Syensqo face au défi de la décarbonation : une stratégie industrielle ambitieuse pour 2040

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A l’occasion de la table ronde « Décarbonation & souveraineté : les innovations qui vont façonner l’avenir de l’industrie française » animée lors de l’événement BIG (Bpifrance Inno Génération), Christophe Couesnon, General Manager France chez Syensqo revient sur les trajectoires et les principales initiatives et collaborations qui définissent leur plan de décarbonation à horizon 2040. À l’occasion de cette table-ronde, le 3e Mapping des startups françaises actrices de la décarbonation et de la réindustrialisation sera dévoilé et fera suite à la deuxième édition de ce mapping déjà dévoilée lors de BIG en 2023. Découvrez un avant-propos des échanges qui auront lieu jeudi 10 Octobre à 15h30 sur la scène Echo 2 avec l’un des speakers invités.

 

Bpifrance Le Hub : Pouvez-vous nous présenter Syensqo et les enjeux de l’entreprise en matière de décarbonation ?

Christophe Couesnon, General Manager France chez Syensqo : « Syensqo c’est un groupe pesant 6,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et employant 13 000 personnes. Parmi les 2 000 chercheurs à travers le monde, Syensqo compte 500 chercheurs dédiés à la recherche en France, soit 25% des effectifs.

En termes d’innovation, nous travaillons sur 4 plateformes qui adressent des marchés de forte croissance à savoir : les batteries, l’hydrogène, les matériaux composites thermoplastiques, et le biomatech.

Aujourd’hui, l’industrie représente 17 % des volumes de CO2 en France, et la chimie en est un acteur important. Syensqo a réalisé des progrès significatifs dans la réduction de ses émissions de carbone, avec une baisse de plus de 30 % depuis les années 2010. Deux de ses principaux sites, Tavaux et Saint-Fons Spécialités, sont particulièrement engagés dans cette démarche. Le site de Tavaux, qui emploie quelque 700 personnes, a signé un contrat de transition énergétique en partenariat avec le gouvernement, sous l’impulsion de l’ancienne ministre Agnès Pannier-Runacher. Cet accord fixe une trajectoire ambitieuse de décarbonation, avec des étapes importantes dès 2030. L’objectif global du groupe est d’atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de ses sites d’ici 2040. »

 

Christophe Couesnon, General Manager France de Syensqo – ©Sylvain Crasset

 

Plus concrètement, quels sont les défis auxquels Syensqo est confronté pour décarboner ses sites industriels ? Comment les adressez-vous ?

« Pour vous donner un premier exemple, le site de Saint-Fons est en train de construire une unité de biomasse : nous avons converti une partie de la friche industrielle pour cette vocation de façon à pouvoir apporter une énergie complètement décarbonée. C’est le site qui est certainement en France le plus avancé dans sa démarche.

En revanche, le site de Tavaux présente des défis plus complexes en raison de la diversité et de l’ampleur des besoins énergétiques. Son emplacement relativement isolé impose des exigences supplémentaires en matière de sécurité énergétique. En cas de défaillance du réseau, le site doit pouvoir continuer à fonctionner sans interruption, une contrainte cruciale pour une plateforme chimique de cette envergure, où la continuité des opérations est essentielle pour assurer la stabilité et la sécurité des processus industriels.

Pour aller plus loin, nous devons explorer de nouvelles technologies. Forcément, nous regardons des technologies qui sont matures et prouvées, dans lesquelles nous allons pouvoir avancer extrêmement vite mais également de manière maîtrisée en termes d’investissements et de durée. Aujourd’hui, nous travaillons plutôt sur des systèmes de compression d’énergie, de conversion, de vapeur, de décarbonation par la biomasse, donc des systèmes matures, qui permettront des mises en œuvre rapides. »

 

Quelles solutions technologiques sont explorées par Syensqo pour accélérer ses objectifs de neutralité carbone ?

