De quoi sera faite la médecine de demain ? Comment réduire les erreurs humaines et le taux de complications post-opératoires ? Ces questions essentielles sont le quotidien de l’entreprise SURGAR. Cette startup innovante et dynamique développe une solution de réalité augmentée afin de faciliter le travail des chirurgiens et avoir un impact positif sur les patients du monde entier.
Fondée par trois chirurgiens et un expert en vision par ordinateur, l’entreprise a récemment levé 11 millions d’euros pour poursuivre son développement. Découvrons le portrait du Professeur Nicolas Bourdel, CEO et co-fondateur de SURGAR.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Nicolas Bourdel : Je suis chirurgien gynécologue. C’est le professeur Adrien Bartoli qui m’a convaincu de travailler pour mon PhD sur les applications de la vision par ordinateur en chirurgie. Ensemble, nous avons construit un projet d’aide à la chirurgie, qui était au départ un projet très académique axé sur la recherche fondamentale.
En compagnie de Michel Canis, Bertrand Le Roy et Adrien Bartoli, j’ai par la suite fondé l’entreprise SURGAR (Surgical Augmented Reality). Il s’agit d’une startup dédiée à la mise au point de solutions de réalité augmentée pour la chirurgie mini-invasive.
Quelle est la genèse de SURGAR, startup de chirurgie mini-invasive ?
Nicolas Bourdel : Nous sommes une spin-off d’un laboratoire académique. En effet, la valorisation du projet prenait au début la forme de publications, de communications dans les congrès ou de réflexions sur les solutions à développer.
Cependant, nous voulions avoir un vrai impact. Le seul moyen pour atteindre cet objectif était d’avoir un projet entrepreneurial pour que notre solution de réalité augmentée en chirurgie mini-invasive dépasse le cadre de nos blocs opératoires respectifs. L’ambition était donc avant tout d’avoir une incidence positive sur les patients dans le monde entier.
Quels ont été les grands jalons de la startup jusqu’ici ?
Nicolas Bourdel : Initialement, c’est l’incubateur Busi qui a pris contact avec nous au sujet de notre projet, car il le trouvait pertinent. Cette rencontre nous a permis de participer au concours i-Lab, dont nous avons été lauréat en 2019, qui est le premier vrai financement.
Le côté vertueux de ce concours d’innovation ne réside pas uniquement dans un financement. Il réside aussi dans la standardisation et l’écriture du projet entrepreneurial. Cela permet de réfléchir à la manière de créer et développer son projet, envisager l’accès au marché et se questionner sur le temps nécessaire pour atteindre ses objectifs.
Un autre jalon essentiel est bien entendu la création de SURGAR ainsi que les levées de fonds. Ces dernières sont incontournables, car les moyens financiers nécessaires au développement de produits extrêmement innovants sont majeurs.
Les autres étapes importantes ont été les partenariats que nous avons su nouer dans des consortiums avec des financements publics d’aide à la recherche. Enfin, le dernier gros jalon est le marquage CE de notre solution dédiée à la chirurgie utérine, qui permet réellement au produit d’accéder au marché.
SURGAR vient de lever 11 millions d’euros. Quels sont les axes stratégiques prioritaires suite à cette levée ?
Nicolas Bourdel : Très peu de temps après la levée de fonds, le premier jalon était d’obtenir le marquage CE de notre produit de chirurgie utérine. Désormais, nous désirons étoffer notre offre en obtenant le marquage CE de nos produits SURGAR dédiés au foie et aux reins, afin d’élargir notre portefeuille de solutions.
Pour accéder au marché américain, nous devons aussi obtenir le FDA Approval, qui est un enjeu majeur de beaucoup de sociétés de dispositifs médicaux.
Pour une société de solutions médicales, quels sont les critères pour obtenir ce type de certifications ?
Nicolas Bourdel : Il y a deux volets. Tout d’abord nous devons certifier notre système qualité (ISO 13485). Cela inclut bien sûr la façon dont nous travaillons et dont nous développons nos produits mais aussi le fonctionnement quotidien de l’entreprise : de nos recrutements à nos achats en passant par nos moyens financiers …. Dans un deuxième temps nous devons obtenir un marquage CE de notre produit : un organisme notifié doit certifier le dossier technique de notre produit. Ce dossier technique nous sert à démontrer la manière dont a été développé notre produit, les qualités et les performances de ce produit.
Pourquoi avoir levé des fonds auprès de Bpifrance ? Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?
Nicolas Bourdel : Bpifrance nous accompagne depuis le début de notre projet. Nous n’aurions pas créé SURGAR sans BPIfrance. Il s’agit donc d’un partenaire naturel de notre évolution qui est désormais au capital de l’entreprise.
Le fonds d’investissement Digital Venture est tout à fait adapté à notre activité, il était tout à fait logique de nous adresser à Bpifrance pour cette levée de fonds.
Quels sont les premiers retours des médecins qui ont pu tester la solution ?
Nicolas Bourdel : Il y avait au départ quelques réticences de la part de certains chirurgiens, mais il faut se rendre à l’évidence : le digital arrive au bloc opératoire. Les premiers retours sur nos solutions sont d’ailleurs très positifs.
En outre, pour certains types de chirurgie, ces solutions de réalité augmentée en chirurgie mini-invasive sont absolument essentielles et les chirurgiens ont réellement envie d’avoir ce type d’outils à disposition.
Bien entendu, il est impossible de réaliser un produit parfait au premier essai. Le produit SURGAR est donc amené à évoluer grâce aux retours que nous recevons et qui nous permettent de l’adapter aux besoins des chirurgiens.
Aujourd’hui, l’objectif est de diviser par 2 les complications chirurgicales et d’augmenter par 20 la précision chirurgicale : pensez-vous pouvoir aller encore plus loin ?
Nicolas Bourdel : Nous allons essayer d’offrir des outils parfois très simples, mais qui aident en pratique à diminuer le taux d’erreurs humaines. Nous allons pouvoir apporter toujours plus au chirurgiens en faisant évoluer nos solutions.
Ce n’est que le début, car il est possible de progressivement coupler notre solution à un robot et imaginer une standardisation du geste chirurgical. Pour l’instant, les robots en chirurgie abdominale sont des télémanipulateurs. Ils ne prennent donc pas de décisions. Or, le système de SURGAR comprend son environnement, ce qui veut dire que nous pouvons envisager de petit à petit standardiser et autonomiser une partie du geste opératoire. Bien sûr, il reste du chemin a parcourir mais nous voulons être un des acteurs majeurs de cette digitalisation.
Pour l’instant, nous opérons au bloc opératoire avec une caméra, qui a déjà dépassé les capacités de l’œil humain, et de petites incisions. Le robot quant à lui possède des bras plus stables et plus fluides qu’un humain. Notre solution SURGAR apporte de l’intelligence numérique. La prochaine révolution du bloc opératoire prend ainsi forme en associant à la vision et la manipulation digitales l’intelligence numérique.