Attention, révolution discrète ! Avec l’avènement des véhicules électriques à venir, le nouvel or pourrait bien être blanc et s’agir du lithium. Un marché sur lequel la startup Adionics est très bien positionné : grâce à sa technique d’extraction plus sélective, moins coûteuse et plus durable que les solutions traditionnelles, la startup promet surtout une plus grande pureté de la matière au moment de son extraction.
Un marché en pleine mutation, qui devrait s’accélérer à la suite du breakthrough réalisé par Adionics avec Litica. Découvrez les perspectives ultra-prometteuses du marché du lithium et d’Adionics avec l’interview de son expérimenté et multiculturel CEO, Gabriel Toffani.
Pouvez-vous nous faire, en guise d’introduction, un panorama de l’utilisation et des enjeux du lithium aujourd’hui ?
Pour bien comprendre l’enjeu du lithium aujourd’hui, il faut se souvenir qu’il y a entre 10 et 15 ans, environ 20% du lithium produit l’était pour les batteries des voitures – la majorité de la production étant utilisée pour le verre et la céramique. Aujourd’hui, c’est 70 à 75% de la production qui est utilisée pour les batteries ! Et ce pourcentage va continuer à croître.
Pourquoi ?
Car le lithium est particulièrement utilisé par les batteries des véhicules électriques et de tous les moyens de mobilité verte aujourd’hui. L’objectif de l’Europe est de passer au tout électrique d’ici à 2035, et on peut constater le même essor du véhicule électrique aux États-Unis et en Chine. On dénombre aujourd’hui des dizaines de projets de « giga-factories », dont certaines sont déjà en construction et dont le but va être de fabriquer massivement des batteries pour les voitures électriques.
La demande de lithium va continuer à exploser, nous allons nous retrouver dans une situation avec une demande de lithium supérieure à l’offre. L’enjeu, par conséquent, va être d’en produire à la fois de manière plus quantitative mais aussi de manière plus verte et durable afin de répondre aux besoins et aux objectifs des constructeurs.
En quoi la technologie et la méthodologie d’Adionics sur l’extraction du lithium sont-elles en rupture sur ce secteur / cette pratique ?
Traditionnellement, le lithium est produit majoritairement en Australie et en Asie (principalement en Chine). L’extraction se fait directement sur la roche (hard rocks) et cela demande beaucoup d’énergie et d’eau.
Mais le marché est en train d’évoluer radicalement en termes de production – c’est là que nous entrons en jeu avec Adionics. Aujourd’hui, plus de 40% de la production du lithium provient d’Amérique latine, notamment du Chili, mais aussi d’Argentine et de Bolivie, qui possèdent de nombreux déserts de sels (Salares, en Espagnol) et de grandes réserves de saumure (brines, en Anglais), qui sont les clés de la nouvelle source d’approvisionnement mondial en lithium permettant une extraction plus rapide et peu énergivore.
En fait, notre technique d’extraction « liquide-liquide » capte de façon sélective le lithium de la saumure. La technologie d’Adionics d’extraction directe (DLE : Direct Lithium Extraction), laissent non seulement les autres éléments naturels de la saumure dans leur environnement, ce qui nous permet d’abord d’obtenir une grande pureté lors de l’extraction et de ne pas rompre l’équilibre hydrogéologique, mais aussi d’utiliser 10 à 15 fois moins d’eau que les techniques traditionnelles et, de facto, d’éliminer les étapes de purification. Cela signifie simplifier grandement le processus et réduire les coûts.
Quelle est la stratégie de développement d’Adionics pour démontrer l’efficacité de cette technique d’extraction ?
À sa création, il y a un peu plus de 10 ans, Adionics orientait ses recherches autour du dessalement de l’eau de mer pour la production de l’eau potable. C’est en 2017 que nous avons commencé à utiliser ce procédé pour l’extraction du lithium et que nous avons réalisé l’ampleur que pourrait avoir ce marché dans le futur.
Nous avons créé un modèle mathématique permettant, en fonction de la qualité de la saumure, de prédire le résultat du traitement que nous utilisons. Nous avons également construit dans notre laboratoire aux Ulis, un pilote que l’on nomme le Clean Lithium One – car il produirai l’équivalent de la production d’une tonne de lithium par an – afin de tester les résultats du modèle. Depuis notre changement de paradigme, nous effectuons de nombreux allers-retours entre les modèles et le labo pour continuellement améliorer nos modèles et donc nos process d’extraction, qui sont aujourd’hui à 99% fiables dans la pratique. Cela constitue la première étape.
La deuxième étape est constitué par trois autre unités pilote, plus grands que celui des Ulis, qui sont nos démonstrateurs – notamment un en Allemagne produisant 15 tonnes de lithium et deux en Amérique latine qui en produisent respectivement 15 et 250 tonnes/an. Nous recevons des saumures d’Amérique latine et nous les transformons pour ensuite faciliter la production du carbonate de lithium, celui qui sera in fine inséré dans les batteries. Cela constitue une étape de développement très importante pour nous sur le chemin de la production industrielle. C’est la preuve que notre technologie fonctionne et c’est la grande réussite que nous avons connue avec Litica, entre autres.
Qui sont les clients d’Adionics aujourd’hui ? En quoi la collaboration avec Litica est-elle un milestone dans la roadmap d’Adionics ?
Le marché du lithium est un marché assez discret donc je remercie Litica Resources, une société argentine, pour la collaboration que nous avons eue avec eux. Avec Litica, Adionics a effectué une avancée révolutionnaire : grâce à deux essais pilotes réalisés au prestigieux centre d’essais de K-UTEC en Allemagne, nous avons réussi à extraire avec succès du lithium à partir de saumures argentines. Cette réalisation marque une étape majeure dans notre domaine, ouvrant la voie à notre méthode innovante pour obtenir un concentré de chlorure de lithium hautement purifié à partir de saumures fournies par Litica, qui est une référence majeure dans l’industrie minière et métallurgique (Lire le communiqué de presse).
Nous sommes par ailleurs en contact avec une grande majorité des entreprises minières et nous sommes notamment très présents en Amérique latine. Ces essais nous indiquent que nous devrions pouvoir industrialiser notre méthode de production très prochainement.
Quels sont les futurs enjeux d’Adionics et son avenir ?
Au-delà de la production verte de lithium, nous sommes déjà en train de faire des essais pour travailler sur des solutions de recyclage des batteries, car tous les fabricants vont être obligés de recycler au moins une partie des batteries et du lithium. Nous voulons être un acteur sur ce marché, en Europe et ailleurs.
De plus, même si notre focus principal de recherche se situe sur les brines de l’Amérique latine, nous nous intéressons aussi au marché du hard rock et nous réfléchissons à comment adapter notre procédé sur ces sources de lithium.
Enfin, nous voulons faire certifier la sustainability de notre démarche, donc nous sommes en train d’effectuer les bilans carbone de notre activité, de faire reconnaître que notre technique propose une consommation d’eau très basse pour, à terme, être reconnus comme une véritable greentech.