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La chimie apparaît en première ligne des secteurs économiques qui devraient bénéficier le plus de la puissance de calcul de l’informatique quantique. Bonne nouvelle : investisseurs et startups français sont déjà à l’action pour faire rimer chimique et quantique.
“Pour la chimie, le champ des possibles offert par l’informatique quantique est immense. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer les procédés actuels, mais aussi d’inventer de nouveaux matériaux. Nous allons vivre un véritable point de rupture.” Partner chez Quantonation, Olivier Tonneau n’est pas du genre à cacher son enthousiasme quand il s’agit d’imaginer les futures liaisons heureuses entre chimie et informatique quantique. Un domaine qu’il connaît bien puisque le fonds d’investissement qu’il pilote – et qui compte notamment BASF parmi ses investisseurs importants – a déjà investi dans plusieurs startups françaises du quantique comme Quandela et Pasqal.
Même enthousiasme chez Pierre Desjardins, fondateur de C12. Avec ses équipes, il développe un processeur quantique à base de nanotubes de carbone. Une technologie qui intéresse différents acteurs de la chimie. “Depuis des décennies, les industriels utilisent les ordinateurs pour essayer de simuler le comportement de la nature Malheureusement les puissances de calcul actuelles sont trop limitées pour prendre en compte l’ensemble des espaces actifs qui se jouent dans les réactions chimiques. Grâce à sa capacité à proposer une superposition d’état, l’ordinateur quantique va permettre de réduire cette approximation. L’enjeu n’est pas forcément d’aller plus vite, il s’agit surtout d’être plus précis.” Une rupture d’ailleurs annoncée dès les années 1980 par le physicien Richard Feynman (USA) à travers une prophétie célèbre : “la nature n’est pas classique (..) si vous voulez simuler la nature, il faudra bien utiliser la mécanique quantique.”
Des applicatifs sur le point d’émerger
Depuis plus d’un un, il semblerait d’ailleurs que les grands industriels de la chimie aient bien saisi l’apport à venir du quantique pour leurs métiers. Il suffit pour cela de jeter un œil aux actualités récentes du secteur. Citons ici l’investissement du fonds BASF Venture Capital dans la start-up Zapata Computing, le partenariat entre le géant hollandais des peintures AkzoNobel et Microsoft ou encore l’étude du Boston Consulting Groupe démontrant l’apport du calcul quantique pour la conception de nouveaux matériaux capables de capturer le CO2. “Bien sûr nous n’allons pas nous réveiller, du jour au lendemain, dans un monde où le quantique sera omniprésent. Mais le sujet est porteur et mérite l’attention des grands industriels, prévient Pierre Desjardins. En pratique, le quantique devrait s’imposer dans la chimie par étape. Les premières applications seront certainement basées sur des algorithmes hybrides, intégrant du calcul quantique et classique. Les premiers tests utilisant cette technologie devraient voir le jour en 2024 et les premiers produits en 2025.” Du côté de la startup Pasqal, on estime que les premières applications de l’informatique quantique pour la chimie seront possibles quand les ordinateurs atteindront une puissance de calcul de 500 qubits contre 200 actuellement. D’ici 24 mois, la société francilienne espère atteindre 1000 qubits.
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Qubit Pharmaceuticals calcule les molécules de demain
Parmi tous les sous-domaines de la chimie, l’industrie pharmaceutique est particulièrement sensible à l’intégration de l’informatique quantique dans ses procédés. C’est précisément la spécialité de Qubit Pharmaceuticals. Fondée en 2021, cette startup française – basée à Paris et Boston – a levé 16 millions d’euros en juin 2022 pour soutenir sa croissance et passer d’une vingtaine de personnes aujourd’hui à une soixantaine fin 2023. Son projet ? Simuler l’interaction de molécules – grâce au quantique – pour découvrir les médicaments de demain. “Notre rôle consiste à identifier de nouvelles molécules puis de les vendre aux laboratoires pharmaceutiques. Autrement dit : nous générons de la propriété intellectuelle. Dans certains cas, nous travaillons aussi sur des programmes conjoints de recherche de médicaments” explique Robert Marino, CEO de Qubit-pharmaceuticals.
Pour mener à bien sa mission, la startup a priorisé des pathologies pour lesquelles elle dispose d’expertise en interne. Ses recherches portent ainsi principalement sur le cancer, les maladies inflammatoires et les virus. “Grâce à l’informatique quantique, nous pensons pouvoir découvrir plus rapidement de nouveaux candidats médicaments tout en diminuant les coûts. Je pense que nous serons également capables d’êtres plus créatifs en étant capable de tester des molécules qui n’existent pas dans le monde réel aujourd’hui. C’est une perspective très stimulante”. Si les ordinateurs quantiques auront besoin d’encore un peu de temps avant de donner naissance à leurs premières particules, l’enthousiasme des acteurs est lui déjà incontestablement partagé.
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