Dans la vie d’une startup, il n’est pas rare de se rapprocher d’un grand groupe pour nouer un partenariat. Certaines questions sont alors inévitables. Quels sont les points d’attention à surveiller lors de la préparation du contrat ? Comment se protéger quand on est en face d’une structure qui fait 100 fois sa taille ? Que deviennent les données générées pendant le partenariat ? Comment bien intégrer les obligations du RGPD ? Les questions légitimes sont multiples !
Photo : National Cancer Institute via Unsplash
C’est sur cette thématique que se sont déroulés plusieurs événements tout au long du mois d’octobre au sein du pôle Healthtech de Bpifrance Le Hub. Nous avons abordé ces sujets au cours d’ateliers avec Lorraine Maisnier-Boché, Anne-France Moreau et Emmanuelle Trombe du cabinet d’avocats McDermott Will & Emery ainsi qu’Edouard Gasser, directeur général et co-fondateur de Tilak Healthcare, Sophie Martineau, directrice commerciale chez Calmedica et Alexis Peyroles, directeur général d’OSE Immunotherapeutics.
1. S’assurer de l’alignement stratégique entre les partenaires
« Un partenariat d’accord, mais pour quoi faire ? ». Quand une startup décide de travailler avec laboratoire pharmaceutique, cela ne doit pas être un objectif en soi, il faut regarder le tableau d’ensemble, il doit faire partie d’une vision stratégique. Pour cela il est intéressant de sonder les grands groupes régulièrement et d’entretenir les liens avec les équipes, notamment au cours d’événements professionnels (congrès scientifiques, salons, etc.).
Pour maximiser les chances que le projet soit porté jusqu’au bout, il faut aussi s’assurer en amont que le produit occupe une place importante dans la stratégie du partenaire. Il faut identifier un alignement stratégique du côté du laboratoire avec lequel la startup souhaite travailler. C’était le cas par exemple pour Tilak Healthcare dont la solution répondait à plusieurs enjeux stratégiques de Novartis au moment de la contractualisation.
2. Mettre en place un Comité de Pilotage ou Steering Committee
Certaines technologies encore peu matures peuvent faire l’objet d’un partenariat avec un laboratoire pharmaceutique au cours duquel la solution peut être développée ensemble. Dans ce cas, il faut définir le périmètre de chacune des entités pour ce qui a trait à la technologie. D’après Edouard Gasser et Sophie Martineau, un comité de pilotage prendra ici tout son sens : dès le début de la collaboration, il permet de définir l’autorité de chacun et permettra un suivi grâce à des réunions mensuelles. Ainsi, sur la technologie par exemple, une startup restera décisionnaire en ce qui concerne le plan de développement et les budgets associés.
3. Anticiper les délais
Un partenariat de grande envergure peut demander du temps car les temporalités sont parfois différentes entre les deux structures. Pour éviter des retards, il faut anticiper la durée du process en gardant à l’esprit qu’un partenariat local prend du temps et qu’un partenariat global prend encore plus de temps. L’avantage de ce dernier est qu’il permet d’éviter une renégociation avec chaque pays, cependant l’accord est souvent plus complexe pour une startup avec une empreinte uniquement locale.
Dans le cas d’une biotech par exemple, il faut prévoir des due diligences longues, entre 12 et 18 mois, et s’appuyer sur le partenaire et ses équipes, spécialisées, pour mieux avancer. Les grands groupes ont des ressources internes qui pourront solidifier certains éléments du dossier comme le market sizing.
4. Discuter de l’exclusivité
Dans les contrats, il est impératif de discuter de l’exclusivité qu’aura le partenaire au moment de la levée d’option, et des éventuelles clauses de concurrence.
Il est recommandé d’éviter de négocier une exclusivité dans le cas où la solution sous contrat peut être vendue à plusieurs reprises (e.g. logiciel, application). Certains partenaires pourraient être réticents à cette idée, mais il est essentiel pour une startup de conserver la liberté de vendre à plusieurs entreprises, sans quoi c’est tout son modèle économique qui peut être remis en cause.
5. Tenir compte des risques liés au périmètre de distribution
Certaines startups peuvent être tentées de morceler géographiquement un accord de licensing ou de distribution d’un même produit entre plusieurs partenaires. Certaines « Big Pharma » ne seront intéressées que par un accord global où une partie du produit a déjà été licencié sur un ou plusieurs pays. Les startups doivent donc être vigilantes lorsqu’elles décident de faire cette division et s’assurer que le périmètre restant pourra intéresser d’autres partenaires.