« Aujourd’hui, nous rencontrons des obstacles liés aux nouvelles technologies, soit en raison de leur manque de maturité, soit à cause de contraintes économiques importantes. Face à ces défis, nous avons relevé quatre axes principaux qui seront des pistes d’exploration :

  • Électrification des pompes à chaleur haute température : À ce jour, toutes les pompes à chaleur disponibles ne permettent pas d’atteindre les températures requises pour la conversion d’énergie. Il existe également un problème d’accès à l’électricité, car bien que la production de vapeur soit possible, l’approvisionnement en électricité reste limité. Plusieurs start-up, soutenues par l’ADEME, travaillent sur des pilotes dans ce domaine. Syensqo, toutefois, ne prévoit pas de financer un pilote tant que la technologie n’est pas suffisamment éprouvée, d’autant plus que seuls deux de ses sites sont concernés.

 

  • Petits réacteurs nucléaires : Ici aussi, Syensqo attend les résultats des pilotes en cours pour mieux comprendre le modèle économique. Actuellement, le coût et les questions liées aux permis constituent des freins, et nous surveillons l’évolution de ces points avant de s’engager.

 

  • Hydrogène : L’hydrogène vert, qui présente un intérêt particulier pour Syensqo, n’est pas encore économiquement viable. Nous nous intéressons aux innovations dans le domaine du stockage d’hydrogène, domaine dans lequel Syensqo pourrait contribuer, comme elle le  fait en participant à la construction du premier avion à hydrogène avec Bertrand Piccard. Cependant, le coût de production de l’hydrogène vert demeure un obstacle majeur.

 

  • Enfin, le biogaz pose un problème de coût, étant trois à quatre fois plus cher que le gaz naturel. Ici il s’agit plutôt de l’innovation sur le plan contractuel, de compensation de taxonomie : comment pouvons-nous faire en sorte que ce biogaz puisse effectivement être considéré comme renouvelable et empêcher qu’il soit aujourd’hui 3 à 4 fois plus cher que le gaz naturel ? »

 

Le premier site neutre en carbone de Syensqo, à Anvers, en Belgique. ©Syensqo

 

La France est-elle bien positionnée par rapport à ses voisins européens dans la course à la décarbonation ?

« La France a un formidable atout : l’énergie nucléaire, reconnue comme décarbonée. C’est l’une des sources d’énergie les plus abondantes du pays, mais nous n’avons pas encore pleinement utilisé cet avantage pour créer une différenciation. À l’échelle européenne, la décarbonation pourrait permettre à la France et à l’Europe de se démarquer face aux blocs chinois et américains.

La Chine, par exemple, est aujourd’hui le plus grand investisseur mondial en énergies décarbonées. Elle est très agressive sur le plan commercial, avec des prix bas et une surcapacité industrielle. Les États-Unis, quant à eux, adoptent une approche protectionniste, avec des subventions massives dans certains secteurs. La décarbonation est donc un levier stratégique pour maintenir notre compétitivité industrielle à l’échelle mondiale. »

 

 

Pensez-vous que les objectifs de neutralité carbone pour 2040 sont réalistes ?

« Chez Syensqo, nous pensons que nos objectifs pour 2040 sont réalisables. Nous avons déjà un plan clair pour atteindre la neutralité carbone à cette échéance. Les derniers pourcentages de réduction des émissions seront certainement les plus difficiles, mais au vu des progrès déjà réalisés, nous sommes confiants.

Cela dit, il est important de souligner que la décarbonation représente un surcoût. L’environnement économique en Europe est difficile, et il sera crucial d’obtenir des soutiens, notamment de l’État, pour réussir à maintenir la compétitivité industrielle tout en poursuivant nos efforts de décarbonation. »

 

Syensqo en France – Source : www.syensqo.com/fr/france

 

Quels sont les prochains défis pour renforcer la collaboration entre grands groupes et start-ups dans le cadre de la décarbonation ?

« Les derniers kilomètres sont toujours les plus difficiles, comme les derniers grammes de CO2 qu’il faudra aussi obtenir. Aujourd’hui, les principaux défis sont liés à l’énergie, mais d’autres sujets, comme la gestion des déchets, gagneront en importance à mesure que l’échéance de notre plan approchera.

Les barrières actuelles tiennent aussi aux coûts et à la robustesse des solutions. Nous avons besoin de start-up capables d’améliorer les technologies existantes, tant en termes de coût que de performance, tout en garantissant une mise en œuvre rapide et efficace. C’est en ce sens que la collaboration entre grands groupes et startups sera essentielle pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Il y donc encore du chemin à faire, et une diversité de projets à engranger d’ici à 2030 et 2040. »

 

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