Au Hub, notre début d’année est marqué par le lancement des Clubs Métiers, une initiative née de la volonté de créer un savoir commun au sein des startups investies par les fonds d’investissement en capital risque de Bpifrance. Le principe est simple : réunir des experts d’un même métier pour croiser les points de vue et les pratiques. Le Club Produit initié par notre Operating partner Octave Letellier a connu une première session dédiée à la Discovery, avec une présentation d’Axel Sooriah, co-fondateur de Panash et instigateur du podcast Product Squad.
A la recherche de l’empathie avec ses utilisateurs
Le concept de Discovery recouvre un ensemble de pratiques et méthodologies mais Axel préfère le synthétiser en une phrase percutante : il s’agit de la capacité à entrer en empathie avec ses utilisateurs. Une démarche ouverte donc, où l’on ne cherche pas à valider des solutions pré-définies mais bien à en dégager des neuves dans le cadre d’une recherche proche des utilisateurs. La principale difficulté qui se pose alors pour intégrer la Discovery à sa routine de travail, c’est de parvenir à établir une méthodologie adaptée à son organisation et à son business.
« Si vous n’investissez pas dès le début dans la Discovery, vous risquez de prendre une trajectoire qui n’est pas la bonne pour le product-market fit, et vous n’allez le comprendre que lorsque vous faites face à des problèmes de rétention ou de churn.«
Sunita Mohanty, Product Lead New Product Experimentation Group Facebook
Une pratique transversale pour canaliser sa capacité d’innovation
Puisqu’il s’agit de monter en connaissance client avec une approche exploratoire, la Discovery peut in fine répondre à des problèmes de différentes nature, précise Axel. Du point de vue du Product Manager, il permet d’augmenter les chances de créer le produit parfait, de trouver son « Graal » en quelque sorte, tout en impactant les métriques qui ont du sens pour le business. C’est aussi un outil déterminant lorsque l’on souhaite limiter le risque dans les prises de décisions, en les adossant à des retours utilisateurs.
On pourrait donc avoir besoin de se lancer dans la Discovery :
- si on manque de confiance dans les choix du temps à investir par l’équipe produit,
- s’il y a un flou autour de l’impact business de certaines fonctionnalités,
- si on peine à prioriser les problèmes pour améliorer son produit.
En interne, faire de la Discovery peut poser des questions : on peut être impatient qu’il produise des enseignements déterminants, mais on peut également craindre qu’il ne ralentisse la capacité à avoir de l’impact. Or c’est une démarche exploratoire, qui nécessite de la patience mais qui justement permet de canaliser sa capacité d’innovation.
Quand commence le parcours du Discovery ?
Le Discovery n’est pas une étape qui doit venir à un moment précis de la vie d’un produit. Au contraire, c’est un parcours qui peut être mobilisé sur différentes temporalités :
- quand vous n’avez pas encore de produit bien défini mais que vous souhaitez identifier des fonctionnalités par rapport à une problématique,
- pour faire de l’exploration quand vous avez déjà un produit, comme par exemple évaluer la pertinence de créer une nouvelle ligne de produit,
- quand une masse critique d’utilisateurs est atteinte et qu’il faut faire baisser l’attrition (churn en anglais, soit la croissance du taux de désengagement du service) en optimisant chaque facette du produit,
- c’est enfin un parcours qui pourra vous amener à la conclusion qu’il faut « tuer » une fonctionnalité, donc idéale à mettre en place quand un produit se complexifie et risque de perdre des utilisateurs confrontés à une multitude de fonctionnalités.
Les insights de Laure Nilles, Lead Product Manager B2B chez Meilleurs Agents
Meilleurs Agents c’est une équipe produit très étoffée composée de :
- 11 product managers
- 5 product designers
- 2 product analysts
- 2 product marketing managers
- 2 chargés d’études marketing (pour le quantitatif)
- 1 product strategist (coordination avec les autres pays du groupe Axel Springer)
Mais la Discovery était déjà dans la routine de travail alors qu’ils n’étaient que trois !
6 clés pour vous inspirer des plus rodés du marché :
- Une Delivery finement réglée permet d’asseoir sa légitimité au sein de l’organisation en tant qu’équipe produit et permettrai in fine de déclencher les sujets de Discovery.
