Guide pratique pour construire sa stratégie d’influence pour les HealthTech

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Le 9 juillet 2020 s’est tenu dans les locaux de Bpifrance un atelier sur le thème ambitieux du lobbying pour les startups en santé. Les objectifs étaient nombreux : isoler une image réaliste de ce qu’est le lobbying en santé, déconstruire l’a priori selon lequel il n’est pas possible pour une startup d’influencer les décisions politiques, et clarifier les bonnes pratiques actionnables et concrètes pour que les jeunes entreprises innovantes en santé puissent se lancer, à leur échelle et avec leurs moyens.

 

Pour faciliter l’essor d’une solution particulièrement innovante, il est recommandé de s’investir dans une stratégie d’influence afin de paver la voie et éviter l’impasse, i.e. la situation où l’environnement réglementaire et/ou politique pourrait lui faire obstacle. Et pour cause, cette solution est tellement innovante que les pouvoirs publics et les régulateurs ne la connaissent pas ou pas suffisamment. Le lobbying constitue un bon recours pour éviter cet écueil. Ce constat est particulièrement vrai pour les Healthtech, la santé étant l’un des secteurs les plus concernés par l’innovation de pointe. Génomique, données de vie réelle, IA… ces innovations ont souvent de l’avance sur le cadre réglementaire. Ce dernier doit par conséquent être réactualisé pour ne pas creuser un trop grand écart avec notre système de santé en constante modernisation.

 

Le cabinet Spin & Strategy nous a fait le plaisir d’animer cet atelier et partager son expertise avec nos startups. Ces professionnels définissent le lobbying comme « l’art de créer les conditions politiques et culturelles favorables à sa stratégie business ». Cela s’effectue dans le cadre légal, dépasse la question de la seule « fabrique » de la loi, et nécessite d’introduire du débat dans la démocratie.

Une rapide étude de terrain fait apparaître quatre grands types d’approche :

  1. Proposer une réglementation alternative. C’est l’option qu’ont choisi les leaders de la prise de rendez-vous en ligne ou de récupération des invendus. Cette stratégie est non seulement disruptive mais aussi la plus constructive et durable !
  2. Tirer parti de la réglementation en vigueur sans aspirer à la changer. Le modèle de l’aérien low cost s’appuie ainsi largement sur les avantages fiscaux et salariaux appliqués pour se développer.
  3. Mettre à profit des carences réglementaires. Repérer des angles morts et s’infiltrer dans la niche qu’ils ouvrent peut être envisagé. Le modèle d’économie collaborative, notamment dans l’hébergement saisonnier, a appliqué cette façon de faire, avant que le lobby de l’hôtellerie ne vienne combler la faille.
  4. Dénoncer le système établi, et ce, de façon frontale. Les plateformes de streaming en sont un bon exemple avec la réussite qui est la leur.

 

Quand il s’agit de distinguer les différentes approches appliquées, on parle de lobbying défensif (i.e. la défense d’une position existante pour éviter qu’un changement réglementaire ne vienne fragiliser des intérêts préexistants) et de lobbying offensif (i.e. le fait de se créer une nouvelle position sur l’échiquier grâce à un changement réglementaire).

Selon le contexte, ces deux approches peuvent être payantes. Mais alors, comment s’y prendre pour créer – ou maintenir – les conditions réglementaires favorables à sa stratégie business ?

Si vous souhaitez vous familiariser avec l’environnement politico-législatif influant sur la santé en France, nous vous invitons à consulter le guide pratique que nous avons réalisé en parallèle de notre atelier. Ce guide a pour objectif de :

  • Vous aider à identifier les lois qui peuvent vous servir de « fenêtre de tir » pour atteindre votre but de guerre,
  • vous aider à comprendre le processus de construction d’une loi, les personnes et institutions impliquées directement ou indirectement et qui pourront (ou pas) être vos interlocuteurs cibles pour faire entendre votre voix,
  • vous rappeler quelques bonnes pratiques, ainsi que l’encadrement légal du lobbying pour que vous ayez bien en tête ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas en France avant de vous lancer.

