Découvrez les tendances de l’innovation agricole et alimentaire
De la recherche à la structuration de filières, voici 56 projets soutenus en 2024 à hauteur de 115 millions d’euros dans le cadre de France 2030. L’objectif : investir dans une alimentation saine, durable et traçable.

Une publication proposée par Capucine Grandsir, Analyste technologies durables chez Bpifrance.
Digitalisation, Robotisation et transition énergétique des exploitations agricoles
L’agriculture numérique
Pour 77% des agriculteurs français interrogés dans le cadre de l’Observatoire de l’innovation agricole porté par La Ferme Digitale, les outils numériques et technologies digitales représentent une véritable opportunité d’améliorer la performance de leurs exploitations.
De nombreux services numériques se développent comme la plateforme conçue par Aquasys, en collaboration avec Meoss et des chercheurs publics. Cette solution associe la modélisation agronomique et hydrologique, l’intelligence artificielle et l’imagerie satellite pour indiquer à l’agriculteur précisément la dose d’eau nécessaire. D’autres services comme celui d’Hyperplan affinent les prévisions de récolte grâce à la donnée spatiale. Lorsque l’agriculteur souhaite renforcer la résilience de sa production, l’outil d’Assolia l’aide à optimiser ses rotations de cultures, augmentant ainsi le taux de matière organique dans les sols, réduisant la fréquence des traitements et favorisant la diversification.
Les agroéquipements
Dans cette même étude, plus de la moitié des agriculteurs interrogés pensent que la robotique pour les cultures et les élevages est un levier important d’amélioration de la rentabilité de leurs exploitations.
BigJo, robot 100 % électrique et autonome, conçu par Naïo Technologies, est par exemple capable de travailler les vignes larges en inter-rang. Seederal Technologies mise sur un tracteur électrique de 150 chevaux, tandis qu’Elatec teste un outil de désherbage intelligent, visant à réduire l’usage de produits phytosanitaires et la pénibilité du travail. Neofarm déploie à l’échelle industrielle un modèle de maraichage biologique combinant pratiques agroécologiques et solutions robotiques. Compliance Robotics, lauréat iLab 2024, développe un robot collaboratif et économe en ressources, capable de manipuler des objets fragiles en toute sécurité dans des secteurs variés comme l’agriculture, l’agroalimentaire ou la logistique. Enfin, Brad Technology et ses partenaires ont mis au point un capteur capable de mesurer en continu le carbone stocké dans le sol.
Conscients des enjeux liés au bien-être animal en élevage, Cooperl Innovation et ses partenaires ont développé des outils numériques pour prévenir les morsures de queue en élevage porcin et suivre la consommation des ressources. Pour la mise en œuvre de la mesure d’interdiction du broyage des poussins mâles, NT2I utilise l’imagerie couplée à l’IA pour améliorer la précision et la vitesse de l’ovosexage, atteignant 20 000 œufs par heure à un stade précoce.
La consommation énergétique
Avec 4,5 millions de tonnes équivalent pétrole par an, la consommation d’énergie finale de l’agriculture représente 3 % de la consommation totale d’énergie de la France (ADEME). Pourtant, ce secteur constitue également une source de production énergétique et de ressources encore sous-estimée.
Air Booster diminue par exemple le coût énergétique des séchoirs agricoles en récupérant la chaleur des bardages métalliques via des échangeurs aérothermiques puissants. Agripower France propose un micro-méthaniseur qui produit à la fois de l’énergie et des engrais minéraux pour l’autoconsommation. Quant à Methatoul et Arraincourt Biogaz, ils créent un réseau de capture et de purification du CO₂ issu de la méthanisation agricole, utilisable par les industries alimentaires ou pharmaceutiques.
Sous les serres agrivoltaïques à panneaux variables d’EnerVivo, les cultures bénéficient de systèmes de régulation thermique optimisés. Enfin, l’outil d’aide à la décision développé par Cybeletech et ses partenaires permet de réduire de 30 à 50 % la dépense énergétique en modulant le climat sous serre.
Biointrants et innovation variétale : vers une protection durable des cultures
Le Biocontrôle et les Biostimulants
Les pesticides de synthèse contribuent à la pollution de l’eau, de l’air et des sols, entraînant une contamination généralisée des écosystèmes. Une alternative envisageable réside dans le biocontrôle, qui utilise des organismes vivants ou de substances naturelles pour lutter contre les ravageurs.
