Le cuir est l’une des matières les plus appréciées dans le secteur de la mode et du luxe. Toutefois, son impact sur l’environnement est majeur. Comment y remédier ? Existe-t-il une manière de conserver le savoir-faire des artisans tout en préservant la planète et en agissant pour le bien-être animal ? Faircraft répond à ces questions avec une solution innovante : le cuir in vitro, véritable alternative au cuir animal traditionnel.
Cette startup, cofondée par Haïkel Balti et Cesar Valencia Gallardo, a récemment bouclé une levée de fonds en série A de 15 millions d’euros. Focus sur la genèse de cette entreprise innovante et son projet d’industrialisation avec notre interview de Haïkel Balti, son CEO.
Quelle est la genèse de Faircraft ?
Haïkel Balti : Faircraft est né d’une rencontre via le programme Entrepreneur First. De formation ingénieur en science des matériaux et génie mécanique, j’ai eu l’occasion lors de ma carrière professionnelle de fabriquer des produits physiques à grande échelle et de gérer des problématiques industrielles.
Cesar Valencia Gallardo, cofondateur de Faircraft, avait de son côté une expérience très fine en biologie après avoir passé douze ans dans le milieu académique, en réalisant une thèse et en travaillant notamment sur la biologie de la peau.
Ensemble, nous avons réfléchi à la manière d’associer nos compétences afin de produire de la peau à grande échelle pour en faire une alternative au cuir traditionnel.
Quels sont les grands jalons qui ont marqué l’histoire de la startup ?
Haïkel Balti : Le premier grand jalon, c’est cette rencontre. C’est un temps fort, pour César et moi, car nous devions nous demander si nous étions prêts à travailler ensemble durant potentiellement dix ou quinze ans.
Vient ensuite la partie validation client. Nous souhaitions créer une alternative au cuir animal traditionnel, mais au-delà de l’aspect éthique, cette alternative avait-elle une réelle valeur ajoutée ? Nous devions valider le besoin sur le marché. D’un point de vue purement scientifique, César a commencé à étudier le processus, tandis que je me suis concentré sur la validation de l’intérêt du marché pour ce type de matières en contactant des entreprises dans divers secteurs : automobile, ameublement, mode et maroquinerie. Les réponses immédiates des professionnels nous ont alors confirmé l’existence d’un besoin réel sur le marché.
D’autres jalons ont suivi, tels que le lancement de l’entreprise, le premier financement, la constitution de l’équipe, le développement de notre matière, puis enfin, la fabrication de notre premier sac en laboratoire. Cette première mondiale était la preuve que ces technologies pouvaient réellement aboutir à des produits commercialisables.
Pouvez-vous nous expliquer la technologie nécessaire au développement du cuir in vitro ?
Haïkel Balti : Le développement de l’alternative au cuir a commencé par l’étude des différentes matières disponibles sur le marché. Elles ne répondaient pas aux enjeux attendus, tant du point de vue sensoriel que de l’expérience client.
La solution était de trouver un cuir qui offre les mêmes caractéristiques que la matière animale, en reproduisant sa structure et sa composition. C’est pour cette raison que nous avons décidé de développer du cuir in vitro, en reproduisant la peau sans avoir à tuer l’animal. En utilisant des procédés de tannage, avec les mêmes savoir-faire, nous pouvions obtenir un cuir d’excellente qualité.
Le procédé de fabrication à proprement parler débute par une petite biopsie de quelques millimètres. On vient récupérer un petit bout de peau de l’animal avec une anesthésie locale, puis on vient extraire des cellules. Elles sont ensuite démultipliées dans un réacteur. Nous prenons des cellules à partir de notre stock que nous semons sur un support, ce qui permet ensuite d’avoir des cellules qui vont créer entre elles des liens très forts de collagène, comme dans une vraie peau. Au bout de plusieurs semaines, nous obtenons une peau que nous pouvons tanner pour obtenir du cuir in vitro.
Faircraft a annoncé une levée de 15 millions d’euros, quels sont les axes de développement stratégiques prioritaires suite à cette levée ?
Haïkel Balti : La peau in vitro était initialement produite à des prix exorbitants dans le secteur médical. C’est pourquoi, entre 2021 et aujourd’hui, nous avons développé des technologies sous-jacentes afin de reproduire de la peau in vitro qui soit non seulement pertinente, mais aussi dotée de caractéristiques intéressantes et adaptées aux besoins de l’industrie de la mode.
Nous avons alors mis en place un premier procédé de fabrication, mais il reste cher parce qu’il n’est pas encore industrialisé. Ce procédé, partiellement automatisé, est encore réalisé au sein de notre laboratoire à Paris.
Désormais, notre objectif est de développer les matières pour multiplier les applications potentielles, mais surtout d’accélérer les sujets d’industrialisation pour nous permettre, à terme, de lancer une première usine qui aura la bonne structure de coût.
Au capital de Faircraft, on trouve le fonds Bpifrance French Touch Capital, quelle importance cela revêt-il pour vous ?
Haïkel Balti : Faircraft est une entreprise internationale. Nous avons aujourd’hui des profils qui viennent du monde entier, car nous partons du principe qu’il faut aller chercher les talents là où ils sont et les accueillir de la meilleure des manières.
Mais, Faircraft reste avant tout une entreprise française. Notre premier marché est français, et nous nous appuyons sur des savoir-faire français que nous souhaitons valoriser et faire vivre. Par conséquent, l’intégration d’un tel fonds au capital de l’entreprise est une réelle opportunité. Cela permet de renforcer notre ancrage avec nos chaînes d’approvisionnement tout en conservant des ambitions internationales.
Nous ne souhaitons pas rester une startup franco-française, attachée uniquement au marché français : nous désirons aussi travailler avec une typologie de clients provenant du monde entier.
Comment Faircraft répond-elle aux défis de marque et commerciaux rencontrés par ses clients, principalement dans l’industrie du luxe ?
Haïkel Balti : Les marques de l’industrie du Luxe, ou plus largement de l’industrie de la mode, sont confrontées à un certain nombre de problématiques environnementales, car ce sont des secteurs très polluants. C’est un point d’autant plus important qu’une grande partie des clients devient de plus en plus sensible à ces enjeux, notamment la génération Z, qui devrait d’ici 2035 représenter près de 40 % de l’assiette de clients.
Les enjeux de ces marques portent aussi sur l’approvisionnement, car la consommation de viande rouge diminue dans les zones où les entreprises du luxe viennent chercher leur matière première. Nous cherchons donc à leur proposer des solutions qui permettent d’être plus durables pour leur chaîne d’approvisionnement, respectueuses de savoir-faire artisanaux ancestraux et de l’environnement.
L’alternative au cuir animal traditionnel que produit Faircraft répond à l’ensemble de ces problématiques métier.
Notre équipe accélère le développement des startups investies par les fonds d’investissement en capital risque de Bpifrance.