Le secteur agroalimentaire fait face à de nombreux défis liés à la croissance de la population mondiale et l’urgence climatique. Son objectif est de nourrir 9,7 milliards de personnes en 2050, tout en préservant les ressources de la planète. Dans ce contexte, l’agroalimenaire français doit soutenir sa compétitivité en Europe et à l’international en valorisant son savoir-faire et sa capacitité d’innovation.
Juliette Verseux, Chargée de mission Ecotechnologies (Direction de l’expertise Bpifrance), et Ariane Voyatzakis, Responsable du secteur agroalimentaire (Direction de l’Innovation Bpifrance) proposent un tour d’horizon inspirant de ces entreprises innovantes qui ont choisi de transformer l’une des plus anciennes activités humaines.
AGRICULTURE AUGMENTÉE, PRÉCISION DÉCUPLÉE
Les innovations en agriculture se multiplient, notamment concernant les outils d’aide à l’agriculture de précision. Ce principe de gestion des cultures vise l’optimisation des rendements et des investissements en considérant la variabilité pédoclimatique d’une parcelle à une autre ainsi qu’au sein d’une même parcelle. Il permet de diminuer les intrants par une meilleure maîtrise des fréquences et des quantités d’épandages. Ces outils apportent aux agriculteurs des informations de plus en plus précises pour comprendre ce dont les cultures ont besoin à l’instant présent.
En particulier, Sencrop a développé une station météo connectée à une plateforme collaborative, permettant aux agriculteurs d’échanger des informations et des conseils sur les données collectées. Autre exemple, Ombrea propose des ombrières liées à une intelligence artificielle, permettant de gérer automatiquement l’ensoleillement ou la protection des cultures en maraichage et en horticulture.
Par ailleurs, le biocontrôle (i.e. alternatives naturelles aux pesticides) se développe fortement sous la pression des consommateurs et du retrait progressif de certains produits conventionnels du marché. Le projet collaboratif de R&D Solstice, porté entre autres par l’entreprise Belchim, développe des solutions naturelles de traitement des plantes, ainsi que de nouveaux modes d’application, en vue de minimiser l’impact sur l’écosys-tème de la viticulture et du jardinage.
La start-up Micropep développe des peptides permettant de moduler temporairement la régulation des gènes des plantes, afin de favoriser leur croissance et leur résistance aux pathogènes sans modifier leur génome. Les robots de désherbage comme celui de Naïo Technologies ou de Vitirover sont des solutions de remplacement du glyphosate, dans certaines cultures.
Enfin, l’agriculture urbaine en circuit court s’affranchit des produits chimiques par un environnement parfaitement contrôlé. La ferme en containers Agricool offre des fraises « zéro-pesticide », tout en diminuant de 90% l’apport en eau nécessaire par culture en hydroponie. Upcycle, allie économie circulaire et agriculture urbaine en utilisant les déchets alimentaires collectés pour les composter et faire pousser des fruits et légumes.
le soutien à l’innovation dans le secteur agroalimentaire en 2017-2018
PROTÉINES DU FUTUR, EMPREINTE ÉCOLOGIQUE MAÎTRISÉE
Avec la généralisation du modèle d’alimentation flexitariste, consistant à limiter sa consommation de viande et de poisson, les alternatives végétales suscitent un fort intérêt. Lauréat du Concours mondial de l’innovation (CMI) en 2015, le projet de la coopérative Tereos « GenVie» a conduit à la réalisation d’une usine pilote pour produire un “sauté végétal“ à base de protéines de blé et de pois chiches.
Hari&Co, également lauréat du CMI, propose désormais plusieurs gammes de préparations à base de légumineuses françaises et bio. Si les légumineuses sont riches en protéines, entre autres qualités nutritionnelles, leur digestibilité peut être un facteur limitant leur consommation. Pour y remédier, Nutrinat, en partenariat avec l’INRA, a développé un procédé de germination des légumineuses permettant de diminuer l’inconfort digestif et d’augmenter l’assimilabilité des nutriments.
