photo par Glen Carrie on Unsplash
Lancé par l’État français, le Plan Deeptech célèbre aujourd’hui ses deux ans et enregistre déjà ses premiers résultats. Le dispositif passe maintenant en phase d’accélération avec l’objectif d’investir 2 milliards d’euros dans l’écosystème d’ici 2023. À cet horizon, un sujet encore peu exploré par les investisseurs va monter en puissance : l’informatique quantique. Un domaine qui représente déjà de nombreuses opportunités, dès à présent, comme l’explique Adrien Muller, directeur de participations chez Bpifrance Large Venture.
Étudié à partir des années 1980, le “Quantum Computing” est un champ de recherche qui a le potentiel de révolutionner notre approche de l’informatique. Les calculateurs quantiques s’appuient sur les propriétés de la matière telles que la superposition et l’intrication, afin d’effectuer des opérations sur les données. Contrairement aux ordinateurs classiques qui sont programmés avec des bits valant soit 0 soit 1 (présence ou absence de signal électrique), les calculateurs quantiques utilisent des Qubits, qui peuvent représenter une combinaison de ces valeurs. Il est ainsi possible d’effectuer des opérations avec plusieurs entrées simultanément, ce qui augmente de manière exponentielle la puissance de calcul.
Jusqu’à présent, les capacités de calcul de nos ordinateurs ont augmenté régulièrement, en suivant la loi de Moore et l’évolution des technologies des semi-conducteurs. Mais la miniaturisation des transistors qui équipent les processeurs classiques est en passe d’atteindre sa limite physique. La fin de la loi de Moore pourrait intervenir dès 2025. Dans ce contexte, l’informatique quantique représente donc un enjeu majeur : en changeant de paradigme, nous pourrons contourner les limitations de l’informatique actuelle et répondre aux besoins toujours croissants de capacités de calcul, tout en réalisant des opérations qui restent hors de portée des ordinateurs classiques.
Les applications d’un ordinateur quantique seront nombreuses et certaines sont déjà à l’étude. Dans la santé, le calcul quantique accélèrera la découverte de molécules et médicaments tandis que dans la finance, il permettra l’optimisation du risque ou la détection de fraude. Dans l’aéronautique et dans l’industrie en général, il offrira des capacités inédites en matière de simulation et contribuera à optimiser le design, la conception et la logistique. La cyber-sécurité, la défense ou encore la science des matériaux offrent aussi de nombreux champs d’application potentiels.
Le marché est toujours en phase de R&D
Pour autant, les ordinateurs quantiques sont encore loin d’être disponibles pour remplir toutes ces promesses. L’informatique quantique reste aujourd’hui dans une phase de R&D. Plusieurs technologies, issues de dizaines d’années de recherche fondamentale financée par les gouvernements du monde entier, sont explorées en parallèle. Les investisseurs privés sont également impliqués, depuis plus récemment.
La plupart des efforts et investissements ont principalement été concentrés sur les aspects “hardware” de l’informatique quantique. De grands groupes comme Google ou IBM ont par exemple investi plusieurs centaines de millions de dollars dans la création des premiers ordinateurs quantiques. Ceux-ci sont fonctionnels, mais ils ne sont pas encore suffisamment matures pour apporter une véritable valeur ajoutée par rapport aux machines traditionnelles. Pour l’instant !
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Le software offre des opportunités à plus court terme
Un consensus semble s’établir pour une entrée en phase commerciale du Quantum Computing entre 2025 et 2035. Cette phase correspond au moment où l’informatique quantique sera utilisée de manière quasi systématique pour répondre à des applications industrielles et commerciales. Mais d’ici là, des opportunités pour développer des technologies – et générer des premiers revenus – existent déjà.
Les entreprises du quantique peuvent en effet se positionner dès aujourd’hui, même si les besoins de leurs clients restent principalement de l’ordre de la R&D. En effet, alors que les grands groupes prennent progressivement conscience de l’importance de se préparer à l’arrivée de l’informatique quantique, ils commencent à investir dans le domaine, forment des équipes, lancent des POCs, utilisent des simulateurs quantiques, financent des thèses et nouent des partenariats de recherche.
Les startups pionnières du secteur sont là pour les accompagner dans cette montée en compétence : elles y trouvent de premières sources de revenus, mais participent surtout à l’éducation de leurs futurs clients, ceux qui feront décoller le marché. De manière naturelle, les fonds de corporate venture des grands industriels participent à ce mouvement en apportant des financements, un soutien à l’industrialisation et un accès aux end-users : c’est le cas de Samsung Catalyst Fund, Airbus Ventures ou Robert Bosch Venture Capital, par exemple.
Les fonds d’investissement internationaux tels que Atomico, Blackrock, Andreessen Horowitz ou Lux Capital ont ensuite pris le relai. Ils se sont principalement positionnés sur le « hardware », à l’instar du fonds Elaia en France qui a investi dans la startup Alice & Bob. Par ailleurs, jusqu’à présent, les couches de plus haut niveau (comme l’algorithmie), qui permettront de faire le lien avec les utilisateurs et de développer les cas d’usages, ont été finalement assez peu explorées, même si cette partie « software » commence à attirer l’attention des investisseurs spécialistes du quantique, comme Quantonation, basé à Paris. Ce segment “software”, beaucoup moins capitalistique et avec un cycle de vie plus court que le hardware, devrait rapidement gagner en traction auprès des grands fonds d’investissement.
Une occasion à ne pas laisser passer pour la France
Dans ce marché émergent, la France et l’Europe ont toutes leurs chances de prendre une position de leader, à condition de ne pas perdre de temps. Des acteurs français sont déjà positionnés sur le hardware, comme Atos ou les startups Pasqal, Alice & Bob ou C12 Quantum Electronics. De nombreux grands groupes ont également déjà montré leur intérêt pour mener des POC et intégrer les calculs quantiques à leurs process : c’est le cas de Total, EDF, Axa ou Airbus, qui participaient récemment à la conférence en ligne Quantum Business Europe. Les bases sont donc en place pour constituer un écosystème porteur sur notre territoire.
C’est d’ailleurs la conviction portée par la stratégie nationale pour les technologies quantiques, présentée en janvier 2021 : ce plan entend bien mettre la France au centre du jeu mondial. L’informatique quantique est la prochaine grande vague technologique : elle représente un réel enjeu en termes de compétitivité et d’emploi. Grâce à la qualité de notre écosystème de recherche et de nos écoles d’ingénieurs, nous disposons en France d’un vivier de talents et de compétences, qu’il va falloir s’assurer de développer et de conserver. A la différence de l’Intelligence Artificielle, domaine dans lequel les Etats-Unis et la Chine avaient déjà pris une longueur d’avance lors du lancement de la stratégie IA France, le Plan Quantique arrive à temps. Ne passons pas à côté de cette chance !
C’est pour toutes ces raisons que les équipes en charge de la Deeptech au sein du fonds Bpifrance Large Venture étudient avec attention les évolutions en cours dans ce domaine – pour l’heure émergent mais extrêmement prometteur – du Quantum Computing.
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