Comment structurer et lancer sa stratégie RSE ?

Partager sur

 

Pour des raisons aussi éthiques que stratégiques, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est devenue un sujet incontournable. Mais alors, comment passer de 0 (ou presque) à 1 en matière de RSE ? Comment amorcer des premières réflexions & actions autour de l’impact de son entreprise ?

Pour répondre à ces questions, Bpifrance a accueilli lors d’un événement Alexia Penent d’Izarn, VP Culture & Impact de l’entreprise ManoMano, Pascal Rialland, CEO de l’entreprise Balyo, et Erwan Castain, co-fondateur de Pimlica, agence spécialiste de la responsabilité d’entreprise et de l’adaptation au changement climatique.

Tous les 3 partagent leur retour d’expérience sur le démarrage de leur stratégie RSE, ainsi que les outils et les clés nécessaires à son décollage.

Retrouvez leurs verbatims.

 

Retour d’expérience ManoMano – par Alexia Penent d’Izarn, VP Culture & Impact :

« Les fondateurs ont toujours pris à cœur les sujets environnementaux. Le Covid a été un wake-up call pour eux. Ils se disaient : « on a fait des choses géniales sur le plan humain, mais pas grand-chose sur la planète »

Leur première idée a été de structurer une approche incluant un bilan et un plan. ManoMano était bon sur les sujets « people » : diversité et inclusion, santé et bien-être, solidarité…

Sur les sujets « planète », la priorité a été mise sur l’offre, en mettant en avant les produits mieux-disants, en aidant les consommateurs à faire leur choix… Or, 95% des produits sont fabriqués en Chine. Se pose donc la question de savoir comment travailler avec des produits qui soient en ligne avec nos ambitions « planète » ?

 

En 2020, les premières actions se sont traduites par la mise en place d’un comité trimestriel avec le top management – tout le monde n’était pas forcément convaincu au démarrage –, une présentation annuelle au conseil d’administration ainsi que l’allocation de ressources consolidées (budget & humain) dédiées à l’impact.

Puis, en 2021, est venue l’heure de la communication. Nous avions envie de nous exprimer, ce que nous avons fait via le dévoilement d’un rapport public expliquant qui nous sommes, ce que nous voulons faire et où nous voulons aller.
Cela nous a obligé à nous aligner et à nous recentrer, à nous donner envie d’aller plus loin dans la démarche, à nous engager dans cette ligne

Nous avons continué à engager le COMEX, pour que tous puissent prendre des décisions éclairées, en faisant venir des experts extérieurs et en recrutant pour se doter d’experts dans les différentes fonctions métiers, ce qui nous a amené à avoir 15 référents internes

 

Enfin, en 2022, cela nous a conduit à la redéfinition de notre mission. Nous avons procédé à l’écriture d’une mission d’entreprise déclinée en un cri de ralliement uniquement interne. Nous avons pivoté nos valeurs vers l’audace, l’ingéniosité, la responsabilité en les soutenant via de nouveaux piliers stratégiques, qui nous ont apportés des relais de croissance et de crédibilité.

Nous avons atterri sur une offre produit responsable, mis en place des actions pour l’innovation énergétique – nous avions un gros enjeu autour de la rénovation énergétique des bâtiments pour aider les consommateurs à avoir un parcours simplifié et intégré une logique d’économie circulaire (produits reconditionnés, réparés, repackagés).

Notre stratégie climat étant ambitieuse, nous avions besoin d’un vrai effort collectif de l’entreprise pour servir nos valeurs, fixer des objectifs de réduction carbone à horizon 2030, être alignés avec le standard SBTi – Science-based Targets Initiative – pour laquelle nous avons recruté une personne de l’Ademe afin de la porter, lancé un score carbone pour mesurer le positionnement d’un produit sur différents critères : extraction des matières premières, fabrication, distribution, utilisation, fin de vie…

 

Bref, nous avons créé un plan d’engagement interne fort pour changer les mentalités. D’ailleurs, lorsque nous avons annoncé nos ambitions, un mouvement de peur de la part des salariés s’est fait ressentir, car ils imaginaient que cela nécessite de changer complètement l’entreprise. Mais nous avons lancé une politique de formation avec pour objectif de former 100% des salariés à la fresque du climat ainsi que la mise en place d’une climate academy (1h obligatoire pour chaque salarié) afin de les embarquer, avec des résultats très positifs. »

 

ManoMano va afficher un "Carbon Score" sur son site - Entreprises - Ekopo.fr

 

 

Retour d’expérience de Balyo – par Pascal Rialland, CEO :

« Le sujet revenait souvent dans les discussions avec les investisseurs, d’autant qu’on est une entreprise cotée.

Ma conviction est que tout commence par une sincérité dans la démarche. En revanche, je ne savais pas par où démarrer : on m’a conseillé de regarder les ODD (Objectifs de Développement Durable) de l’ONU, afin de déterminer quels critères étaient les plus importants pour nous.

 

Nous avons donc commencé à travailler avec Erwan Castain de Pimlica sous différents angles incluant plusieurs workshops, pendant plusieurs mois, pour rassembler les équipes afin de hiérarchiser les enjeux les plus importants pour nous.

Nous avons pu identifier 6 sujets majeurs : Eco-conception, Achats durables, Logistique durable, Déplacements professionnels des salariés, Parité femmes/hommes, et Engagement des employés.