M2i Development a par exemple développé un gel phéromonal à l’échelle industrielle pour protéger les cultures. Face à la pression des insectes, Cearitis – récemment racheté par Agriodor – déploie un piège push-pull qui libère les cultures fruitières des pesticides de synthèse. Pour protéger le blé, le soja et les pommes de terre, Eléphant Vert France propose une solution à base de mycosubtiline, une molécule fongicide naturellement sécrétée par la bactérie Bacillus subtilis. Immunrise Biocontrol développe également des solutions de biocontrôle mais issues de microalgues pour le traitement des semences.
Enfin, Mycophyto passe à l’échelle industrielle pour produire des biostimulants à base de mycorhizes, qui renforcent les racines. Les biostimulants sont à distinguer du biocontrôle car il s’agit d’agents naturels qui optimisent les fonctions physiologiques des plantes et ne protègent pas forcément les plantes des bioagresseurs.
Les fertilisants
Les fertilisants (ou engrais) de synthèse posent un double défi : réduire les émissions de gaz à effet de serre liées, d’une part, à leur production fortement dépendante du gaz naturel, et d’autre part, à leur utilisation dans les champs, qui génère du protoxyde d’azote. Ce gaz à effet de serre a un pouvoir réchauffant 270 fois supérieur à celui du CO₂ (Carbone 4).
Centeon, lauréat iLab 2024, développe ainsi une biotechnologie capable de produire des engrais à faible empreinte carbone directement à la ferme. A Loupiac, Toopi Organics construit une usine pour valoriser l’urine humaine en fertilisant plus de 600 000 hectares, évitant ainsi plus de 150 000 tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Enfin, Veragrow propose un thé de lombricompost oxygéné, qui réduit les besoins en engrais de synthèse.
La sélection variétale
La sélection de nouvelles variétés de plantes est complémentaire aux biointrants puisqu’elle améliore leur rendement, résistance aux malades et leur qualité nutritionnelle dans un contexte de changement climatique.
Agri-Obtention et ses partenaires travaillent, par exemple, à l’inscription de nouvelles variétés de vigne résistantes au mildiou et à l’oïdium, tout en développant un outil d’épidémiosurveillance. Cérience combine à la fois des gènes résistants et des stimulants naturels pour renforcer la vigne en conditions de stress.
Alternatives protéiques, lipidiques et nutrition de demain
Les protéines alternatives
Selon un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), la diversification des sources de protéines est aujourd’hui indispensable. Elle permet de réduire l’impact environnemental de l’élevage, responsable de 60 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture (INRAe), tout en garantissant une alimentation nutritionnellement équilibrée pour les consommateurs.
Dans ce sens, la Vie développe de nouvelles matrices par une méthode de texturation de protéines végétales et de réactivité à la cuisson pour la production d’alternatives à la viande de porc. Le groupe Bel, Protial, Lallemand et Avril, réunis autour du projet COCAGNE-G4, conçoivent des fromages alternatifs végétaux et fermentés ou affinés répondant aux défis nutritionnels et climatiques. Grâce à Nutropy, qui perfectionne son procédé de lait-fromageable hybride, et à Verley (ex-Bon Vivant), qui développe des caséines à faible impact, les protéines issues de la fermentation de précision — produites par des micro-organismes modifiés — se rapprochent du marché. Côté microalgues, Edonia mise sur un procédé qui transforme la biomasse algale en simili-viandes à haute densité protéique. Le projet ARSENE, porté par Terrena, Biolie, Idele, Inrae et Terres Inovia, construit une chaîne de lupin blanc 100 % française, de la semence à la protéine destinée à l’alimentation humaine, animale et à la cosmétique. Enfin, Wonderwomalt industrialise sont procédés d’upcycle de drêches de brasserie en farines riches en fibres et protéines.
Les lipides alternatifs
Essentiels au bon fonctionnement du cerveau et des cellules, les lipides peuvent, en excès, nuire à la santé. Leur origine, comme l’huile de palme, soulève aussi des enjeux majeurs de déforestation.
Very Food Company conçoit un beurre 100 % végétal pour la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie pour substituer les graisses animales sans sacrifier feuilletage ni goût. De son côté, Abolis industrialise une huile de palme produite par biologie de synthèse, localement sans déforestation et destinée aux applications agroalimentaires, cosmétiques et détergentes.
Le microbiote
Lorsque leur équilibre est perturbé, des milliards de micro-organismes composant le microbiote intestinal joueraient un rôle dans le développement de maladies métaboliques, comme le diabète et l’obésité (Inserm).
Le projet NUTRITIOUS, porté par Greencell, Limagrain Ingredients, Mondelez International et la recherche publique, valorise ainsi des co-produits de meunerie fermentés pour créer des biscuits riches en fibres, capables de moduler la glycémie. Grâce à des souches microbiennes ciblées, ces aliments nourrissent à la fois l’homme… et son microbiote.
