeur de l’industrialisation et des partenariats. Concrètement, il guide la stratégie « make vs buy » , structure et négocie les partenariats nécessaires à l’accès de technologies et composants critiques pour notre roadmap. Il identifie les points critiques de la R&D qui pourraient entraver une fabrication en volume. Il aide à arbitrer certains choix technologiques pour accélérer l’exécution, tout en conservant des points de contrôle stratégiques.
Ce rôle exige finesse, expérience et une connaissance fine de l’écosystème. Et au-delà de ses fonctions officielles, Olivier est devenu un mentor naturel pour toute l’équipe. Sa présence rassure et inspire.
8. Quels challenges restent à mener ensemble ?
Erfane Arwani : Les défis sont nombreux et partagés. Techniquement, il faut accomplir beaucoup en peu de temps avec des ressources limitées. Nous devons trouver des solutions intelligentes, avancer vite et solidement.
Tout cela doit s’inscrire dans la perspective de la prochaine levée de fonds. Nous entamerons bientôt un nouveau roadshow, avec plusieurs jalons à atteindre en amont pour confirmer notre statut de leader.
En face, nous avons une concurrence américaine bien armée, mais surtout une attente énorme de l’industrie. Biomemory ne peut pas se permettre de décevoir. C’est à nous, avec Olivier, d’être à la hauteur.
9. Si vous deviez résumer la mission en un mot ou une phrase ?
Erfane Arwani : « Go to market. » C’est le mot que j’ai répété sans relâche à mes cofondateurs Pierre et Stéphane. Je leur disais : « Si vous voulez vendre un torchon, c’est simple. Mais si vous voulez en vendre un million, c’est une autre histoire. » C’est là qu’Olivier intervient. Il nous a fait franchir ce cap.
En unissant leurs expertises, Erfane Arwani et Olivier Lauvray ont fait bien plus que structurer un plan de go-to-market. Ils ont tracé une trajectoire ambitieuse pour Biomemory : passer du statut de promesse technologique à celui de pionnier industriel du stockage moléculaire.
Aujourd’hui, l’ADN est encore perçu comme une technologie futuriste. Mais pour Biomemory, le futur, c’est maintenant. Avec Olivier à la manœuvre sur l’industrialisation et Erfane en chef d’orchestre de la vision produit, la startup avance au-delà des standards actuels pour déployer des solutions innovantes de stockage de données résilientes, écologiques, économiques et prêtes pour les volumes industriels.
Face à une concurrence internationale féroce et une pression croissante des investisseurs, la prochaine étape est cruciale : montrer à l’industrie que le stockage de données sur ADN n’est pas seulement un pari scientifique et technologique, mais une révolution industrielle en marche.
Valentine Triniac