- Du temps passé pour PLUS de temps gagné : Comprendre que la Discovery évite la Delivery de fonctionnalités inutiles.
- Créez des rituels pour faire infuser la Discovery au sein de toute l’entreprise.
- Inutile de se perdre dans la profusion et la complexité des outils, optez pour une méthodologie épurée et fédératrice.
- Injectez un socle commun de Discovery dans le parcours des Product Designers et des Product Managers.
- Appuyez-vous sur une équipe tournante et transverse pour traiter tous les sujets de fond.
- Les quatre grandes catégories de risques à garder en tête : le risque UTILISATEUR, le risque PRODUIT, le risque COMMERCIALISATION, le risque RENTABILITÉ
VOUS SOUHAITEZ ENTRER EN CONTACT AVEC DES STARTUPS INNOVANTES ?
De 0 à 1 avec ses propres moyens !
Pour se lancer dans la Discovery, il n’y a pas d’équipe type ou de taille spécifique à avoir. En effet, chaque entreprise peut à son niveau mettre en place un parcours de Discovery, et cela avec ses ressources propres.
La configuration idéale pour Axel c’est de réunir autour de cette démarche un Product Manager / Product Designer et un Tech Lead pour assurer la courroie de transmission entre la Discovery et la Delivery. Un chercheur UX pourra compléter l’équipe en injectant une plus grande rigueur dans l’analyse des résultats.
Pour bien commencer, se méfier des croyances limitantes qui viendraient parasiter le Product Manager. La Discovery est justement là pour rationaliser votre rapport avec vos utilisateurs, et de fait elle ne doit pas découler de vos présupposés.
Pour bien commencer, Axel propose cinq clés :
- avoir mis en place une pratique du test d’usage (usability testing),
- faire appel à une équipe qui gère des problématiques plutôt que des fonctionnalités,
- avoir une équipe qui est confrontée à des utilisateurs ou des clients car c’est là où se trouve la connaissance,
- savoir donner de la latitude et de l’autonomie aux équipes pour qu’elle aille au bout de la démarche,
- laisse à l’équipe le choix de sa méthodologie pour garantir un mode de travail organique.
Les insights de Flora Vidal, CPO de Captain Contrat
Captain Contrat accompagne les TPE/PME en rendant le juridique accessible. Avec une équipe de product marketing intégrée, l’identification de nouveaux services, nouvelles offres et nouvelles fonctionnalités par le biais du Discovery est une démarche totalement internalisée au sein de l’entreprise.
Le Product chez Captain Contrat c’est :
- 2 PMM
- 2 PM
- 1 Product Designer qui a l’ownership de la User Research et est secondée par 1 stagiaire
- 1 legal developer (personne qui personnalise le produit selon le service, à mi chemin entre un PM et un developper)
- + 1 data scientist pour les analyses quanti complexe (fonction transverse dans l’entreprise, pas uniquement rattachée à l’équipe produit)
Les 8 points chauds selon Flora :
- Avant de se lancer dans la Discovery, rendre automatique la user validation dès que l’on touche au produit.
- Donnez au(x) Product Manager(s) des créneaux réguliers lui permettant d’intégrer ces validations dans son planning.
- La Discovery appelle des collaborateurs particulièrement responsabilisés et c’est en donnant un ownership clair au(x) Product Designer(s) que les résultats sont les plus probants.
- Pour se lancer avec une petite équipe, identifier les sources de feedback qui ne demandent pas des entretiens spécifiques…
- … ces sources : des avis, des emails du support client, des appels avec les commerciaux, des sessions de double écoute avec le marketing et les fondateurs…
- Notez les verbatims et, surtout, archivez les, taggez-les de façon à pouvoir les mobiliser aisément.
- Diffusez la culture produit au sein du reste de l’entreprise, par exemple avec des entretiens plus approfondis avec des collaborateurs extérieur à l’équipe produit.
- Partagez les enseignements en hiérarchisant les sujets et en précisant quelles seront les échéances pour voir se concrétiser les découvertes de la phase de Discovery.
Les 5 étapes du parcours Discovery
Pour terminer ce tour d’horizon de la Discovery, Axel partage un plan de route en 5 étapes.