extraits

Convaincus que le lobbying peut servir votre entreprise ? Pour accompagner notre guide, nous vous listons ci-après les recommandations à suivre pour construire votre plan stratégique :

 

1. Traduire en termes politiques vos impératifs business

 

Indispensable avant le grand saut, cette étape est préliminaire à tout début de stratégie d’influence. Elle consiste à prendre du recul sur vos ambitions business – qui n’intéressent que vous – pour s’attacher à votre objectif politique final. Il s’agit ici d’extraire la vision politique cachée derrière vos aspirations business. Pour commercialiser dans les meilleures conditions, que souhaitez-vous changer ou pérenniser d’un point de vue politique et/ou législatif ? En quoi ce changement concret – ou ce maintien – nourrit-il une vision politique ou sociétale ?

Pour se développer sereinement, viser le remboursement de la téléconsultation par l’Assurance Maladie sert des enjeux business évidents : le retrait du frein financier à la téléconsultation et par conséquent la démultiplication de consultations à distance. La « vision politique et sociale » en arrière-plan de cette donnée business est la facilitation de l’accès aux soins par la modernisation de notre système de santé et la lutte contre les déserts médicaux.

 

2. Faire de la veille sur les évolutions de l’environnement politique et législatif

 

Une fois votre « but de guerre » défini, vient l’étape de l’identification de votre « fenêtre de tir », c’est-à-dire l’identification de l’opportunité qui adressera votre problématique dans l’agenda politico-législatif. Pour ce faire, il est préférable de charger un membre de votre équipe de réaliser une veille sur les sujets à l’ordre du jour dans la construction des prochaines concertations, lois, réformes. Projet de loi pour le financement de la Sécurité Sociale, sur la bioéthique, sur l’autonomie, sur la santé au travail, plan de relance post-Covid… En santé, il existe de nombreuses occasions à saisir. Les sujets qui concernent directement les startups innovantes en santé sont régulièrement abordés et s’insèrent dans les projets de loi : financement de l’innovation en santé, rigidité réglementaire et accès au marché, protection des données, consentement du patient, remboursement de certaines pratiques par la Sécurité Sociale… Définissez la position que vous êtes prêt à défendre et reliez-la à l’agenda politique. En fonction de vos ressources, votre objectif sera plus ou moins ambitieux. Il peut tout à fait se limiter à la modification d’un simple alinéa dans un projet de loi et pourtant avoir un impact considérable sur votre business.

En fonction de l’environnement politique et réglementaire qui vous concerne, vous allez donc vous positionner sur l’une des 4 grandes approches de lobbying préalablement énumérées.

 

3. Apporter de la matière, étayer et illustrer ses arguments, chiffrer

 

Attention, s’il ne s’agit pas de réaliser une étude médico-économique (celle-ci sera réservée à la construction de votre dossier réglementaire d’accès au marché), vous ne pouvez toutefois pas vous présenter face à un décideur clé sans avoir construit un argumentaire concret, fondé et objectivé. L’objectif de ces éléments de preuve est notamment d’expliquer en quoi votre intérêt business rejoint les intérêts du plus grand nombre.

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4. Articuler soft power et hard power

 

  • Le soft power recouvre votre stratégie communication et relations presse. Le lobbying ne se limite pas à frapper à la porte des décideurs institutionnels. Il doit être accompagné et nourri par un mouvement de fond. L’intégralité de votre stratégie de communication, les messages relayés sur vos canaux publics, doivent appuyer votre argumentaire politique. Vous devez non seulement convaincre les décideurs mais aussi et surtout les patients, l’opinion publique.

 

En sus d’une communication cohérente et continue, être soutenu par l’association de patients ou de professionnels de santé auxquels votre innovation apporte une valeur ajoutée tangible vous donne un poids et une précieuse crédibilité. Charge à vous de les convaincre en amont.

