Savoir parler à son board
En octobre dernier, Frenchfounders organisait avec Bpifrance un événement sur le sujet “Savoir parler à son Board”. On y a croisé des CFOs chevronnés : Jihane Karim (Flying Whales), Arnaud Deroeux (Tinubu Square) et Charlotte Corbaz (Large Venture @Bpifrance). Vous n’étiez pas présents ? On vous récapitule ici la substantifique moelle de ce rendez-vous.
Le board idéal : indépendance, diversité et valeur ajoutée
Un bon board réunit des profils complémentaires : investisseurs, dirigeants expérimentés, experts métiers. Parfois également des indépendants : ils apportent un regard neuf, une forme de neutralité, et, souvent… une expérience opérationnelle précieuse.
À l’inverse, un board composé uniquement de représentants de fonds peut manquer de profondeur sur les sujets concrets et stratégiques. L’équilibre gouvernance financière et vision industrielle devient alors difficile à maintenir.
À la lecture de ce premier paragraphe, vous vous dites peut-être que vous n’avez pas le board idéal (on vous souhaite le contraire). Aie. Mais alors, comment faire ?
Comme beaucoup de choses dans la vie : anticiper. Mais pas de panique : que vous ayez le board idéal ou non, on vous résume comment en récolter les meilleurs fruits.
Un board ne se prépare pas en dix minutes.
Pour Jihane Karime, CFO @Flying Whales, la préparation d’un board repose sur une organisation collégiale et méthodique.
Dès que l’ordre du jour est fixé, les responsabilités sont réparties entre les membres du COMEX : chacun prépare ses slides avant une revue collective pour harmoniser les messages.
Anticiper, c’est essentiel. Il vous faut identifier les sujets clés, construire un narratif clair et proposer une trajectoire cohérente.
Arnaud Deroeux, CFO @Tinubu Square, rappelle que dans les grandes structures la planification est facilitée par la fréquence des comités. Et dans les startups ? Il faut être ultra-réactif.
La clarté passe par des échanges réguliers entre les sessions de board : points d’étape, comités d’audit, réunions informelles. Vous êtes le fil conducteur entre les administrateurs et le management.
Concrètement :
- Pour les sujets sensibles (investissements industriels, partenariats stratégiques, levées de fonds) : il vous faut anticiper les questions et échanger avec les administrateurs avant le board. Cela évite les désalignements et implique tout le COMEX.
- Pour les imprévus (tensions de trésorerie, opportunités de croissance) : n’attendez pas la prochaine réunion. Maintenir le dialogue avec les administrateurs préserve la confiance et la fluidité décisionnelle.
Le CFO, relais interne des décisions du board
Une fois le board terminé, votre rôle du CFO se poursuit à l’intérieur de l’entreprise. Il faut assurer la transmission claire des décisions et coordonner les équipes pour traduire les orientations en actions concrètes.
Situation fréquente : parfois, le CFO se retrouve seul à faire le lien entre le board et le COMEX, ou à présenter des sujets qui ne relèvent pas directement de sa responsabilité – comme la stratégie commerciale – par manque d’implication d’autres membres de la direction.
Votre rôle est aussi dans une position délicate : recruté par le board et le CEO, vous devez concilier loyauté et indépendance. Sollicité par certains administrateurs en aparté, il vous faut rester transparent tout en gardant la cohésion interne.
Vos vertus cardinales en tant que CFO
1. Etre constant.
Véritable « monnaie du métier » : la rigueur, la fiabilité et la continuité inspirent la crédibilité.
Notre conseil : attention au manque de préparation : plus de 80 % du travail d’un board se joue avant la réunion. L’alignement avec le CEO, la clarté des documents et la préparation des réponses conditionnent la qualité des échanges.
2. Être transparent
Votre rôle est de donner une vision claire de la trésorerie, de la rentabilité et des perspectives. Si certains signaux sont ignorés ou cachés, la confiance avec le board disparaît.
Notre conseil : Ne tentez pas de cacher ou minimiser une difficulté au risque de créer une méfiance durable. Donnez les mauvaises nouvelles sans détour, avec des explications et des plans d’action, ce qui renforcera votre crédibilité.
3. Vulgariser sans appauvrir
Vous devez simplifier les messages tout en hiérarchisant l’information et en adaptant son discours à des profils variés; certains très financiers, d’autres plus stratégiques.
Le conseil d’Arnaud : fournir les bons éléments pour que le board décide efficacement. C’est à dire : un document clair de 10 slides, avec des annexes au besoin pour les détails.
4. Avoir du courage
En période de tension, vous pourriez être challengé sur vos chiffres ou hypothèses….
…Notre conseil : Il ne faut pas percevoir les questions comme une attaque. Restez factuel et gardez votre sang froid. Le board n’est pas un tribunal, mais un lieu de co-pilotage.
Conclusion
En clair : parler à son board, c’est un art d’équilibriste. Il s’agit de trouver le juste milieu entre la transparence et la stratégie, l’anticipation et la réactivité, la loyauté et… l’indépendance. Au-delà des chiffres, vous êtes la personne qui diffuse les informations clés au bon moment, dans le bon format et auprès des bonnes personnes.
Et, si chaque structure a ses codes, une chose ne change pas : une parole fiable, des échanges clairs et des chiffres assumés. C’est là que tout se joue.
Emilienne Simonet