Innovation de rupture, la viande cultivée est une viande développée à partir de cellules souches animales, en alternative à l’élevage et à l’abattage. Si cette technologie est prometteuse, elle nécessite encore quelques années de développement avant d’at-teindre nos assiettes. Supreme ambitionne de développer un foie gras à partir de cellules souches de canard.
Les protéines du futur concernent également l’alimentation animale, en alternative notamment au soja d’importation. Le projet Proleval, porté par la PME Valorex, les coopératives Dijon Céréales et Terrena ainsi que l’INRA, a pour objectif de dynamiser la filière des oléo-protéagineux français : féverole, lupin, pois et lin. Il a donné lieu à un site de production pilote afin de trans-former ces graines pour les rendre plus assimilables et nutritives pour les animaux.
Par ailleurs, la Commission Européenne a autorisé en 2017 l’usage des insectes dans l’alimentation aquacole, en vue de réduire la pêche minotière (i.e. petits poissons pêchés en grande quantité pour nourrir les poissons d’élevage). Dans ce contexte, des start-ups industrialisent leur production pour répondre à une forte demande mondiale, Ynsect a notamment réalisé une levée de fonds record dans cet objectif, suivie de près par Innovafeed.
nourriture pour poissons à base d’insectes, © Ynsect
Certaines microalgues sont également très riches en protéines. Afin d’optimiser leur production à grande échelle, Inalve, lauréat du CMI, a développé un procédé industriel de culture sur biofilm de microalgues destinées à l’alimentation animale et en particulier aquacole.
Le projet collaboratif Algolife, porté entre autres par Olmix et Diana Pet Food, vise la création d’une filière de macroalgues en Bretagne pour des applications dans l’alimentation des animaux d’élevage sans antibiotiques et dans l’alimentation-santé humaine. Il a permis d’identifier des molécules intéressantes, issues de macrolagues ayant le pouvoir de mo-difier le système immunitaire ou d’agir comme antioxydants.
VOUS SOUHAITEZ ENTRER EN CONTACT AVEC DES STARTUPS INNOVANTES ?
UNE ALIMENATION CIBLÉE POUR PRÉSERVER LA SANTÉ
La recherche sur les interactions entre les aliments et le microbiote (i.e. l’ensemble des micro-organismes vivant dans le corps) permet d’innover dans la production d’aliments fermentés traditionnels, comme le fromage, le pain ou le vin, et plus exotiques, comme le kombucha et le kéfir, des boissons fermentées. Ainsi, Olygose développe des prébiotiques (i.e. substances alimentaires favorisant la croissance du microbiote intestinal) à base de pois, en particulier pour la supplémentation du lait infantile. En partenariat avec l’unité Metagenopolis de l’INRA, Nahibu a développé un test d’analyse de la diversité du microbiote intestinal, à partir des selles et propose ainsi des conseils alimentaires pour améliorer le bien-être et la santé.
La réalisation de « fromages » végétaux par La Petite Fraw ou Les Nouveaux Affineurs (en partenariat avec l’INRA), a nécessité des travaux sur les procédés de fermentation pour aboutir à une nouvelle offre gastronomique et bio.
Dans le cadre de l’alimentation personnalisée et en particulier des séniors qui constituent un marché en forte croissance dans nos pays développés, le projet collaboratif Farine+ a permis à Nutrisens et Cerelab d’obtenir un remboursement par la sécurité sociale de leur pain brioché contre la dénutrition des personnes âgées, à l’issue de dix ans de recherche.
Pour l’autre versant de la vie, les bébés et les très jeunes enfants, Yooji facilite le quotidien des parents en mettant à leur disposition de la viande, du poisson, des fruits et des légumes surgelés bio, en petites portions faciles à préparer.
