Tech M&A : quelles sont les dynamiques sectorielles ?

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Il faut en moyenne 9 ans pour qu’une startup dans le hardware soit rachetée là où il suffit de 5 ans seulement pour la revente d’une fintech. Le revenu médian d’une plateforme ecommerce est de près de 9 millions d’euros au moment de son rachat alors que celui d’une biotech n’est que de 500.000 euros ! Incohérence, absurdité, hasard ? Non, le marché du M&A dans la Tech n’est pas fou, il répond à des règles implicites bien claires.

La première étude du genre développée par Avolta Partners casse quelques idées reçues, met en évidence les grandes tendances du M&A dans la Tech européenne, et identifie deux grands facteurs d’influence des valorisations : (1) le business model et le secteur de la cible (2) la motivation du rachat et la typologie de l’acquéreur. Explorons dans cet article le 1er  facteur.

Un peu de méthodologie

L’analyse repose sur 2.429 opérations Tech M&A recensées en 2015, 2016 et 2017 en Europe. Chaque secteur étudié ici a été placé sur une matrice avec en abscisse la durée médiane avant l’exit (différence entre date d’acquisition et date de création), en ordonnée le revenu médian généré par la cible à la date de l’opération, et en dimension (taille de la bulle) la valeur du multiple EV/Sales.

M&A Tech

The rabbit and the turtle

La matrice permet d’identifier 4 typologies de secteur dans le Tech M&A :

  • Small rabbits. Startups acquises très jeunes alors qu’elles génèrent encore peu de chiffre d’affaires.
  • Big rabbits. Startups en forte croissance qui sont rachetées très tôt : en moins de 7 ans, elles ont réussi à développer une activité de plus de 4 millions d’euros de chiffre d’affaires.
  • Small turtles. Startups rachetées en moyenne près de 10 ans après leur création alors qu’elles ne génèrent encore qu’un très faible revenu.
  • Big turtles. Startups matures qui ont pris le temps de tester l’efficacité de leur business model et de développer leur activité avant d’être rachetées, plus de 7 ans après leur création pour un chiffre d’affaires de plus de 4 millions d’euros.

Lors d’une opération M&A, il est important de comprendre la dynamique sectorielle de la cible puisqu’une partie du prix est déterminée par la compétition entre les acheteurs, et in fine la compétition du secteur. Cela est d’autant plus vrai en Tech M&A puisque la majeure partie des startups ont à leur capital des fonds de capital-risque : ces deniers abondent massivement en capitaux dans certains secteurs et misent sur des mouvements de consolidation, ce qui créent des momentums d’investissement et de cession.

Fintech – Le nerf de la guerre

C’est un secteur de plus en plus attractif, principalement concentré au Royaume-Uni, qui a considérablement cru en valeur comme en volume sur les trois dernières années : 44 deals pour 2 milliards d’euros en 2015 – 75 deals pour 6,3 milliards d’euros en 2017.

Les fintechs sont en moyenne acquises 5 ans seulement après leur création alors qu’elles ne génèrent que 2,3 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est un secteur M&A compétitif et les acheteurs s’arrachent les jeunes pépites.

Le secteur attire autant les entreprises de la grande distribution que les géants du numérique. Les banques semblent en avoir pris conscience et font des chèques de plus en plus élevés pour les acheter. Ce qui explique un multiple de valorisation médian élevé : 14,4x le revenu contre 4,1x tous secteurs confondus.

L’acquisition la plus importante en 2017 est celle du suédois Bambora, fondé en 2015, par le leader français des solutions de paiement Ingenico Group pour 1,5 milliards d’euros.

Hardware – Rien ne sert de courir, il faut partir à point

Il faut du temps et de l’argent pour développer une technologie hardware et faire ses preuves sur un marché ; aussi les startups du secteur avancent-elles tranquillement mais sûrement. Elles sont ainsi en moyenne rachetées près de 9 ans après leur création alors qu’elles génèrent un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros.

Si le secteur demande plus de temps et plus de revenus pour générer des opérations M&A, c’est que la structure de coût du modèle est assez lourde et qu’il est important d’atteindre une certaine maturité pour rassurer sur la rentabilité future. Contrairement à des marketplaces qui prennent une commission sur un flux et supportent simplement des coûts d’hébergement et de personnel, une startup hardware a des coûts fixes et des coûts variables de production élevés. Pour démontrer son modèle, il faut un temps structurel à ces entreprises pour industrialiser leurs processus, et rassurer les acheteurs.