Nous avons ensuite posé pour chacun une ambition précise, c’est-à-dire définir la situation que l’on veut atteindre vis-à-vis de chaque thématique. Nous nous sommes par exemple rendu compte que 2 sujets représentaient la majeure partie de notre empreinte carbone : les déplacements en avion de nos ingénieurs / installateurs et nos achats d’acier.

Pimlica nous a aidé à définir nos objectifs sur ce problème :

  • Pour l’utilisation de l’avion : réaliser 80% de nos installations de robots à distance
  • Pour celle de l’acier : l’utilisation progressive d’aciers recyclés et ou bas-carbone permettant de réduire d’au moins 60% notre empreinte

 

D’un point de vue opérationnel, 3 initiatives sont clés chez Balyo :

  • Notre Comité impact : une équipe projet dédiée à laquelle j’appartiens qui se réunit chaque mois
  • La publication d’un rapport RSE annuel le plus transparent possible au sein duquel nous partageons le contenu de notre démarche, nos succès, nos éventuelles difficultés, etc.
  • Une motivation de chaque salarié grâce à un objectif dédié à la RSE dans le calcul de leur rémunération variable »

 

 

Présentation Pimlica : Comment amorcer sa démarche RSE ? – par Erwan Castain, co-fondateur :

« Pourquoi s’intéresser à la RSE ? Les réponses sont variées : pour des raisons éthiques évidemment, mais aussi pour répondre aux obligations réglementaires, aux attentes de parties prenantes variées (salariés, clients, investisseurs, banques, sociétés d’assurance…), pour appréhender et gérer des risques divers ou encore pour saisir des opportunités stratégiques et commerciales.

 

La première étape pour se lancer est la bonne compréhension de son empreinte environnementale et sociale en tant qu’entreprise et l’identification des différents enjeux spécifiques liés à cette situation.

Cette analyse peut suivre 3 consignes :

  1.  L’exhaustivité, en considérant l’ensemble des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) lors de cette étude
  2.  La globalité, en prenant en compte toute la chaîne de valeur de l’entreprise, autant amont qu’aval, dans l’évaluation de chaque thématique
  3.  La sélectivité, en retenant dans sa démarche les sujets véritablement prioritaires pour l’entreprise même si ceux-ci nécessitent un effort de long terme

 

Plusieurs outils gratuits peuvent aider à réaliser ce diagnostic à l’image du questionnaire d’auto-évaluation de la certification B Corp ou du référentiel Impact Score. En complément, des recherches externes sont fortement recommandées pour comprendre certains sujets techniques et analyser l’état de l’art. Elles peuvent être menées à partir de sources variées : les publications de l’Ademe, celles de think tanks, d’organisations internationales et d’ONG, les contenus de médias spécialisés, de cabinets de conseil ou encore les données partagées par des entreprises de votre secteur dans leur rapport RSE annuel.

 

Une fois la situation et les enjeux de l’entreprise clairement définis, le passage à l’action nécessite de suivre quelques règles :

  • En matière de gouvernance, l’implication active de la direction est incontournable pour maintenir dans le temps l’engagement de l’entreprise et de ses salariés
  • En matière d’échéances, une première feuille de route RSE peut se concentrer sur un horizon temporel de 12 à 18 mois visant lancer les premiers efforts l’entreprise
  • Enfin, le contenu de la feuille de route RSE de l’entreprise associera aux 6 à 10 principaux enjeux ESG clés identifiés une ou plusieurs actions, un ou plusieurs objectifs qualitatifs ou quantitatifs, et un ou plusieurs indicateurs de mesure permettant de suivre les progrès de l’entreprise dans le temps.

 

Pour qu’il soit le plus pertinent possible, le contenu de cette feuille de route sera directement lié au fonctionnement opérationnel de l’entreprise et à ses enjeux stratégiques. En irriguant toutes les fonctions de l’entreprise, la RSE devient un sujet naturellement pris en compte par les salariés au sein de leur périmètre. Cette approche permet d’éviter d’aborder la RSE comme un sujet « hors-sol » avec le risque de green washing qui en découle.

Le recours à une agence de conseil n’est pas obligatoire, notamment pour les entreprises dont l’empreinte environnementale et sociale est faible. Il permet cependant de mener un état des lieux exhaustif et d’apporter aux enjeux ESG identifiés les réponses les plus appropriées possible.

 

Pour faire vivre une démarche de responsabilité d’entreprise, quelques principes peuvent à nouveau être suivis :

  • La transparence : c’est la clé de la crédibilité. Si une entreprise a efficacement identifié ses enjeux ESG et s’est dotée d’une feuille de route crédible alors elle peut communiquer sans prendre de risque. Rencontrer des difficultés lors de l’exécution de ses différentes actions est normal ; cela ne pourra pas être reproché à une entreprise honnêtement engagée
  • La mise à jour régulière de sa feuille de route tous les 6 à 8 mois pour préciser ou ajuster son action si nécessaire
  • La collaboration entre entreprises au sein d’une même chaîne de valeur ; les enjeux ESG d’une société sont souvent également ceux de ses fournisseurs. Partager certains efforts est un vecteur d’efficacité sans commune mesure
  • L’amélioration permanente, en particulier par le biais de la montée en compétences des salariés. Celle-ci peut s’effectuer grâce à des formations dédiées aux enjeux ESG de l’entreprise
  • La valorisation de sa démarche par le biais d’une communication adaptée :
    • A fréquence régulière et sous forme de bilan d’activité
    • De la façon la plus humble possible
    • Reposant idéalement sur des validations indépendantes : labels, certifications, référentiels, etc.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *