Interview croisée du CPO et CTO de Mayday – Comment créer une bonne collaboration entre les équipes produit et tech ?
Dans cet article, Hugo, CTO (Chief Technology Officer) de Mayday, et Benjamin, CPO (Chief Product Officer) de Mayday, dévoilent les secrets d'une collaboration réussie pour créer la meilleure expérience client possible.

Venant de deux mondes qu’on a l’habitude d’opposer, Hugo ayant fait l’X et Benjamin, HEC, ils ont pourtant trouvé un terrain d’entente qui aujourd’hui fait la force de Mayday. D’un côté Benjamin a toujours été ouvert à la tech, il s’est même formé au code sur des plateformes en ligne, de l’autre, Hugo, curieux de nature s’est déjà intéressé à comment construire un business plan ou encore développer une bonne stratégie de Go to Market. Ils se décrivent aujourd’hui un peu comme le ying et le yang étant un CPO avec un vernis tech et un CTO avec une fibre business, ce qui leur permet de mettre leur force au profit de l’expérience utilisateur et de la qualité de leur produit. C’est ce qu’ils nous partagent ici.
La naissance de Mayday : un cas d’école
Hugo, Benjamin et leur troisième associé Damien se rencontrent lors du programme d’entrepreneurs monté par X et HEC. Ils partent alors étudier 6 mois à Berkeley où ils évoluent dans le monde de la Silicon Valley et côtoient les ingénieurs à l’origine de grandes innovations tech, comme Chat GPT.
Dans le cadre de leur programme, ils doivent créer une véritable entreprise et pour le faire ils se lancent dans un véritable travail de customer discovery, en contactant des cadres dans la relation client afin de mieux comprendre leurs problématiques, un travail qui leur fera gagner beaucoup de temps, car ils trouvent leur market fit rapidement.
Étant très ouverts et à l’écoute, ils peaufinent petit à petit leur projet et abandonnent leur idée initiale pour lancer Mayday, un outil de gestion centralisée de la connaissance client en entreprise. Rapidement, voit le jour second produit, une base de connaissance selfcare omnicanal, suivi d’une knowledge platform qui marque l’avancée de Mayday dans la formation. Trois produits en trois ans, et si le succès reposait sur le fonctionnement du binôme tech et produit dont ils nous livrent le secret dans cet article ?
Le compromis au coeur de l’entente tech et produit
-
Faire chacun un pas de côté
Pour Benjamin et Hugo, une gestion quotidienne des compromis est essentielle pour concilier vision produit ambitieuse et rapidité d’exécution. Et pour ça, Hugo, CTO, est prêt à faire des compromis sur certains aspects « State of the Art » afin de tester rapidement la valeur, permettre au produit d’évoluer vite et de garder des cycles d’itération courts. De son côté, Benjamin, CPO, est à même de faire des concessions sur la roadmap, pour capitaliser sur une stack technique qui reste attractive pour le recrutement, robuste à l’échelle, et capable de supporter une base utilisateurs qui, aujourd’hui, dépasse les 50 000 utilisateurs mensuels actifs. Finalement, résume Benjamin, « ce qui fait notre force, c’est ce respect réciproque : on comprend les contraintes et les priorités de l’autre, et on ne cherche pas à mettre les nôtres en avant à tout prix ».
-
Effacer la dualité entre tech et produit
Dans les entreprises il est fréquent d’entendre, des remarques du type : « la roadmap est trop chargée », côté tech, ou « le développement ne va pas assez vite », côté produit. Chez Mayday, précise Benjamin, « on met un point d’honneur à ne pas entretenir cette dualité entre produit et tech — au contraire, on cherche en permanence à la désamorcer ».
Quand un développeur dit « la roadmap est trop chargée », chez Mayday la vision ou la valeur n’est pas remise en cause. Le questionnement va plutôt porter sur la manière dont cette valeur est matérialisée : est-ce que les spécifications sont trop ambitieuses ? Est-ce que le design est trop complexe ? Est-ce que le découpage en MVP, V1, V2 est le bon ? Et de la même façon, si un PM (Product Manager) pense que « le développement n’avance pas assez vite », Hugo a toujours l’intelligence d’analyser la situation avec pragmatisme : est-ce un vrai problème de vélocité, ou bien une spécification qui est floue, une mauvaise compréhension, un besoin mal formulé en amont ?
-
Garder la balance entre ambition produit, faisabilité technique et valeur finale pour l’utilisateur
Il arrive régulièrement que des développeurs fassent remonter que certains designs sont assez complexes ou assez techniques ou pas adaptés à l’expérience utilisateurs Mayday. Dans ces cas-là, Hugo et Benjamin prennent toujours le temps d’en discuter pour trouver un équilibre. “Notre vision, c’est que la complexité technique d’une fonctionnalité ne doit jamais être disproportionnée par rapport à la valeur qu’elle apporte réellement à l’utilisateur” résume Hugo. Certaines User Story peuvent alors être enlevées pour alléger un sprint tout en veillant à conserver la valeur livrée.
C’est le pragmatisme qui prime : parfois, faire un pas de côté sur la roadmap permet à l’équipe tech de gagner du temps pour optimiser la codebase, améliorer la stabilité ou renforcer l’infrastructure. Et inversement, lorsqu’il y a une urgence côté client ou un impératif fort, la tech peut aussi faire preuve de souplesse pour prioriser une livraison rapide, quitte à prendre un peu de dette technique, tant que celle-ci est assumée et planifiée. L’enjeu, c’est toujours de garder la bonne balance entre ambition produit, faisabilité technique, et pertinence pour l’utilisateur final.
Le pragmatisme : une valeur clé dans les équipes Mayday
-
Prendre le chemin le plus court
Le second ingrédient pour que la collaboration CPO/CTO fonctionne, c’est le pragmatisme que chacun amène à son niveau. Avant même de confronter leurs idées, chacun fait un premier niveau de filtre en se demandant ce qui est vraiment pertinent ou ce qui apporte de la valeur, et ce qui peut être mis de côté, cette approche les pousse à rester focalisés sur les vraies priorités, que ce soit à l’échelle d’un sprint ou de la roadmap annuelle. Hugo le résume ainsi “ Le pragmatisme nous aide à couper les branches superflues, à ne pas nous disperser, et à nous concentrer sur ce qui apporte vraiment de la valeur. »
Et plus l’entreprise grandit — aujourd’hui avec trois PM, plusieurs tech lead, une organisation qui se structure — plus c’est un point auquel Benjamin et Hugo font attention. « On s’est rendus compte que le pragmatisme pouvait parfois s’effacer au profit d’une vision produit trop complète, trop ambitieuse, qui génère des sprints surchargés et des fonctionnalités trop complexes» témoigne Hugo, “on a donc dû rappeler plusieurs fois que ce qui compte, c’est la valeur finale livrée et qu’il faut remettre du pragmatisme dans nos approches ».
-
Toujours garder le cap
« Nous avons défini notre vision très tôt, et nous y revenons constamment quand il faut prendre une décision », explique Benjamin. « C’est particulièrement important dans le monde du SaaS B2B, où il est facile de se laisser embarquer par les demandes spécifiques des clients », ajoute Hugo.
Cette clarté de vision leur a permis d’éviter bien des écueils. Pour bien travailler avec des clients entreprise, il faut toujours s’assurer d’être aligné avec sa vision produit et au début avec les premiers clients la tentation est grande de dire oui à tout. De même, il est facile de se faire happer par un appel d’offres et vouloir développer une fonctionnalité sur mesure juste pour le remporter. Parfois, ils ne développent pas exactement ce que le client demande : ils prennent du recul et conçoivent une fonctionnalité qui répondra à ce besoin, mais aussi à ceux d’autres clients.
Leur conseil, c’est de toujours revenir à la vision d’entreprise pour ne pas tomber dans le piège du spécifique et se perdre en route.
-
Contracter de la dette technique, à condition de la piloter
Toutes les start-up qui débutent ont recours à la dette technique, car elle permet de tester des hypothèses, d’itérer sur le produit, et d’aller chercher le product-market fit sans attendre d’avoir un produit parfaitement abouti. Or, c’est comme une dette financière : c’est un levier pour aller plus vite à un instant t, comme c’est le cas avec un emprunt financier, qui permet d’investir sans attendre.
Il faut donc y souscrire consciemment, rappelle Hugo. “C’est important de ne pas l’enterrer sous un tapis, mais de la piloter : dès qu’on la contracte, il faut avoir un plan de remboursement en tête”, résume-t-il. Chez Mayday, cette approche a porté ses fruits, car toute la dette accumulée lors des deux premières années de construction a quasiment disparu après cinq ans de produit, se félicite Hugo, et si demain, le besoin se présente, aucun problème pour en reprendre si c’est pour apporter de la valeur au client et avec un échéancier de remboursement en tête.
Engager les équipes grâce à la culture d’entreprise
-
Travailler sur la vision pour donner le cap
Le travail autour des OKR (Objectives and Key Results) permet de donner du sens aux actions quotidiennes des équipes. Chaque objectif défini par une squad est directement relié à un objectif produit, lui-même connecté à un objectif corporate. L’ensemble converge vers la North Star de Mayday : la croissance du revenu récurrent annuel (ARR).
« Cela permet d’expliquer et de concrétiser la stratégie de l’entreprise. On montre à chacun comment il ou elle peut avoir un impact à travers une fonctionnalité, une décision ou une action précise », explique Benjamin. Il rappelle que cette vision doit être partagée, communiquée et surtout répétée. Hugo complète : « Dire aux équipes qu’on vise un, deux ou trois millions d’ARR ne suffit pas. Il faut qu’elles comprennent comment cela se traduit dans leur quotidien. »
Les OKR offrent ce lien concret entre la stratégie globale et le travail de terrain. Ils permettent aux équipes de comprendre comment ce qu’elles conçoivent ou développent contribue aux objectifs de l’entreprise. Et surtout, ils les amènent à se poser la question essentielle : est-ce qu’on travaille sur la bonne chose ? est-ce que c’est vraiment pertinent ?
-
Promouvoir le partage et la collaboration
Benjamin et Hugo sont très proches de leurs PM et Tech Leads (TL), quand il y a un désaccord ils se mettent à quatre dans une salle et discutent, et cette proximité, ce respect mutuel, se répercutent naturellement dans les équipes, un peu par mimétisme, ce qui crée une très bonne culture. “Il y a une bonne ambiance chez Mayday en grande partie parce qu“en haut”, entre Ben, Damien et moi, il y a une vraie entente, de l’amitié et beaucoup de camaraderie” souligne Hugo.
La conséquence directe, c’est que bien qu’elles aient le droit à 2 jours de télétravail par semaine, les équipes ne les prennent pas et sont contentes de venir au bureau. Résultat : une équipe tech extrêmement engagée, avec un très faible taux de turnover et très motrice dans l’entreprise.
La collaboration tech et produit à l’épreuve de l’IA
« Toutes les méthodologies classiques de delivery produit ne fonctionnent plus avec l’IA. Rien que les tests d’acceptance : comment teste-t-on un prompt ? Ça soulève énormément de nouvelles questions », explique Hugo. C’est comme ça qu’au début de la dette technique a été accumulée chez Mayday, car le design system de demain lié à la Gen IA n’a pas été suffisamment pris en compte, et de toutes façons il a bien évolué depuis. S’adapter aux standards qui émergent sur le marché est un vrai défi et il faut prendre le temps d’y réfléchir spécifiquement.
Face aux défis posés par l’IA, la seule façon de bien avancer ensemble, c’est de revenir aux fondamentaux. Bien sûr, il y a des quick wins à aller chercher, mais chez Mayday, la valeur client reste au centre de toutes les décisions. Or, ces fonctionnalités réellement utiles prennent plus de temps à concevoir et à développer.
C’est dans cette logique que l’équipe Brain, en charge de la R&D, va tripler de taille dans les mois à venir. L’objectif : aller chercher de la vraie valeur sur les cas d’usage spécifiques à Mayday, en gardant toujours la même boussole : mettre l’IA au service de l’utilisateur, jamais l’inverse
Le mot de la fin
Vous l’avez compris, pour avoir une bonne collaboration entre tech et produit, il faut bien définir sa vision produit pour garder le cap, préférer les compromis et le pragmatisme à la dualité (tech et produit sont là pour s’entraider) et passer du temps afin de créer une bonne culture et définir des objectifs qui parlent à tout le monde. Et cette dynamique ne peut exister sans une réelle capacité à se remettre en question — une qualité clé chez les entrepreneurs.
Il ne fait aucun doute que cette entente permettra à Mayday d’atteindre rapidement son objectif de devenir le leader européen du secteur. Nous leur souhaitons plein succès dans cette belle aventure.
Le Hub