iBanFirst, société experte dans le marché des changes, vient de publier un livre blanc intitulé « Quelles perspectives d’évolution en 2025 pour le marché des changes ? ». Son objectif ? Mieux appréhender la volatilité des devises l’année prochaine et aider les entreprises à établir des prévisions solides dans un monde bouleversé par des événements à portée internationale.
Nous avons échangé avec William Gerlach, VP Grands comptes et opérations de marché chez iBanFirst, afin qu’il nous aide à mieux comprendre cet environnement et réussir à y naviguer plus efficacement.
En quelques mots, comment s’est comportée l’économie mondiale en cette fin d’année 2024 ?
William Gerlach : Cette fin d’année a été notamment marquée par l’exceptionnalisme américain. Cette économie continue de surprendre les experts avec une croissance probable de 2,7 % en 2024 et 2 % en 2025. En zone euro, la croissance est au contraire anémique, et devrait atteindre 1 % l’an prochain.
Le dynamisme des États-Unis repose sur deux facteurs : la dette américaine et la consommation. La dette américaine a en effet augmenté de manière contrôlée, ce qui a permis aux entreprises de relocaliser leur activité aux États-Unis et de pouvoir investir massivement. La productivité est de 3 % en 2024, alors qu’elle est négative ou proche de 0 en zone euro.
La consommation est l’autre pilier de l’économie américaine : 30 % de la population dispose d’un portefeuille d’investissement financier supérieur à 500 000 $. Cette population, plus riche que dans la zone euro, consomme plus et injecte donc davantage de liquidités dans l’économie.
Vers quelles tendances globales se dirige-t-on pour 2025 ?
William Gerlach : En 2025, nous allons continuer à observer une suprématie de l’économie américaine, tandis que la zone euro poursuivra sa stagnation économique. Cette domination repose sur plusieurs facteurs clés, tels que l’augmentation des taxes à l’importation, mais aussi le coût de l’énergie aux États-Unis, qui est quatre fois inférieur à celui de l’Europe. Cela représente un puissant effet de levier pour attirer les entreprises et relocaliser les industries aux États-Unis.
Les pays émergents devraient également afficher une bonne croissance, car ces économies sont désormais plus solides. Ils ont réduit leur dette en dollars américains, ce qui les rend beaucoup moins vulnérables face aux fluctuations de la monnaie américaine.
La Chine pourrait quant à elle éprouver des difficultés à relancer sa croissance en raison des difficultés financières bancaires. À cela s’ajoutent les taxes américaines de 60 %, qui pourraient entraîner une baisse du PIB chinois de 1,4 %, ce qui serait un réel coup dur pour cette économie.
Voit-on des spécificités régionales se dessiner ? À quel degré de certitude placer ces risques ?
William Gerlach : La stagnation économique en Europe va continuer, mais il n’y aura pas de crise majeure. Des risques vont persister en 2025, notamment dans le secteur de l’immobilier commercial, affaibli depuis la pandémie et la remontée des taux par la BCE (Banque centrale européenne).
On risque aussi d’assister à une guerre des devises. En effet, sans relance budgétaire en Europe, la BCE pourrait laisser l’euro s’affaiblir sur les marchés. Si en parallèle le dollar américain continue à se renforcer, le Président Donald Trump pourrait alors intervenir, car il estime que cette monnaie est surévaluée.
Nous pouvons faire un parallèle avec son élection en 2016, lorsque l’eurodollar était descendu jusqu’à 1,04 ou 1,05 entre Q4 2016 et Q1 2017. En l’espace de six mois, nous avions alors observé une variation de plus de 15 %, ce qui est très important sur une paire de devises aussi liquide que l’eurodollar.
Et qu’en est-il des spécificités des marchés émergents ?
William Gerlach : Les pays émergents vont continuer sur leur lancée et afficher une forte croissance. La Chine est un cas particulier, car elle doit faire face à une crise bancaire silencieuse. En effet, de nombreuses petites banques locales, situées en zone rurale, sont en difficulté. Cela représente un total de 55 milliards de yuans d’actifs, ce qui équivaut à 13 % du système bancaire chinois. Cette situation s’explique notamment par l’existence de près de 40 % de prêts non performants dans le bilan financier de ces banques.
Il y a deux issues possibles face à cette situation. La première solution est de laisser ces petites banques faire faillite. Toutefois, cela viendrait s’ajouter aux difficultés liées au protectionnisme des États-Unis. La seconde est d’opérer des fusions bancaires de ces banques défectueuses, mais cela risquerait de ralentir l’activité économique et réduire l’accès au crédit dans un pays qui en a absolument besoin, car les Chinois cherchent actuellement à acquérir des logements.
Quels événements vont animer le marché des changes en 2025 ? Lesquels pourraient bouleverser l’état du marché ?
William Gerlach : Deux points principaux sont incontournables : l’aspect géopolitique et le sujet de la politique monétaire.
Le début d’année 2025 va être rythmé par le passage entre deux administrations aux États-Unis, ce qui va forcément avoir un impact sur les tensions géopolitiques. Tous les experts s’accordent à dire que le conflit armé entre Israël et l’Iran va continuer et que nous pouvons craindre de nouvelles frappes. En Europe de l’Est, le conflit ukrainien reste quant à lui confus. La Russie risque de conserver une position militaire assez forte, voire pourrait être tentée d’ouvrir de nouveaux fronts pour fragiliser l’OTAN. Tout ceci risque d’avoir un impact notable sur la monnaie européenne.
Il est encore trop tôt pour imaginer les influences de la politique de Donald Trump sur les orientations de la FED (Réserve fédérale des États-Unis). L’impact des décrets qu’il prévoit mettra du temps à se manifester. Pour l’instant, la FED conserve une totale marge de manœuvre pour poursuivre son cycle d’assouplissement monétaire, une stratégie qui devrait permettre de réduire durablement la charge de la dette américaine.
Nous pouvons aussi anticiper un combat, ou plutôt une observation à distance, entre la FED et la BCE. Toutefois, la FED risque plutôt d’être en réaction aux actions, ou non-actions de la BCE, si elle constate un dollar qui se renforce trop sur les marchés.
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Quels sont les impacts à prévoir pour les entreprises et startups qui souhaitent s’internationaliser ?
William Gerlach :
Les startups qui souhaitent s’internationaliser doivent aujourd’hui affronter une immense incertitude (politique, monétaire, géopolitique…). L’enjeu est ainsi pour ces entreprises de couvrir les flux financiers qui peuvent l’être.
Par ailleurs, les nouvelles négociations commerciales entre les États-Unis et l’Europe, ainsi que l’exposition aux tarifs douaniers, vont sans doute pousser de nombreuses entreprises françaises et européennes à se replier sur leur marché domestique au lieu de travailler avec les États-Unis ou de s’y implanter.
Il peut être plus intéressant d’investir en Europe avec un investissement moindre, mais une rentabilité plus forte et plus rapide.
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