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6. Structurer pour mieux négocier
Une fois l’intention de la startup bien définie, commencent les négociations. La première chose à faire, avant de donner une quelconque information à son partenaire, est de mettre en place un accord de confidentialité. Il a certes une valeur juridique mais c’est aussi un accord moral qui met en jeu la réputation des partenaires dans le cas où il n’est pas respecté. Il permet de déterminer en amont du contrat les informations confidentielles que la startup est prête à partager et vice versa. Le cas échéant, on peut y trouver les collaborations académiques antérieures au partenariat afin d’éviter toute interrogation sur la propriété intellectuelle du produit.
Concernant les brevets, il est préférable d’avoir au moins déposé une demande mais il n’est pas nécessaire d’avoir un brevet délivré au moment du partenariat. Pendant le due diligence, le service juridique du partenaire peut chercher à s’assurer que le brevet a effectivement des chances d’être délivré.
L’accord de confidentialité précède un deuxième document : la Term Sheet (ou Letter of Intent, ou Memorandum of Understanding), dans lequel les grands principes du partenariat ainsi que les engagements clés seront définis. Quand les deux parties sont en accord sur son contenu, cela permet d’accélérer l’étape suivante, à savoir l’élaboration du contrat.
7. Discuter du paiement
Le partenaire achetant la solution va souvent préférer payer la startup à la fin du contrat plutôt qu’au début. Cela peut poser des difficultés à la startup qui a besoin du paiement en amont pour faire le développement. Il faut donc négocier de sorte à être payé à chaque étape de développement. Il s’agira davantage de paiements d’avancée de projet que de paiements de résultats. En plus de ces système d’upfront ou de milestones, des royalties peuvent être discutés si la solution s’y prête. Alexis Peyroles précise : « Il faut que le partage des coûts soit clair, savoir “qui fait quoi à quel moment« et s’assurer de quand on sera payé ». Car en effet, il faut également tenir compte de la rapidité du paiement qui est aussi importante que le montant.
Exemple : est-ce qu’une étape « Lancement de la phase 1 » correspond au moment où les autorités acceptent le lancement de l’étude clinique ou est-ce le recrutement du premier/dernier patient ? Dans cet exemple, le recrutement des patients peut induire un délai considérable dans le paiement du milestones. Si le critère retenu est le recrutement du dernier patient, la startup peut attendre plusieurs mois avant d’être payée.
8. Mettre en place un contrat de faisabilité (Material Transfer Agreement)
Ce contrat, plus simple qu’un contrat classique, peut être fait avant d’en arriver au partenariat. Il permet de transférer du matériel ou d’autres éléments pour déterminer si une collaboration est envisageable.
Une certaine quantité de produits et d’informations va alors être transférée d’un partenaire à l’autre. Il doit y avoir une identification assez précise de ce qui va être autorisé par le partenaire qui reçoit le matériel. Dans ce type de contrat, on retrouve plusieurs clauses :
- Clauses interdisant le reverse engineering : cela empêche le partenaire de faire des études qui permettraient de déterminer la structure du produit ;
- Clauses sur la propriété des résultats : de la propriété intellectuelle va naître au cours du développement du projet. Ces clauses permettent de déterminer ce qui appartient au receveur, au donneur en fonction des connaissances antérieures de chacun. Elles sont accompagnées par l’interdiction de déposer un brevet ;
- Clause traitant de la restitution ou destruction du matériel de la partie « receveuse » (ici le partenaire) à la partie « donneuse » (ici la startup).
En annexe de ce contrat, on peut expliciter ce qu’a le droit de faire le partenaire avec le matériel fourni par la startup, la durée d’utilisation, le caractère payant ou gratuit, ainsi que la propriété des données générées dans le cadre de l’utilisation du matériel.
9. Gérer les droits sur les données
Lorsque de la donnée, notamment personnelle, est impliquée, la sécurité est un élément primordial et le partenaire doit pouvoir avoir confiance. Quand arrive la discussion sur les aspects RGPD, la première chose à faire est de définir le champ des responsabilités de chaque partenaire autour de la donnée, et de le représenter sous forme de schéma : qui décide ? Quels sont les axes de travail de chacun ? Qui intervient sur les données ? Qui les produit ? Qui les réutilise ? Cette matrice de répartition des responsabilité RGPD entre les partenaires, où sont listées les finalités et le cycle de vie des données, permet de cartographier les obligations de chacun.