 

  • Le hard power (i.e. la politique) de la stratégie d’influence peut être bridé par vos moyens financiers. C’est la raison pour laquelle il est primordial de bien sélectionner ses interlocuteurs au sein des différentes instances (Gouvernement, Sénat, Assemblée nationale…). Une dizaine d’interlocuteurs choisis en conscience, après examen de leur parcours professionnel et de leurs sujets de prédilection, peut suffire à faire entendre votre voix. Si vous souhaitez avoir une meilleure vision des différents décisionnaires et influenceurs des projets de loi en santé et ainsi identifier ceux qui – background professionnel et politique à l’appui – sont susceptibles d’être les plus sensibles à votre discours, vous pouvez consulter notre guide pratique de la stratégie d’influence en santé.

 

Avant d’identifier vos interlocuteurs et d’aller à leur rencontre, pensez à faire une analyse des rapports de forces existants entre les différents acteurs, reconstituez les galaxies de parties-prenantes selon leurs convergences d’intérêts, observez le terrain politique sur lequel ils évoluent afin de vous familiariser avec leurs enjeux et leurs intérêts !

Notez bien que si vous souhaitez rencontrer un décideur public ou politique autour d’un café pour lui présenter votre projet et votre vision, vous devez déclarer toutes les dépenses liées à ces entretiens sur https://www.transparence.sante.gouv.fr/

 

5. Lorsque c’est pertinent, préférer le collectif

 

Pour être le plus efficace possible avec un budget restreint, la clé est de n’endosser en interne que ce qui ne peut pas être porté par d’autres. Si vous avez défini un but de guerre qui est commun à d’autres acteurs, inutile de développer une stratégie d’influence en propre : tournez-vous plutôt vers les lobbies sectoriels (Leem, SNITEM, France Digitale…). Ils mènent probablement déjà le combat à votre place ! En revanche, si votre objectif est spécifique à votre activité et ne concerne réellement que votre business, il est tout à fait pertinent de vous charger de cette mission. Partant, si vous parvenez à convaincre des associations de patients, de professionnels, ou d’autres entreprises que vos intérêts sont convergents avec les leurs afin que vous portiez votre vision en coalition, c’est encore mieux !

6. Etablir une roadmap et des objectifs concrets

 

Pour contrer l’idée que le lobbying est une science molle dont les effets sont intangibles et quasiment impossibles à évaluer, fixez-vous des objectifs concrets et lucides : un nombre de (bons) décideurs et relais d’opinion à rencontrer avec un dossier précis à présenter dans le cadre d’un projet de loi, un nombre d’institutionnels qui vont considérer votre projet… voire un nombre de décisionnaires convaincus ! Pensez à réévaluer vos objectifs en fonction du contexte : ne vous mettez pas un décisionnaire à dos à force d’essayer de le convaincre si cela ne vaut pas le coup… Il va sans dire que ces objectifs doivent être cohérents par rapport à votre plan stratégique business !

 

7. Garder à l’esprit qu’il s’agit d’une pratique très réglementée… et que certaines actions sont interdites !

 

Les régulateurs sont des institutions importantes dans les décisions politiques relatives à la santé, ils sont toutefois hors d’atteinte pour les lobbyistes. Ils relèvent exclusivement de la fonction Market access. En France, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) fixe le cadre du lobbying. Il est interdit d’approcher la CNIL, l’ANSM, la HAS ou le CEPS dans le cadre d’une campagne de lobbying pour influencer une décision de ces régulateurs à des fins commerciales. En revanche, les autorités régulatrices peuvent vous consulter sur un sujet de leur propre initiative. Ces concertations sont autorisées mais doivent être impartiales et ne laisser aucun acteur de côté.

 

Enfin, si vous souhaitez être accompagné par un cabinet comme Spin & Strategy, assurez-vous d’avoir déjà réfléchi aux trois premières bonnes pratiques mentionnées plus haut : le meilleur moment pour solliciter un cabinet est lorsque vous avez défini vos objectifs politiques et que vous avez déjà commencé à construire votre argumentaire et votre stratégie de communication. Il vous aidera alors à cibler vos interlocuteurs, à construire votre coalition, à consolider votre discours, et vous assistera dans la réalisation de votre plan stratégique.

 

Pour la rédaction de cet article, nous remercions Claire du Boislouveau, notre experte média et relations extérieurs qui accompagne les startups accélérées par le hub dans leur stratégie de communication, visibilité et relations presse.

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