La startup française Withings a ainsi été rachetée par le finlandais Nokia plus de 8 ans après sa création pour un montant de 170 millions d’euros, après avoir été financée à plusieurs reprises par des fonds de VC (Idinvest Partners, Bpifrance, 360 Capital Partners ou encore Ventech).

Adtech – La stratégie Pacman

Le secteur de l’adtech est en pleine consolidation depuis 3 ans. Le marché du Tech M&A Exit est passé de 5,8 à 7,9 milliards d’euros de 2015 à 2017. Il a atteint un pic en 2016 en volume avec 99 deals en 2015, 114 en 2016 et 85 en 2017. Le multiple médian du secteur est par ailleurs en ligne avec celui de l’ensemble du marché du M&A Tech Exit en Europe (4,4x contre 4,1x).

Les startups de l’adtech s’achètent relativement tôt alors que les acquéreurs exigent un revenu non négligeable de 5,5 millions d’euros. Ils s’assurent ainsi qu’elles aient une taille suffisante pour affronter la concurrence. Les différents acteurs se rachètent entre eux (les Media/Advertising représentent 68% des acquéreurs) et font du Corporate Development pour gagner rapidement des points d’EBIT dans un secteur très compétitif.

On a ainsi observé l’année passée l’acquisition du français Teads par Altice pour près de 300 millions d’euros, ou encore celle d’Esome par le groupe allemand de média ProSiebenSat pour un montant non dévoilé.

Deeptech – Attrapez-les tous

La mode est à l’IA et tout le monde prétend en intégrer dans sa technologie. En vérité, le secteur se développe certes très rapidement mais encore peu de startups peuvent réellement se targuer d’être deeptech. Le nombre d’exit en Europe a doublé en deux ans pour atteindre 61 exits tandis que la valeur des opérations a augmenté de 160%, ce qui équivaut à un montant total de plus de 3 milliards en 2017. La valorisation de ces startups est relativement importante, avec un multiple médian de 6,3 fois le chiffre d’affaires pour un revenu médian de 2m€.

Les exits sont ainsi encore relativement peu nombreux mais très médiatisés car les deeptechs séduisent les GAFAM et les géants des nouvelles technologies (33% des acquisitions) qui achètent dans le but de les intégrer directement dans leur produit : Apple acquiert Shazam en décembre 2017 (400m$), Microsoft Swiftkey en février 2016 (250m$), Twitter Magic Pony Technology (150m$) et Spotify Niland (n.d). Chacun cherche la pépite et la chasse est ouverte.

Medtech/Biotech – L’effort collectif pour développer la science

Les medtechs/biotechs demandent davantage de maturité avec des business models majoritairement basés sur la recherche, ce qui requiert des investissements importants en amont. Au moment de l’exit, les biotechs ne génèrent pas toujours encore de revenu (500k€ de médiane) et ont déjà 9 ans d’existence.

Elles sont très souvent introduites en bourse (31% des opérations) ou rachetées par des entreprises pharmaceutiques/médicales (51%) qui peuvent alors intégrer les brevets et leurs nouvelles propriétés dans leurs produits.

Le nombre d’opérations a fortement diminué ces dernières années, passant d’une centaine en 2015 à 57 en 2017 mais leur valeur a considérablement augmenté : Symetis rachetée par Boston Scientific en 2017 pour 435m$ ou encore Heptare Therapeutics en 2015 par le Japonais Sosei pour 400m$.

La médiane de la taille de l’opération est de 122 millions d’euros en 2017 alors même que les startups ne génèrent que très peu de revenu, ce qui explique les multiples extrêmement élevés du secteur.

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Lorsqu’ils rachètent des startups technologiques, les grands groupes doivent comprendre les dynamiques du capital risque rattachées à chaque secteur pour mieux appréhender les multiples de valorisation. Réciproquement, les entrepreneurs doivent savoir dans quelle catégorie ils jouent s’ils veulent identifier le meilleur moment et le meilleur prix pour céder leur entreprise.

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