Xavier Lavayssière, chercheur sur les protocoles blockchain et la régulation associée à cette nouvelle technologie, nous livre son point de vue technique sur la blockchain.
Qu’est ce que la Blockchain et les protocoles associés ?
Réseau paire à paire (“peer to peer”), la blockchain est une technologie dont les principes sont décrits pour la première fois vers la fin du XXe siècle et formalisée à partir de 2009 avec la création du Bitcoin. Une blockchain désigne un protocole informatique permettant d’établir un registre de transactions horodatées, organisé sous la forme d’une chaîne de blocs, par consensus au sein d’un réseau sans confiance préalable entre les acteurs. (cf. Smart Contracts : études de cas et analyses juridiques)
On distingue 3 types populaires de blockchain :
- la blockchain sans permission/publique (aucune autorité centrale ne contrôle l’accès en lecture et en écriture à l’information), exemples: Bitcoin, Ethereum, Dash…
- la blockchain à consortium (ici, des groupes de décideurs sont choisis pour vérifier le partage d’informations – institution, gouvernement, employés… À l’opposé des blockchains publiques, personne, excepté ces décideurs, ne peut vérifier les transactions de données – la donnée peut tout de même être rendue publique), exemples : R3 (banques), EWF (énergie), B3i (assurance)…
la blockchain privée à permission (principe similaire au précédent – cependant, toute information est indisponible au public et gardée), exemples: Monax, Multichain…
Comment fonctionne la blockchain ? L’exemple du Bitcoin
Tout le principe du Bitcoin est de créer un système de monnaie décentralisée. Il ne doit pas y avoir de serveur central. Il utilise donc la blockchain (et son principe du peer to peer) pour échanger des fichiers entre ordinateurs sans autorité centrale (ici les banques) : les ordinateurs s’accordent entre eux grâce à l’algorithme du Bitcoin. Chaque ordinateur qui possède une copie de la blockchain est appelé un “nœud” du réseau.
FICHE BLOCKCHAIN
La blockchain, comment ça fonctionne ? Quelles applications ? Par We Design Tomorrow.
Il existe 2 principes généraux pour comprendre le fonctionnement de la blockchain :
- le concept de clé publique/clé privée : la clé privée (gardée secrète par son propriétaire) lui permet de signer une transaction tandis que la clé publique (disponible à tous) permet de s’assurer de l’authenticité de la personne à l’origine de cette transaction. Aussi cette clé publique permet de vérifier la signature d’un message sans pour autant pouvoir simuler cette signature.
- les fonctions de Hash : fonction particulière qui, à partir d’une donnée fournie, crée une empreinte (suite de caractères) unique servant à identifier la donnée initiale. S’il y a une modification de la donnée de départ, le hash est totalement différent. Une propriété importante de ces fonctions, c’est qu’elles sont à sens unique : on ne peut pas prendre un hash pour retrouver la donnée initiale.
Le protocole de transaction associé à ce type de réseau fonctionne de la même manière qu’une transaction bancaire classique et contient les mêmes informations :
- le montant à envoyer
- à qui on veut l’envoyer
- la signature de l’envoyeur via le système de clé privée/clé publique permettant de crypter et d’authentifier l’envoi
Dans un réseau blockchain, de nombreuses transactions se font simultanément. Ainsi, plusieurs transactions sont regroupées dans un block. En moyenne, un bloc contient toutes les transactions faites lors des 10 dernières minutes.
Avant d’arriver à son destinataire, la transaction va passer par les nœuds du réseau. Ces nœuds vont vérifier que la transaction est bien valide puis la passer au suivant. Parmi ces nœuds, certains sont appelés mineurs et ont un rôle de vérification de block. Selon les types de blockchain, les techniques de validation sont différentes. Pour le bitcoin, on parle de “Proof-of-Work” (preuve de travail) qui consiste en la résolution de problèmes algorithmiques (où il faut tester des fonctions de hash). Ces problèmes mathématiques sont difficiles à résoudre et leur résolution est la preuve de l’effort du mineur C’est grâce à ce principe que la blockchain peut se passer d’autorité centrale validant les transactions.
Une fois le bloc horodaté et validé, il est ajouté à la chaîne de blocs. Cette chaîne permet de relier tous les blocs depuis la création de la blockchain et ainsi de les authentifier. La transaction de départ est alors visible pour le destinataire ainsi que l’ensemble du réseau.
D’autres protocoles blockchain que le Bitcoin existent. Par exemple, on peut observer les protocoles généralistes Ethereum et Hyperledger. Ethereum semble moins robuste en termes de technologie de paiement que le Bitcoin mais le système est suffisamment souple pour être appliqué à de nombreux autres cas d’usage. L’Hyperledger est un système de Blockchain plutôt taillé pour les entreprises où le principe de décentralisation est moins important. L’idée,
ici, est d’avoir des personnes qui vont décider pour un groupe (comme en entreprise) tout en rendant disponible une information authentifiable.
On peut classer l’utilisation de la blockchain en trois catégories :
- le transfert d’actifs (utilisation monétaire, titres, votes…)
- l’ancrage (ou notariat) : assurer une meilleure traçabilité des produits et des actifs grâce aux fonctions de hash (laisser une trace d’un document).
- les smart contracts : il s’agit de programmes autonomes qui exécutent automatiquement des transactions, sans nécessiter d’intervention humaine, une fois démarrés. Par exemple, il est possible d’utiliser ce principe pour donner des droits d’accès à une personne (ayant signé le smart contract défini) pour qu’elle puisse accéder à de la donnée “secrète” que je possède.
Quels enjeux pour demain ?
Aujourd’hui, la blockchain révolutionne de manière profonde et rapide les usages autour de la donnée. La décentralisation du pouvoir décisionnel permet de repenser de nombreuses infrastructures privées ou publiques.
Quels rôles et quelles positions vont-elles devoir adopter ? Quel type de gouvernance doit encadrer cette technologie et ces usages ?
De plus, de nombreuses questions de sécurité de la donnée se posent. Le risque 0 n’existe pas. Dans ce cas, à quel point la blockchain est-elle fiable ? Quels cas d’usage sont les plus vulnérables ?
Prenons un exemple : théoriquement, en possédant les codes d’accès d’une personne, il m’est possible d’usurper son identité virtuelle et de l’utiliser à son insu dans la blockchain. Ainsi comment vérifier l’identité physique d’une personne inscrivant des informations dans la blockchain ? Avec quels moyens ? Qui s’en porte garant ?
D’autres exemples peuvent être cités tant la blockchain offre de nouvelles possibilités soulevant de nouvelles questions.
Ce qu’il faut retenir dans les propos de Xavier Lavayssière :
- La blockchain décentralise les prises de décisions : les ordinateurs du réseau s’accordent entre eux grâce à des algorithmes.
- La blockchain amène de nouveaux cas d’usage en dehors de la finance (médical, agroalimentaire, énergie, immobilier…)
- 3 cas d’usages à la Blockchain :
- le transfert d’actifs
- l’ancrage de la donnée
- les smart contracts
- Une question essentielle se pose : quel changement de gouvernance va engendrer la blockchain ?
Ce contenu est issu de l’exploration We Design Tomorrow Blockchain & Données Patients qui réunit de multiples acteurs de la filière santé pour concevoir et fédérer les usages des données de santé de demain, à travers les différents prismes actionnables dont la technologie de la blockchain. Cette exploration se concluera par la publication d’un rapport et une conférence de restitution qui aura lieu courant novembre. Bpifrance Le Hub est partenaire de ce projet aux côtés de :
Consultant Innovation et Design chez We Design Services, Nicholas Henderson est biologiste, designer et entrepreneur. Passionné de sciences et fort d’une expertise en Design Thinking, il accompagne les acteurs des industries de pointe dans leur transformation.
2 Responses
Merci beaucoup. Je comprends mieux maintenant.