Max de Génie a développé des préparations pour gâteaux à faible index glycémique adaptées aux personnes diabétiques et plus généralement à tous les gourmands aspirant à une alimentation plaisir et santé.
des préparations gourmandes à faible index glycémique, © Max de Génie
LA FOODTECH AU SERVICE DE LA TRAÇABILITÉ
Les consommateurs sont extrêmement exigeants en informations fiables sur ce qu’ils consomment. Ils souhaitent connaitre l’origine, la composition et le type de production des aliments. La Blockchain est un moyen de gagner leur confiance et de faciliter la réactivité des acteurs de la chaîne alimentaire en cas de problème sanitaire.
Grâce à cette technologie, Connecting Food ou Tilkal proposent des services de traçabilité, qui permettent aux consommateurs d’avoir accès aux informations relatives à l’ensemble du cycle de vie des produits alimentaires. Avec le même objectif de transparence, le projet Num-Alim porté par l’ensemble de la filière alimentaire, vise la réalisation d’un catalogue numérique recensant tous les aliments disponibles sur le marché français, en vue de créer de nouveaux services pour les consommateurs.
Alkemics référence de nombreux produits sur une plateforme en ligne et facilite ainsi les échanges commerciaux des industriels avec la grande distribution. En effet, ce service permet de faciliter la gestion des fiches produits, qui contiennent toutes les caractéristiques nécessaires à la vente auprès des grandes surfaces.
Par ailleurs, pour réduire le gaspillage alimentaire, qui représente un tiers de la production alimentaire mondiale, Phenix met à disposition sa plateforme numérique et accompagne les enseignes de grande distribution afin que les produits comestibles ne soient plus jetés mais distribués aux en-seignes solidaires.
Pour le grand public, l’intelligence artificielle permet le développement de nouveaux services, comme l’association mets/vins avec l’application de Matcha ou le comptage des calories dans l’assiette avec celle de Foodvisor. Enfin, l’imprimante 3D trouve de nouvelles applications dans le secteur agroalimentaire, comme TriDi Foodies, qui conçoit des pièces uniques en sucre pour l’évènementiel.
DES PROCESS AGRO-INDUSTRIELLES EN MUTATION
L’usine du futur est automatisée pour augmenter la productivité, réduire la pénibilité des tâches et les risques sanitaires, respecter l’environnement en économie circulaire. Le projet DEFI Blé Dur, qui rassemble de manière exemplaire, tous les producteurs français de pâtes et couscous (Alpina Savoie, Heimburger, Panzani, Pastacorp et Tipiak Epicerie ainsi que deux concepteurs de solutions : Etia, Engie Cofely), vise l’amélioration des procédés pour réduire les consommations d’eau et d’énergie, le développement de nouveaux produits et la valorisation des co-produits. Il a donné lieu à l’inauguration en juillet 2019 d’une plateforme expérimentale à l’INRA de Montpellier, au bénéfice des entreprises de toute la filière.
Dans le grand Ouest, cinq start-ups (Energiency, Akajoule, Enerdigit, Entech et Nke-Watteco) ont mis en commun leurs compétences autour de la coentreprise Atlentic, pour développer une chaîne de valeur de technologies et de services dédiés à l’intelligence énergétique pour les industriels.
L’intelligence artificielle de Dataswati permet de prédire la qualité des procédés industriels et de maitriser les risques sanitaires, sans investissement coûteux. Dans ce même objectif, Novolyze propose des kits de germes modèles prêts à l’emploi, permettant de vérifier la sécurité microbiologique des procédés de production alimentaire.
Avec le soutien d’AgroParisTech, Biotraq aide les industriels à optimiser leur Supply Chain du froid en garantissant la qualité sanitaire des produits périssables et limitant ainsi leurs pertes, grâce à des capteurs connectés.
Responsable du secteur agro-alimentaire à la Direction de l’Innovation de Bpifrance, Ariane Voyatzakis est en charge d’animer l’ensemble des actions conduites par Bpifrance en matière d’innovation sur ce secteur. Elle instruit des projets dans le cadre de France 2030 et est responsable des relations avec l’écosystème dans son domaine.
One Response