Souveraineté alimentaire : relocalisation et renforcement des filières françaises
La balance commerciale agroalimentaire de la France est excédentaire (4,9 milliards d’euros en 2024), mais l’excédent recule et devient négatif vis-à-vis du reste de l’UE (Agreste). Les filières Fruits & Légumes et Pêche & Aquaculture sont par exemple déficitaires de plus de 50%. De plus, la France reste dépendante des tourteaux de soja sud-américains pour l’alimentation animale. Pour renforcer la souveraineté alimentaire française, les filières agricoles innovent et se structurent, tandis que les usines augmentent leurs capacités de production afin de sécuriser les débouchés pour les agriculteurs.
L’alimentation animale
Dans l’Ouest, Sanders Bretagne érige un pôle de trituration de tournesols ; l’huile et les tourteaux produits localement remplaceront les cargaisons importées. A Lezoux, Saipol modernise son unité de trituration de tournesol pour presser 33 % de graines supplémentaires, sécurisant ainsi les débouchés agricoles. Huddle Corp développe une production industrielle d’aliments encapsulés pour optimiser les performances nutritionnelles des animaux d’élevage. Enfin, Invers produit et transforme localement des protéines d’insectes pour les marchés du petfood et de l’aviculture et diversifie ainsi l’alimentation des animaux.
Les produits laitiers, viandes et poissons
Côté produits laitiers, Fairme a conçu le premier atelier entièrement autonome de transformation laitière directement à la ferme ; et la Fromagerie Monnin augmente sa capacité d’affinage pour des fromages AOP.
Côté viandes, la Quercynoise double sa capacité de transformation pour sécuriser les débouchés de la filière française de palmipèdes. Plainemaison Aquitaine, OPALIM et la recherche public construisent une filière de viande bovine supérieure d’un point de vue organoleptique et environnemental. Enfin le projet RESIGEN, porté par Sysaaf, l’IFIP Institut du Porc, l’Inserm, la Délégation Régionale Auvergne – Rhône Alpes et Landata Cobiporc, préservent la biodiversité génétique avicole et porcine française pour renforcer la résilience sanitaire des élevages.
Côtés aquaculture, en Normandie, BDV SAS et ses partenaires structurent une filière française de saumons respectueuse du bien-être animal, et Aqualande industrialise son procédé innovant de transformation de truites françaises. Enfin, Agriloops pousse le concept plus loin avec un système de production de gambas en aquaponie et milieu salé, en co-production avec des fruits et légumes.
Les féculents, fruits et légumes
Champart investit dans des outils industriels pour produire des produits frais, précuits et surgelés, sans additifs, à base de pommes de terre. Foodgrid reprend des légumeries-conserveries existantes, ou en crée des nouvelles localement pour restaurer le lien entre alimentation et territoire. En Guyane, Sodexo et ses partenaires dotent le territoire d’une cuisine-centrale capable de servir plus de 10 000 repas scolaires par jour valorisant la production locale de fruits et légumes. Au Peyron des Alpes installe une filière de poires françaises qui permet de se substituer aux importations.
Les fibres non-alimentaires
Côté fibres, Linfini rapatrie en France la filature d’un lin dont la culture mondiale est réalisée à 75% dans l’Hexagone, tandis que Teillage de Bretagne et ETS Devoge installent des lignes de teillage de lin et de chanvre qui redynamisent les bassins breton et francilien. À La Réunion, la Cartonnerie de la Réunion maintient la production d’emballages alimentaires pour limiter la dépendance de l’île aux importations.
4.5 Souveraineté alimentaire et transition agroécologique
La souveraineté alimentaire ne se fera pas sans maintenir les rendements agricoles dans un contexte de changement climatique.
C’est ainsi que le projet COVALO, porté par Pour une Agriculture du Vivant (PADV), Cavac, NatUp, Soufflet Agriculture, Terrena et Val de Gascogne, vise à accompagner 5 000 agriculteurs vers l’agroécologie d’ici 2027 en construisant des coalitions public-privé sur sept territoires pilotes, grâce à des outils de mesure partagés, un modèle économique incitatif et des gouvernances territoriales pour piloter la transition à grande échelle.
Ces avancées révèlent une agriculture française en transition, plus connectée, frugale en énergie, riche en bio-intrants… Ensemble, chercheurs, start-ups, agriculteurs et industriels transforment les défis climatiques, sanitaires et économiques en opportunités.
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