La Civic Tech réinvente la démocratie participative

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Imaginer une ville plus collaborative, fluidifier les relations entre les usagers et les services publics, impliquer les citoyens dans la création des lois et les projets de proximité… la démocratie participative a de beaux jours devant elle : le numérique permet d’inclure dans la participation à la vie publique une population plus large, plus rapidement, à moindre coût et de favoriser « l’intelligence collective ». Pour parler de cette opportunité, on emploie souvent le terme de « Civic Tech », enjeu au cœur du projet stratégique porté par le groupe Caisse des Dépôts en faveur d’une smart city d’intérêt général.

La Civic Tech a notamment pris son envol médiatique en France avec les élections en 2017, primaires, présidentielle et législatives. On a ainsi vu émerger des initiatives comme Voxe.org le comparateur de programmes politiques. Cette période a surtout permis de fertiliser un mouvement de fond visant à promouvoir une nouvelle forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique.

La Civic Tech désigne ainsi l’ensemble des technologies qui ont pour objectif d’affermir le lien démocratique entre les citoyens, le service public et le gouvernement et d’accroître le pouvoir de la société civile. Ces initiatives permettent de rendre l’action publique plus transparente et accessible.

A la fois engagement de l’Etat, élan citoyen et opportunités de développement économique

Dès 2014, la France s’était engagée à favoriser une « action publique transparente et collaborative » en participant à l’OGP (Open Government Partnership). La loi de 2016 pour une République Numérique porte les engagements de l’Etat à ouvrir notamment ses données et celles des collectivités : on parle alors d’Open Data. La transparence de l’action publique est en effet le socle de toute démarche participative. OpenDataSoft, leader français et européen de l’open data, intervient largement auprès du secteur public pour permettre le partage de ces données publiques.

Des initiatives citoyennes et des startups ont vu le jour à la fois pour améliorer le quotidien de l’habitant-usager principalement à l’échelle locale, mais aussi à un niveau plus national, européen ou international, pour développer l’impact du citoyen sur la société et les décisions politiques.

Concernant l’habitant-usager, Spallian, spécialiste de la collecte et de la gestion de big data produite notamment par les habitants, propose aux collectivités des outils spécifiques : TellMyCity, l’une de leurs solutions logicielles, permet aux habitants d’une commune de signaler un problème (sur la voirie, concernant un service public de proximité,…), féliciter une initiative ou suggérer une idée. Elle permet également aux mairies de communiquer plus directement avec leurs citoyens, via une application smartphone clé-en-main. Une soixantaine de municipalités l’utilise aujourd’hui. Transparence et collaboration sont les maîtres mots des services numériques aux usagers, s’incarnant également dans des cartographies collaboratives ou du crowdsourcing (données produites ou coproduites par les usagers) ou des réseaux sociaux d’habitants. Développer la collaboration entre tous les acteurs de la société, sur des sujets d’intérêt général comme les transitions énergétiques, environnementales et sociétales, est également l’une des voies de la Civic Tech. La société Egis, une filiale de la Caisse des Dépôts, incube « Tàn » une plateforme au service des citoyens pour évaluer leur empreinte carbone et donner des conseils concrets et simples pour la diminuer. Le modèle prévoit d’impliquer collectivités et entreprises pour atteindre une cible plus large.

Sur le plan de la participation des citoyens à l’action politique, l’association Démocratie ouverte est un collectif citoyen indépendant qui fait la promotion de toutes les initiatives de « transition démocratique ». Démocratie Ouverte a créé un incubateur d’innovations démocratiques. Au-delà de cette sensibilisation, quelques startups proposent des offres. C’est par exemple le cas de Cap Collectif, « plateforme d’intelligence collective » regroupant de multiples services d’interactions entre les collectivités et les citoyens (consultations publiques, budgets participatifs, co-construction de projets urbains,…). A partir de cet outil, Rennes a développé La Fabrique Citoyenne regroupant toutes ses initiatives participatives : la population peut ainsi contribuer à la définition du budget municipal ou à la promotion de nouveaux projets pour la jeunesse ou le sport. La plateforme Cap Collectif avait déjà « propulsé » en 2016 la « concertation en ligne pour coécrire le projet de loi pour une République numérique ». Plus de 20 000 contributeurs avaient participé à cette démarche d’Open Law. Le nom de la nouvelle région Occitanie est le fruit d’une grande consultation réalisée en 2016 ayant mobilisé plus de 200 000 participants.

Dans le quartier de Bouchayer-Viallet dans la Métropole de Grenoble, un laboratoire d’expérimentation collaboratif, Chrono en Marche , est déployé par Transdev, autre filiale de la Caisse des Dépôts, la collectivité (SMTC) et le réseau de transport (SEMITAG). L’objectif de cette démarche est d’améliorer l’attractivité des lignes de bus dans un quartier en reconstruction. Les habitants – usagers ont été sollicités dès 2015 pour imaginer leur futur environnement via une application développée par la startup UFO : en utilisant une tablette, in situ, les usagers pouvaient faire varier différentes options d’aménagement, les apprécier en réalité augmentée et donner un avis concret et argumenté. Le 28 septembre prochain, les équipements ainsi co-construits (abribus nouvelle génération, axe apaisé, boussole…) vont être inaugurés, puis testés et évalués par la population.

Dans un contexte de rationalisation des budgets de l’Etat et des collectivités, ce type de consultation est également un vecteur d’économies. En impliquant plus régulièrement la population dans les décisions, le service public se voit présenter l’opportunité de hiérarchiser son action pour aller vers ce qui crée le plus de valeur pour le citoyen – usager. Les acteurs publics peuvent ainsi recentrer et réduire leurs investissements.

La Civic Tech, un mouvement foisonnant qui doit encore se structurer

Des lieux dédiés émergent et vont progressivement permettre de mieux lire les initiatives et de les accompagner dans la durée. La Ville de Paris travaille à l’élaboration d’un lieu à l’image du Civic Hall new-yorkais. Le Liberté Living Lab créé en 2016 est un tiers-lieu de travail, d’expérimentation et de partage centré sur la « Tech for good » c’est-à-dire la technologie au service du bien commun.

Le foisonnement des initiatives témoigne d’un secteur à fort potentiel parce qu’il répond à l’enjeu crucial de la transparence et de l’implication des citoyens et des usagers dans la prise de décision à tous les niveaux. Si de nombreuses villes ont déjà intégré ces problématiques dans leur réflexion, les entreprises du secteur sont encore jeunes et se pose la question des modèles économiques (très différents d’une startup à l’autre) et de leur maturité. Beaucoup de startups traversent la galaxie médiatique de façon éphémère et pérenniser les initiatives, en collaboration avec les collectivités, est l’un des enjeux clé de la Civic Tech.

Dans ce cadre, l’exploitation de la data des citoyens par des sociétés privées est l’une des clés du secteur. Sur la question de l’utilisation des données, la Caisse des Dépôts prône un très niveau d’exigence, d’éthique et de transparence. La confiance en ces dispositifs est essentielle pour garantir l’adhésion des citoyens et donc le développement de projets pérennes.

Pour conclure, la Civic Tech s’inscrit dans un mouvement plus large qui vise à casser les logiques traditionnelles « top-down », pas uniquement dans le secteur public. De nombreuses organisations privées utilisent de plus en plus ces dispositifs pour enrichir leur relation clients (SNCF, ENGIE, Enedis,…). Tout comme pour impliquer leurs salariés dans leurs prises de décisions, allant vers la démocratie d’entreprise ou plus concrètement la co-construction de plans stratégiques.

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