Ensuite, il faudra choisir une configuration :
-
Coresponsabilité
Cette notion permet de nuancer la relation partenariale qui se limitait auparavant à un prestataire travaillant pour le compte d’un client. Elle permet de dire que dans un partenariat, même si l’une des deux parties n’a pas accès aux données ou n’est pas celle qui les produit, elle est responsable conjoint de ces données. Les startups peuvent être en coresponsabilité sur les données avec le partenaire. Le payeur n’est donc pas nécessairement « propriétaire » des données mais reste responsable conjoint des données.
-
Responsable / Sous–traitant
Pour une startup, il faut être prudent avec la qualification de « sous-traitant ». Ce statut lui imposera d’effacer, à l’issu du partenariat, toutes les données générées car elles sont sous la responsabilité du partenaire. Ainsi, si la startup souhaite utiliser ultérieurement les données du partenaire ponctuellement pour améliorer sa technologie, la seule sous traitance ne peut être envisagée. Si la réalité opérationnelle est différente et que la startup n’a pas besoin d’utiliser les données pour son propre compte, le partenaire reste alors responsable des données. Cependant, la startup doit sécuriser juridiquement ses besoins réglementaires. Par exemple en cas de contrôle d’une autorité, la startup peut avoir besoin d’accéder de nouveau aux données sur lesquels elle a entraîné son IA.
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Responsabilité indépendante
Dans cette configuration, les données échangées sont sous la responsabilité respective de chacune des deux parties, la clause RGPD peut être plus simple.
Qu’il s’agisse de sous traitance ou de coresponsabilité, il y a une clause obligatoire à mettre dans le contrat qui répartit les obligations. Même en étant sous-traitant, il y a un périmètre d’obligations à respecter et ce qui est hors du champ des prestations sous-traitées doit être reporté sur le partenaire. Dans le cas de la coresponsabilité, il faut déterminer les rôles de chacun, bien que, face aux autorités de protection des données personnelles et aux personnes concernées, un manquement peut être reproché solidairement aux deux partenaires.
Exemple : de façon schématique, si un partenaire a fourni des données à une startup et qu’il a pris l’engagement de les avoir obtenues licitement, d’avoir informé les personnes et/ou d’avoir obtenu tous les consentements requis, d’avoir, si nécessaire, réalisé ses formalités auprès de la CNIL, etc. et qu’il ne l’a pas réellement fait, la startup peut être tenue pour responsable face aux institutions comme la CNIL. Mais ensuite, la startup peut rechercher la responsabilité contractuelle de son partenaire, si les responsabilités ont été correctement réparties au préalable.
Le succès d’un partenariat repose donc sur la concordance des besoins entre deux acteurs et sur une communication claire et régulière. Il faut trouver un mode de fonctionnement qui convienne au partenaire comme à la startup et fixer quelques règles pour garantir le bon développement du partenariat et donc de l’activité.
A propos d’OSE Immunotherapeutics
OSE Immunotherapeutics est une société de biotechnologie intégrée qui développe des immunothérapies innovantes, en direct ou via des partenariats, pour l’activation et la régulation immunitaire en immuno-oncologie et dans les maladies auto-immunes.
A propos de Tilak Healthcare
Créée en 2016, Tilak Healthcare est spécialisée dans la santé digitale et plus particulièrement dans le développement d’une plateforme technologique disruptive de jeux mobiles prescrits par les professionnels de santé, pour l’accompagnement de maladies chroniques.
A propos de Calmedica
Fondée en 2013 dans le but de faire bénéficier tous les patients des avancées de l’intelligence artificielle appliquée à la santé, les outils de Calmedica sont utilisés dans toutes les situations où, dans le domaine de la santé, un robot conversationnel permet d’augmenter l’efficience du système de soins (gestion des patients ambulatoires, information des patients, éducation thérapeutique, essais cliniques).
A propos de McDermott Will & Emery
McDermott Will & Emery est l’un des plus importants cabinets d’avocats internationaux. Il compte plus de 1200 avocats et est implanté dans 20 bureaux en Amérique du Nord et en Europe. Véritable plate-forme intégrée, McDermott permet à ses différentes équipes à travers le monde de collaborer étroitement et régulièrement.
Ingénieure en biotechnologie, Tamara s’est spécialisée dans la management de l’innovation dans le secteur de la santé. Elle travaille avec des startups du portefeuille de Bpifrance des 3 grands domaines : santé numérique, medtech et biotech.