L’IA au cœur des RH : vers une nouvelle ère du recrutement et de la gestion des talents

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L’intelligence artificielle transforme en profondeur les métiers des ressources humaines. De la rédaction d’une offre d’emploi à l’évaluation de candidats, en passant par le matching de compétences et l’onboarding, l’IA ouvre de nouvelles perspectives, mais pose aussi des questions de biais, de sécurité et de gouvernance.

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C’est tout l’objet du Petit-Déjeuner “IA au cœur des RH”, issu d’une collaboration entre Malt et Le Hub Bpifrance le 25 septembre 2025, dans les bureaux parisiens de Malt.

L’experte :

Claire Lebarz, CTO de Malt : Ingénieure de formation, elle a passé plus de 12 ans dans les startups de San Francisco, spécialisées dans la data et le machine learning. Ancienne d’Airbnb, elle a rejoint Malt en 2022 en tant que VP Data, avant de devenir Chief Data & AI officer et repenser le matching entreprises-freelances grâce à l’IA. Claire est CTO de Malt depuis janvier 2025.

Démystifier l’IA : entre machine learning et deep learning

Claire a commencé par rappeler les fondamentaux. Le machine learning consiste à apprendre des règles à partir de données historiques. Exemple : Amazon ordonne des milliards de produits non pas avec une règle écrite à la main, mais en analysant les comportements d’achat. Cela peut s’appliquer aux RH : au lieu de trier manuellement des milliers de CV, on apprend des schémas implicites.

Avec le deep learning, la machine ne se contente plus d’ajuster des coefficients : elle apprend aussi les paramètres eux-mêmes, via des réseaux de neurones. Cette puissance a ouvert la voie aux Large Language Models (LLM) comme ChatGPT, capables de prédire le prochain mot d’une phrase, et donc de produire textes, idées ou analyses de manière fluide.

Du CV au matching par compétences

Historiquement, le recrutement s’est appuyé sur les intitulés de poste. Or, ces “job titles” sont souvent trompeurs et renforcent les biais. L’IA permet désormais de travailler à un niveau plus fin : celui des compétences.

Chez Malt, l’objectif est clair : traduire les expériences en compétences pour matcher plus justement freelances et entreprises. Cette approche réduit certains biais liés au genre ou à l’âge, tout en révélant des compétences cachées. « Beaucoup de personnes ne savent pas décrire ce qu’elles ont réellement accompli », rappelle Claire Lebarz. L’IA devient alors un outil de valorisation.

Les biais des modèles : un enjeu central

Mais attention : les modèles de langage eux-mêmes sont porteurs de biais. Des tests simples montrent que “Jim works as…” génère “businessman, farmer, policeman”, tandis que “Jane works as…” produit “nurse, receptionist ou maid”.

Ces biais reflètent les corpus d’entraînement. D’où l’importance, pour les entreprises, de tester plusieurs modèles et mesurer leurs sorties avant de les intégrer dans des process RH.

Prompt engineering : l’art de bien poser ses questions

Pour tirer parti de l’IA, encore faut-il savoir dialoguer avec elle. C’est le rôle du prompt engineering.

Les bonnes pratiques :

  • donner un contexte précis (rôle, format, résultat attendu),
  • fournir des exemples positifs (plutôt que d’interdire certains contenus),
  • séparer les requêtes en plusieurs étapes,
  • attribuer un rôle clair au modèle (“agis comme recruteur”, “je suis DRH”).

 

 

IA et entretiens : bénéfices et controverses

Faut-il confier les entretiens à une IA ? Les retours sont contrastés : certains trouvent l’expérience déshumanisante, d’autres se sentent plus à l’aise face à une machine qu’à un recruteur.

Des études montrent que, dans certains contextes (support client en Asie), les entretiens menés par IA ont abouti à plus d’offres, plus de prises de poste et une meilleure rétention. Les femmes, en particulier, déclarent percevoir l’IA comme moins biaisée — une perception qui, même si elle n’est pas toujours exacte, influence leurs choix.

Formation et onboarding : des agents collaboratifs

Au-delà du recrutement, l’IA s’impose dans la formation et l’onboarding. Malt a développé une trentaine d’agents internes spécialisés (produit, sales, support, etc.), hébergés sur Slack et connectés à la documentation interne. Ces agents deviennent de véritables outils collaboratifs, mis à jour en continu et enrichis par les équipes.

Côté onboarding, des vidéos générées automatiquement permettent de mettre à jour du contenu en quelques minutes, tandis que des agents “product knowledge” facilitent l’intégration des nouveaux arrivants.

Enjeux de sécurité et gouvernance

Reste la question de la sécurité des données. Dans des secteurs sensibles comme la biotech, impossible d’utiliser des services externes. La solution : déployer des modèles self-hosted sur cloud interne ou recourir à des plateformes sécurisées comme Dust.

 

 

Cas pratique : passer de la théorie à l’action

À la fin de la session, les participants ont pu expérimenter concrètement les apports de l’IA. Par petits groupes, ils ont travaillé sur deux exercices :

  • rédiger une fiche de poste adaptée à leur contexte,
  • écrire un email de prise de contact candidat pour un rôle précis.

En utilisant ChatGPT ou Gemini, ils ont testé différents prompts, itéré, comparé les résultats, puis partagé leurs apprentissages. L’exercice a mis en lumière une réalité : la qualité du résultat dépend directement de la précision de la consigne. Bien formuler son besoin devient une compétence RH à part entière.

Conseils activables pour les DRH et entrepreneurs :

  1. Commencez petit : testez l’IA sur une tâche simple (email candidat, offre d’emploi) avant de l’intégrer à des process plus lourds.
  2. Évaluez plusieurs modèles : comparez les résultats de ChatGPT, Gemini ou Mistral pour choisir celui qui correspond le mieux à votre culture et à vos usages.
  3. Encadrez les biais : documentez vos tests, conservez des exemples et intégrez des garde-fous avant toute mise en production.
  4. Formez vos équipes : le prompt engineering est une compétence qui se travaille : faites-en un sujet collectif.

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