Etape 1 : utiliser un framework
S’il est important de laisser toute son autonomie à l’équipe en charge du Discovery, celle-là devra se mettre d’accord dès le départ sur un framework qui va permettre de guider sa progression.
Etape 2 : planning et recrutement
En amont du parcours, un atelier préalable vous permettra de bien border la Discovery.
Cet atelier est capital pour :
- comprendre ce que les équipes peuvent attendre de la Discovery
- identifier de possibles craintes dans la mise en place
- prendre conscience de ses croyances limitantes
- comprendre ce que les enseignements de la Discovery pourront permettre
- définir la forme que prendront ces enseignements
A l’issue de cet atelier, vous pourrez construire votre Knowledge board intégrant :
- les questions (ce que vous ne savez pas)
- les suppositions
- les expériences de recherche
- les faits dégagés des recherches
Il est maintenant temps de se lancer, et donc de recruter des utilisateurs, car ce sont bien eux la matière première du Discovery. Alex partage trois astuces pour bien les recruter :
- Appuyez-vous dans un premier temps sur vos ressources existantes : les échanges commerciaux ou encore les mails de votre service client constituent un premier niveau de ressources (voir : les insights de Flora Vidal).
- Vous pouvez enrichir ces pools d’utilisateurs en vous appuyant sur Linkedin ou même Facebook.
- À chaque tentative d’élargissement, assurez-vous toutefois que les pools d’utilisateurs sont bien représentatifs du problème que vous voulez résoudre.
A vous maintenant d’approcher ces utilisateurs avec le questionnaire adéquat. Lancez-vous assez tôt sur la construction de celui-ci, itérer d’abord dans un document partagé et structurer progressivement en privilégiant des questions ouvertes et une structuration autour de thèmes centraux.
Etape 3 : les activités
Votre équipe est alignée, vos utilisateurs sont identifiés, vous pouvez dès lors conduire la phase de Discovery à proprement parler. La manière classique consistera à conduire des interviews :
- Assurez-vous que les utilisateurs peuvent bien se servir des outils que vous allez mobiliser pour ces interviews.
- Demandez l’autorisation d’enregistrer pour avoir accès ensuite à une masse de verbatims.
- Conduisez les interviews à deux, avec un facilitateur et un « scribe » qui viendra prendre en notes des éléments saillants.
- Laissez aux interviewés le temps de s’exprimer, car ils en diront souvent plus après de premières réponses certe spontanées mais parfois incomplètes.
Bien sûr, vous n’êtes pas tenu de vous limiter aux entretiens, les mappings de parcours utilisateurs sont également des activités très riches à conduire dans une phase de Discovery.
Etape 4 : le playback
Le playback, c’est le moment de restitution de tout ce que vous aurez appris pendant la Discovery. C’est le moment où vous diffusez cette précieuse « empathie » pour les utilisateurs et parvenez ainsi à plus d’alignement au sein des équipes.
De par sa nature même, ce playback repose sur des leviers maîtrisés de communication interne. Choisissez-bien votre moment, votre rituel pour le dérouler. Vous devez créer un impact collectif qui ne se limite pas à partager un document de restitution désincarné.
Etape 5 : vers la Delivery et au-delà
Le Discovery révèle toute son utilité quand la courroie de transmission avec la Delivery fonctionne bien (voir : Les enseignement de Laure Nilles et Flora Vidal en encadrés). Pour faciliter ce passage, un atelier peut se révéler précieux.
Sur la base des découvertes de la phase de Discovery, cherchez collectivement à itérer pour trouver des solutions d’application.
On le voit, la phase d’identification de solutions n’intervient que maintenant que l’équipe a toutes les clés en main. Toutes les équipes peuvent apporter leurs idées sur ce que va être le produit ou les fonctionnalités, des idées qui n’ont rien à voir avec un brainstorm puisque leur pertinence s’appuie sur la réflexion approfondie et balisée permise par la Discovery.
Vous avez la moindre question sur cette démarche qui est au cœur de l’excellence produit des acteurs tech les plus percutants ? Axel et les équipes de Panash répondent à vos questions !
Chargé des contenus au Hub de Bpifrance, Robin Pineau est spécialiste des stratégies de marques et des approches éditoriales.